Romain Pillard
31 min readApr 7, 2015
Le sexe c’est le sexe, mais l’argent c’est l’argent.

Les escort girls se font 100 $ la branlette — mais des entrepreneuses telles que moi ? Nous nous faisons 5 000 $ la nuit. Bienvenue dans la nouvelle économie du plus vieux métier du monde.

Par Svetlana Z
Photographies de Svetlana par Pascal Perich

Semaine du sexe…

Son fils n'a pas pu incorporer Dartmouth et cela le rend triste, parce qu’il l’aime et qu’il sait combien le garçon se met la pression. Je comprends…

Lorsque vient le soir, sa femme ne lui laisse plus engloutir ses bols de glace au chocolat avec des éclats de menthe et elle le tanne au sujet des après-midis dominicales passées devant la télé à regarder du golf. Je fronce les sourcils…

Son médecin dit qu'il a besoin de plus de vitamine D, et qu’il devrait peut-être envisager de prendre des anti-dépresseurs,aussi, mais il est convaincu pour sa part qu’il lui suffirait de trouver quelque chose d'utile à faire dans sa vie, pour se sentir mieux. Je fais un petit bruit les lèvres pincées en ouvrant grand les yeux. Je suis au bord des larmes.

Je lui dis qu'il est gentil de se préoccuper autant de son fils. Je lui raconte que si j’étais avec lui, je le laisserais manger toute la crème glacée qu'il voudrait, et que je passerais mes après-midis du dimanche à côté de lui pour regarder le golf, car pourquoi ne pas laisser les gens faire ce qui les rend heureux ? Ensuite je lui dis que je n’y connais rien en vitamine D, ni en anti-dépresseurs (c’est la chose la plus vraie que je dirai de toute la semaine), mais qu’il semble très en forme. Et comme je dis cela, je caresse doucement sa cuisse en rejetant ma tête un peu arrière en le fixant de mes yeux à demi cachés — je me suis entraînée dans le miroir. Je souris sans dévoiler mes dents — je me suis aussi entraînée à faire cela — et j’attends qu’il vienne à moi. Mais il n’est pas encore prêt à cela ; il veut me raconter comment il a frappé un triple pour son équipe de softball week-end dernier, et comment c’était «magique» et comme il aimerait pouvoir se sentir aussi bien tout le temps.

J’ai déjà eu des hommes comme lui avant, et ils sont doux, mais ils peuvent s’avérer compliqués aussi. Je ne sais pas ce qu'est un triple, et je n’ai aucune idée de ce que cela a à voir avec la magie, mais je sais que nous en avons parlé pendant 15 minutes. Je sais qu’il est important qu'il se sente comme si nous avions toute la journée, comme si nous avions tout le temps. Le temps ne peut pas exister pour nous. Mais je sais exactement combien de temps nous avons. Je vire mes chaussures avec les pieds (simples, des Louboutins beiges à 600 $ que j’ai acheté pour 250 $) que je portais spécialement pour lui, car il m'a dit qu'il n’était “pas un gars trop fantaisiste.” (Si il avait été “ fantaisiste”, j’aurais porté mes Louboutins noires .)

Il parle toujours de triples, de magie et de sens. Nous avons 35 minutes. C’est encore beaucoup de temps, mais je ne veux pas prendre de risques inutiles. Mon travail consiste en minimiser les risques. Je m’approche, lui dis que j’ai une idée qui le ferait sans doute se sentir bien. Je lui dis qu'elle me ferait moi aussi me sentir bien. Je lui dis que j’y ai pensé depuis qu’il m'a envoyé son texto deux jours plus tôt. Je griffe doucement sa cuisse avec ma manucure douce, rouge (toute autre couleur, vous prenez un risque). J’humecte mes lèvres, laissant juste entrevoir un peu mes dent. Il est timide, mais c’est un homme. Il s’arrête de parler.

La partie la plus délicate de mon travail est terminée. Maintenant c’est l’heure du sexe.

Je suis arrivée à New York en provenance de Tcheliabinsk, une ville fichée en plein cœur de la Russie, quand j’avais 19 ans et avec 300 $ dans ma poche. J’ai eu 24 ans en Mars dernier et j’ai réussi à mettre 200 000 $ de côté, en baisant pour l'argent. J’ai voyagé au Maroc, à Paris, à Pékin, et à Monaco. Les hommes m’ont rapporté du thé de Londres, des chocolats de Suisse, de la lingerie et des chaussures de France d'Italie. J’ai acheté une petite maison de village à mes parents (je leur ai dit que j’avais un riche petit ami américain qui prenait soin de moi).

Je ne déteste pas les hommes. Je ne suis pas une victime de la traite des enfants. Je n’ai jamais été violée, drogué, et je n’ai jamais été amenée à faire de la pornographie. Je ne suis pas toxicomane. Je n’ai jamais eu de proxénète. Je ne souffre pas de ce que mes copines américaines appellent des «problèmes avec papa» et ce que mon psy désigne comme “un trouble de l’identité dû à un abandon précoce durant l'enfance.” Mon père avait des amoureuses. Je ne blâme pas mes parents pour mon travail ou pour ma vie. D'autres enfants ont d'autres problèmes. Mes parents avaient des soucis lorsqu’ils étaient enfants. Mon thérapeute m'a aidé à voir cela.

Je suis une femme d'affaires. J’ai fait ce que les politiciens de ce pays encouragent toujours les immigrants à faire. Travailler dur, saisir l'opportunité, maximiser ses talents, s’ajuster et s’adapter à la nouvelle économie mondiale.

Je n’ai pas travaillé comme une escorte depuis plus d'un an. Non pas parce que ce travail est illégal, cela fait partie du boulot. Pas non plus parce que j’ai parfois dû faire face à des abrutis, car cela fait aussi partie intégrante du job.

J’ai arrêté parce que je veux étudier le cinéma et la psychologie, et je peux me permettre de le faire à présent. J’ai arrêté parce que finalement j’aimerais me marier et avoir un enfant, or, plus longtemps on reste escort girl, plus dur une telle vie devient difficile à obtenir. Depuis que j’ai tout arrêté, ma vie a été du genre compliquée et je vais vous en parler. Mais d'abord je vais vous dire comment je suis entrée dans l’industrie, et ce en quoi cela consiste vraiment.

J’ai grandi en Russie centrale. Quand j’étais petite, je souhaitais devenir guide touristique et découvrir le monde. Puis j’ai croisé un bus pour touristes dans notre ville, il était tout petit et sentait mauvais, sans air conditionné. Le guide avait les cheveux crépus et des auréoles de transpiration sous les aisselles. J’ai alors pensé que les guides touristiques des Etats-Unis devaient sans nul doute avoir un tout autre standing.

Je possédais le numéro de téléphone d’une compatriote russe qui m’avait proposé de me loger. Lorsque je suis arrivé à l’aéroport JFK, elle m’a dit de prendre le train pour Brighton Beach, à Brooklyn. Je connaissais l’endroit car dans les films russes c’était un lieu où l’on pouvait acheter du saumon fumé, du caviar et des jolies fringues, un endroit où seuls les gens qui ont vraiment réussi peuvent vivre. Je me suis dit que j’avais de la chance.

En sortant du train j’ai vu tous ces gens horribles, certains en chaises roulantes, des vieux, les rues puaient et étaient remplies de gens plus mal habillés encore qu’en ex URSS et la gare était tellement bruyante ! J’ai alors pensé : merde, c’est pas l’Amérique dont on m’avait parlé !

J’ai passé quatre jours ici avant de rencontrer une fille qui m’a dit que je pouvais venir vivre avec elle à Manhattan et lorsque je suis arrivée là-bas j’ai compris pourquoi tout le monde souhaitait tellement emménager dans ce coin.

J’ai postulé pour des boulots dans des restaurants, dans des cabinets médicaux, mais personne ne voulait de moi. J’ai vu une annonce qui cherchait des danseuses, alors j’ai appelé. Ils sont venus me chercher avec un mini-van rempli de jeunes femmes. Il y avait tout un tas de mecs bourrés dans le club, qui essayaient de toucher différents endroits de mon corps. Je me suis fait 300 $ et je décidai que je ne referai plus jamais cela. J’ai répondu à une autre annonce pour bosser dans un café turc. Le propriétaire m’a alors dit : si tu baises avec moi tu n’auras même pas besoin de travailler, je te paierai. Non merci, ai-je répondu, en fait c’était plus un “Va te faire foutre crétin de mec !”. Cela ne faisait que deux semaines que j’étais à New-York mais mon anglais progressait.

Alors j’ai vu une annonce parlant de massage. Elle disait qu’aucune expérience n’était nécessaire et que je pouvais me faire 500 $ par jour.

Je suis restée dans une salle avec une autre fille et lorsqu’un homme entra et se déshabilla, je fis ce que l’autre fille se mit à faire, c’est à dire que je me mis à lui caresser le dos et les jambes. Ensuite, au bout d’une demi heure, l’autre fille s’est déshabillée et j’ai alors percuté : “Oh, voilà pourquoi je me fais 100 $ de l’heure.” Alors je me suis dénudée moi aussi et nous l’avons fait jouir.

J’ai commencé à travaillé cinq jours par semaine, puis le gérant du spa m’a fait savoir que je ne pouvais plus travailler ici. Je ne sais pas si c’est parce qu’il était fâché que j’ai fréquenté des clients en privé ou bien si il souhaitait uniquement un roulement de nouvelles filles…

L’autre fille du spa et moi-même avons alors décidé de louer un appartement ensemble et de travailler à notre propre compte. Nous avons retiré toutes nos économies et avons acheté une table de massage et un lit, puis avons commencé à faire de la pub sur Backpage.com. Nous nous faisions environs 800 $ chacune par jour. La plupart des clients voulaient plus qu’un massage, ils appelaient tous cela une branlette, et ils proposaient donc plus d’argent. Je ne suis pas certaine de ce que mon amie a fait, mais pour ma part, j’ai toujours refusé.

Un de mes réguliers qui venaient trois fois par semaine pour un massage et qui me donnait toujours des chouettes pourboires, parfois jusqu’à 100 $, commença à me questionner au sujet de ma vie en Russie et me conseilla de voir un psychologue afin de me sentir mieux. Il me donna le numéro d’un praticienne dont il avait entendu parler et qui parlait russe, ainsi que de quoi payer quelques mois de consultation. Puis il m’a proposé 1000 $ de l’heure pour que nous couchions ensemble. C’était tentant mais je me suis dit que si je couchais une seule fois pour de l’argent, je ne pourrais plus jamais me regarder dans la glace. Il m’a expliqué qu’il m’aimait juste telle que j’étais, qu’il aimerait m’aider à incorporer mon école et prendre soin de moi. Il m’a affirmé que je ferais une très bonne psychologue car je savais faire en sorte que les gens se sentent bien en ma compagnie.

Ainsi, lorsqu’il m’a invité au Plaza Hotel un soir, je m’y suis rendue. Il possédait une suite coûteuse avec des vues splendides. Il ouvrit une bouteille de champagne millésimée et nous avons commencé à parler. Nous avons ainsi conversé un moment puis nous nous sommes déshabillés et nous avons couché ensemble. Il m’a remis une enveloppe contenant 1000 $ en me disant que ce n’était pas une rémunération, c’était juste parce qu’il m’appréciait beaucoup.

Il devait partir dès le lendemain matin pour un voyage d’affaires à Chicago mais moi je suis restée dans la suite et j’ai appelé le service de chambre — jus d’orange et grosse omelette baveuse aux champignons, superbes toasts dorés et petites mottes de beurre en forme de coquillages. J’étais tellement heureuse. Je me sentais comme Vivianne de Pretty Woman.

Il ne m’a pas rappelé lorsqu’il est rentré de Chicago. Je lui ai téléphoné mais il n’a pas répondu, alors je l’ai appelé à son travail. Sa secrétaire m’a fait savoir qu’il “n’était pas disponible” et qu’il ne le serait plus. C’est ce jour là que j’ai ouvert les yeux.

Les clients me connaissaient sous le prénom de Angelina ou de Anna. Angelina était “douce, intelligente, drôle et joueuse… une jouisseuse dévouée prenant l’épicurisme de façon très sérieuse.”

Anna était plus timide une “compagne européenne qui adore le voyage de luxe… souvent passionnée, parfois hilarante mais rarement oubliable.”

Angelina coûte 800 $ de l’heure, 4000 la nuit ; Anna, respectivement 900 $ et 5000 $ : toutes deux référencées sur The Erotic Review (TER), qui est le Yelp de la publicité du monde du sexe, et classées dans le TOP 1% de toutes les escort girls.

Mais il y a un paquet de jeunes femmes très jolies dans mon métier. Ce qui m’a propulsé au sommet — et ce qui a fait que je m’y suis maintenue — c’est mon éthique professionnelle et mon souci du détail. J’ai réussi parce que j’ai appris des leçons très dures et très constructives sur le “Comment réussir dans le monde du sexe rémunéré ?”.

En voici quelques-unes :

Leçon 1 : Dépensez de l’argent pour en faire

J’ai payé quelqu’un pour rédiger mon annonce. J’ai payé un photographe professionnel 1500 $ pour réaliser mes photos. J’ai accepté de faire ces investissements sur moi-même.

Le meilleur référencement pour escort girls, Eros.com, coûte 400 $ par mois. Ce sont eux les plus chers, ce sont eux qui attirent les escort girls les plus soignées et les clients les plus sérieux. Backpage est plus grand public, les mecs sont moins aisés, il y en a même des glauques et pire. Je ne sais même pas si c’est la peine de mentionner Craiglist, c’est là que les gens se font tuer.

Je paye 50 $ par jour sur Eros.com afin d’apparaître dans la section “What’s New”, et j’ai appris que pour que cela soit impactant, il fallait que je sois “new” pour au moins 20 jours par mois. J’ai dépensé 500 $ par semaine pour un spot me présentant. Donc ça fait presque 4000 $ par mois rien que pour ça. La fille qui ne dépenserait que 400 $ par mois pour sa visibilité et sa communication ne recevrait guère qu’un e-mail touts les 15 jours et resterait chez elle à se tourner ou à se sucer les pouces.

Ensuite il y a le loyer, car vous souhaitez travailler dans un autre endroit que celui dans lequel vous vivez, ne serait- ce que pour la cohabitation avec votre colocataire, et cela vous coûtera environs 3000 $ par mois à Manhattan. Vous pouvez un loyer plus modéré dans le Bronx ou dans le Queens c’est certain, mais vous croyez que des hommes fortunés viendront vous visiter dans de tels quartiers ?

Dans mes premières annonces, je mettais très peu de choses. A quoi bon ? Ce que je sais aujourd’hui c’est que les hommes veulent connaître la femme qu’ils baisent. Cela m’a vraiment surpris, mais beaucoup d’entre-eux — la plupart en fait — ont vraiment besoin de sentir une sorte de connexion. Lire que Angelina est plutôt rieuse ou que Anna aime les voyages de luxe les fait se sentir à l’aise. Et lorsqu’ils se sentent plus à l’aise, ils appellent. Je m’étais toujours demandé pourquoi Playboy mettait des petites interviews des modèles en parallèle aux photos. Maintenant je sais. Les mecs qui se font jouir veulent avoir la sensation de connaître la fille.

Leçon 2 : Soyez dans les stéréotypes

Anna et Angelina étaient exotiques avec un vague accent étranger sans nationalité spécifique.

Les hommes — tout spécialement les américains — se font une certaine idée des nationalités. Si vous êtes sud-américaine, alors vous êtes sauvage, drôle et vous aimez baiser. Si vous êtes asiatique, vous êtes une vilaine fille, un peu bizarre, vous êtes prête à faire n’importe quoi et même plus ! Les américains trouvent que les femmes russes sont sexy, mais aussi très froides et méchantes. Certains des mecs que j’ai rencontrés ont eu des expériences plutôt mauvaises avec ce type de filles qu’ils appellent les orpailleuses russes. Les américaines ont la réputation d’être très bien entretenues physiquement, ouvertes d’esprit et drôles. Elles ont parfois des queues de cheval et affichent des sourires de porcelaine, mais les mecs pensent qu’elles sont aussi du genre égoïstes et salopes.

Après avoir appris tout cela, j’ai décidé que Angelina et que Anna seraient certes magnifiques et mystérieuses, mais aussi cosmopolites, sans pour autant que l’on puisse deviner de quel coin du monde elles pouvaient bien venir. Et elles allaient toutes les deux abonder dans le sens de ces fameux stéréotypes. C’est cela le business malin !

Leçon 3 : Le prix est juste

De nos jours, les hommes peuvent baiser des pornstars pour 2000 $ — or elles sont référencées sur les mêmes sites que nous. Ils peuvent emboucher des “sugar babies” pour 4000 $ par mois. Il existe aussi le concept de “vacances du sexe” pour 2000 $, comprenant le logement, la nourriture et l’activité sexuelle. Alors si vous souhaitez vous faire du fric en tant qu’escort, vous avez intérêt à proposer une prestation spéciale. J’ai fait les couples, les jouets intimes, les jeux de rôles et le BDSM (je n’ai jamais fait de sexe anal, et je ne savais même pas ce que c’était jusqu’à ce qu’un de mes clients m’en parle et me demande si j’étais ouverte à cette pratique. J’ai d’abord pensé qu’il plaisantait et je crois que je l’ai même un peu froissé lorsque je me suis mise à rire… Si je devais un jour accepter la sodomie je pense que je ferais payer au moins 1500 $, parce que les hommes pensent que c’est un tabou, qu’ils osent à peine la réclamer et parce qu’ils pensent que la plupart des femmes n’aiment pas vraiment ça). La plupart du temps, je propose mon écoute et ma compréhension. La vérité c’est que même lorsque les hommes me payent pour deux ou trois heures, le sexe ne prend que 15 minutes environ. C’est l’empathie qu’ils achètent.

Les femmes de couleur blanche sont celles qui peuvent demander le plus cher, du moins à New-York. Ensuite viennent les hispaniques, les asiatiques (plus les coréennes et les japonaises que les chinoises du reste…), puis les filles noires. Je ne sais pas si c’est la loi de l’offre et de la demande, mais un client qui se trouve être un superbe acteur blond m’a lui-même conseillé d’en profiter au maximum. Il m’a raconté qu’il n’avait décroché qu’une seule publicité sur les dix dernières auxquelles il avait postulé, tout cela parce que le marché réclamait des gens bruns, cela à cause de la population latinos et de son pouvoir d’achat en hausse (j’apprends souvent des trucs sur mon métier auprès de mes propres clients, même lorsqu’ils n’y connaissent absolument rien). Dans tous les cas, j’en ai profité. J’ai facturé au prix fort ! Ce qui me surprend vraiment ce sont certaines des filles américains qui ne demandent que 400 $. Je ne saurais dire si c’est parce qu’elles sont stupides, feignantes pour maintenir une veille concurrentielle ou bien si c’est qu’elles ne sont pas sérieuses dans leur travail… Peut-être est-ce simplement qu’elles n’ont jamais mis les pieds dans un car de touriste nauséabond sans air conditionné.

Leçon 4 : Un est le chiffre le plus rentable

En agence, ils protègent leurs clients, ils organisent vos rendez-vous, ils prennent soin de vous. Mais ce qu’ils font aussi, c’est qu’ils prennent votre argent, pour les massages c’est 50/50, pour les agences d’escort cela va de 30 à 40 % de vos gains.

Les filles qui travaillent en agence ne veulent pas entendre d’une activité à leur propre compte. Pour moi c’est une vision à court terme. Premièrement, les agences qui proposent une vingtaine de filles n’en ont généralement que deux, une brune et une blonde. Alors, bien sûr, ces filles travaillent dur, très dur même. Si une agence reçoit 20 clients par jour, chacune de ces filles baise donc avec 10 d’entre-eux en une journée. A la fin de l’été, certes ces filles se font 50000 $, mais elles ont du se taper une foule d’hommes pour cela. Pour moi, ça ne vaut pas le coup, ce n’est pas rentable.

J’ai travaillé dur, mais à partir du moment où j’ai travaillé à mon compte, j’ai travaillé dur pour moi-même. Ce sont les entrepreneurs qui se font de l’argent.

Je fais 1 m 73 pour 54 kg, j’ai de longues jambes fuselées, les yeux noisette, des lèvres pleines et un corps fin auquel je fais très attention depuis ma puberté. C’est le matériel de base, c’est mon produit, mon matériel, alors j’en prends grand soin.

Je suis végétarienne et j’ai un coach sportif personnel. Je fais manucure, pédicure au moins deux fois par semaine, toujours rouge, et je me montre toujours dans des tenues de lingerie onéreuses et avec des bas.

A chaque rencontre avec un client c’est une sorte de performance, alors je me prépare. Mon mascara me coûte 130 $, ma couleur pour les cheveux 200 $, mon maquillage pour les yeux et le rouge à lèvres 50 $. Un joli ensemble de dessous coûte au bas mot 100 $. Tout cela fait donc environs 600 $, et je ne parle même pas des chaussures !

Dans la vraie vie, les filles se préparent pareil, ensuite les garçons les emmènent au restaurant, ou bien il annonce “Allons dans un bar pour boire quelques bières.” Quel nul ! Ne vous demandez pas pourquoi autant de mecs se plaignent de ne pas parvenir à leurs fins !

Mes “rencarts” m’offraient des fleurs, des vestes Prada, des iphones. Ils ne m’emmenaient pas dîner ni au bar. Lorsqu’un homme rencontre une escort, il veut paraître bien sous tous rapports, il veut lui prouver qu’il est le meilleur, il veut être brillant.

Mais dans la vraie vie, ce même homme peut s’avérer tellement abruti. A la dernière Saint Valentin, j’étais au Mc Donald à côté de chez moi. La Saint Valentin, Noël et Pâques ne sont jamais des journées très chargées dans mon secteur d’activité, tout du moins pour ce qui est des hommes qui ont de l’argent. Je m’y suis donc rendu pour boire un Coca-Cola et pour profiter de la connexion internet plus rapide que dans mon appartement. Je m’étais acheté des fleurs, des pâquerettes et des violettes. Il y avait un couple assis à côté de moi et la fille a dit “Oh mon Dieu, qu’elles sont jolies vos fleurs !” J’étais plutôt de bonne humeur alors j’ai dit au mec : “Il est peut-être temps pour vous d’acheter des fleurs à votre amie”, et il m’a répondu “Elle est très bien sans.”

Je ne sais pas trop pourquoi cela m’a mis tellement en colère, “Va te faire foutre !” lui ai-je rétorqué avant de partir.

La plus grosse partie de mon boulot commence sur le pas de la porte. Ne pas prêter attention à son enveloppe charnelle, dites-vous qu’il n’en a pas. Vous souriez car c’est un homme remarquable et que la chimie opère. Si il est super timide, vous demandez à le masser, il n’y a rien de mal à un massage n’est-ce pas ?

Parfois je dis un truc du style, “Oh, vous êtes superbe,” parce que les gens aiment être flattés, même si c’est un mensonge. Les gens aiment à croire les choses les plus positives les concernant parce que c’est plus facile ainsi. Et les mecs qui raquent 1000 $ de l’heure, croyez-moi, ils sont près à avaler les compliments ! Si le gars peut payer 1000 $ de l’heure c’est qui pense sans aucun doute de lui qu’il est plutôt cool ! Lorsqu’un homme possède de l’argent, il a la sensation d’être cool, plus cool que le péquin moyen.

Ils veulent tous que vous jouissiez, et ils veulent tous que vous jouissiez plusieurs fois. Le sexagénaire qui veut que je jouisse cinq ou six fois avant de parvenir à l’orgasme pense que c’est parce qu’il me porte une grande attention. Mais en fait c’est uniquement parce qu’il veut se prouver qu’il est capable de faire jouir une jeune femme (j’ai menti dans ma vie, mais les plus grands mensonges sont ceux que l’on se raconte à soi-même). Alors bien sûr j’ai fait semblant de jouir. Et j’ai appris que le meilleur moyen, la façon la plus convaincante et la plus simple aussi, de montrer à mes clients que je venais d’avoir un orgasme revenait à dire “Je viens de jouir”. Et voilà ! Rien de trop fantaisiste donc… Je ne suis pas une excellente actrice et ce n’est pas nécessaire quoi qu’il en soit. “Oh, je viens de jouir”, ça fonctionnait toujours. Ils y croyaient. Ils était tellement fiers. La vérité c’est que, pour la plupart des filles on ne peut pas savoir : c’est comme Dieu ou l’amour, jamais vous ne les voyez, mais vous avez la foi qu’ils existent.

Aussi vrai qu’il y a certaines choses à faire ou à dire, en retour, d’autres sujets ne doivent pas être abordés. Je ne posais jamais de question au sujet de la famille du mec. Pas parce que cela dépassait les bornes (vous seriez surpris de savoir le nombre d’hommes qui se vantent à propos de leurs enfants), mais plutôt au cas où… Imaginez si un deuil venait de se produire dans sa famille par exemple ? Cela le rendrait triste et je n’ai jamais ô grand jamais voulu rendre un client triste.

Pour la même raison, j’évitais d’aborder tous les sujets à problème. En Russie nous avons une expression qui dit “Si je crève de faim et que tu es rassasié, nous ne nous comprendrons pas.” Un millionnaire ne comprend rien des problèmes de merde que je peux avoir dans ma vie. C’est pas bon pour les affaires. Parler de ce genre de choses à un client fera peut être qu’il vous aidera une fois ou deux, mais vous ferez par la même occasion d’un client potentiellement régulier à long terme, un client qui ne reviendra sans doute plus. Un mec va passer son temps à vous raconter ses soucis, mais il n’a aucune envie de vous entendre vous plaindre. Je vous le promets. J’ai essayé d’être distrayante, amusante en disant à mes clients que je revenais de Dubai ou de Hawaii. Je ne suis jamais allé dans aucun de ces endroits, mais j’ai beaucoup appris en regardant la télévision, je parlais des énormes vagues de Oahuet je racontais des histoires sur ces cheikhs qui vivent dans leurs grands hôtels de marbre plantés en plein désert. Cela me rendait plus exotique, plus intéressante. Les mecs aiment baiser des femmes jolies aux jolies courbes et aux corps fins certes, mais ils aiment aussi baiser des filles intéressantes.

Je ne suis pas une grosse mangeuse. Une fois par jour je commande du riz avec des légumes frits au coin de la rue, pour déjeuner vite fait — cinq minutes de préparation, cinq minutes pour la livraison, cinq minutes pour manger — si je devais passer deux heures dans un restaurant, l’addition chiffrerait dans les 1600 $, une somme qui ne finirait donc pas sur mon compte en banque. Je mange plus lentement à présent, mais toujours très peu.

Si un mec souhaitait m’emmener dîner, alors je prenais une salade et du jus. Pas d’ail, ni d’oignons, pas de café. Rien qui pue, même si mon client s’en fiche, d’autres hommes ne s’en ficheront pas. Je bois rarement et je ne me drogue pas. Je demande le paiement à l’avance. J’utilise des préservatifs bien entendu. Et je ne parle jamais tarif au téléphone.

J’étais disponible 12 heures par jour, de midi à minuit. J’ai toujours été ponctuelle et polie, même avec les clients rustres. Une ou deux mauvaises critiques sur le site peut faire du mal aux affaires.

J’aimais bien être réservée deux ou trois jours à l’avance. Si un gars m’appelait et me disait “Hey, comment ça va, t’es libre plus tard ?” Je n’acceptais pas de le rencontrer. Il vaut mieux avoir deux super clients fiables qu’une clientèle occasionnelle de dix hommes. C’est ce que l’on appelle “le principe des 80–20”, je l’ai lu dans un livre d’économie.

Je voyageais avec certains clients. Je voulais qu’ils se rendent compte que j’étais spéciale, mais pas que j’étais garce. Ainsi, lorsque je signifiais que je souhaitais un billet d’avion en première classe, je ne disais pas “Vous devez me traiter correctement !”, mais plutôt “J’ai de très longues jambes et j’en ai des crampes dans les jambes lorsque je prends le bus, ce qui me fait predre ma souplesse et m’empêche de faire une bonne levrette dans les règles de l’art.” Et ça semblait bien fonctionner.

Même si ce que j’ai toujours voulu être c’est réalisateur ou psychologue, j’étudie aussi l’économie. Une des choses les plus importantes que j’ai lu c’est qu’il faut apprendre de ses propres erreurs.

La plus grosses faute que j’ai pu commettre à mes débuts c’est lorsque j’ai répondu par la négative à un homme qui me questionnait pour savoir si j’avais un petit ami, et c’était pourtant vrai. Alors il m’a demandé pourquoi pas et j’ai répondu “Parce que le dernier ne me baisait pas correctement.” J’ai dit ça en pensant que cela exciterait mon client, mais au final il a passé son temps à essayer de me baiser comme un véritable marteau-pilon. Tellement fort ! Il était clair qu’il ne s’était pas retenu et qu’il ne m’avait pas menagé je pouvais en témoigner. Alors, à partir de ce jour là, lorsqu’un mec me demandait pourquoi je n’avais pas de petit copain je répondais : “Et bien, mon copain était juif et il fallait que je me convertisse pour l’épouser, ce qui aurait dévasté mes parents.” Alors le mec me regardait, me prenait la main et me lâchait un “Oh, pauvre petite chose, je comprends tout à fait…” et il se comportait très bien, tel un parfait gentleman, y compris les juifs !

Quatres-vingt dix pourcent de mes clients étaient mariés, pour la plupart des banquiers. Si vous connaissez un banquier d’investissement qui n’a jamais fréquenté d’escort alors c’est un saint, ou plus probablement un menteur.

Environs un tiers des hommes aimaient me regarder en train de me masturber. Je dirais que 98 pourcent des hommes aimaient descendre me manger l’entre-cuisses. 50 pourcent me parlaient de leur soit-disant sexe hors norme ; ceux qui m’embêtaient vraiment étaient ceux qui possédaient réellement une verge énorme (environs un cinquième des mecs pensant avoir un pénis gigantesque…), aucune fille n’aime ce genre de client. Quatre-vingts pourcent me posaient la question après les ébats afin de savoir si j’avais joui.

Certains voulaient m’emmener faire du shopping, d’autres au restaurant. Un mec s’est assis en face de moi et m’a fixée comme si j’étais une statue. Je lui ai demandé si il souhaitait faire quoi que ce soit, s’amuser ou autre, mais il m’a juste fait taire d’un geste. Un autre gars m’a baisée sans discontinuer pendant une heure tout en faisant tout du long le bruit du train “Tchouuuu, tchouuuu, tchouuuu…!” J’ai enfoncé un doigt dans son cul pour le faire jouir plus vite mais ça n’a pas fonctionné. Finalement je me suis laissée faire, sans même faire mine d’apprécier ça. C’est une chose rare pour moi que de ne plus feindre de prendre du plaisir, mais s’il vous plaît : “Tchouuuu, tchouuuu, tchouuuu…!”…C’était tellement pénible.

Les gars sont tous les mêmes, tout en étant chacun bien spécial à la fois. Un homme m’a payé 20000 $ le mois pour que je sois à son service deux jours et deux nuits chaque semaine. Il avait 62 ans, était divorcé et c’était un mec très bien. J’aurais adoré avoir deux ou trois autres clients tels que lui. Parfois nous allions au cinéma, d’autres fois au restaurant, parfois nous baisions. Il souffrait d’un cancer et prétendait m’aimer et vouloir m’épouser. Je ne sais pas jusqu’à quel point il était riche et à vrai dire, je ne voulais pas me marier avec lui pour finalement découvrir qu’il était endetté jusqu’au cou. En outre, je ne me sentais pas très à l’aise de lui demander combien il me laisserait à sa mort. Cela peut sembler bizarre, mais ce n’est pas une question à poser, et puis, je ne voulais pas le mettre dans l’embarras ; tant pour des raisons professionnelles que parce que j’avais de l’affection pour lui.

Il avait pour habitude de voir quatre ou cinq escorts par semaine avant de faire ma connaissance, mais il avait arrêté à partir du moment où il m’avait rencontrée car il prétendait qu’il m’aimait. Alors je lui ai expliqué “Je vous aime bien, mais je ne suis pas amoureuse de vous. Je ne peux pas tomber amoureuse en quelques mois.” Il m’a répondu que c’était ainsi, que j’étais jeune et que j’apprendrai.

J’avais un autre client sexagénaire qui venait de l’Illinois. Il me disait qu’il voulait que je vienne vivre avec lui en Illinois. “Non”, lui ai-je répondu “Je ne pense pas…” Je n’étais pas venue de Russie jusqu’aux Etats-Unis pour m’enterrer dans un trou à rat comme l’Illinois ! Bien sûr, ce n’est pas ce que je lui ai fait savoir, mais c’est ce que j’ai pensé. Il me raconta alors qu’il était venu à New York pour trouver une femme, car la Grande Pomme était le meilleur endroit pour ce faire et possédait les meilleures escorts. Selon lui, elles aimaient toutes tellement baiser et elles faisaient tellement tout pour contenter le plaisir de l’homme. J’étais d’assez mauvaise humeur ce jour là, alors j’ai répondu “Nous n’aimons vous faire plaisir que parce que vous nous payez !”…Nous avons cessé de nous voir après cette anicroche.

Un gars filmait nos ébats sexuels et lorsque je l’ai remarqué j’ai pris son téléphone, effacé les vidéos et je lui ai intimé l’ordre de quitter mon appartement. Un autre mec m’a demandé de baiser gratuitement ou bien il irait voir les flics. Je lui ai rétorqué que j’allais mettre son nom et son numéro sur Backpage.com en précisant qu’il était un escort gay. Dans ce milieu, vous fréquentez un paquet de trous du cul, alors il faut savoir les gérer…

Les jeunes mecs sont mauvais, les vierges sont terribles, les jeunes vierges sont un cauchemars. J’ai eu un client dont la seule expérience sexuelle tenait en le porno jusqu’à ses 25 ans, alors avec lui c’était “Fais cette position, mets toi dans cette position, tourne-toi, tourne autour”. Je ne pense pas qu’il sache même communiquer avec une femme au fond, j’ai eu de la peine pour lui, mais j’ai été gentille.

Les clients peuvent être classés dans quatre catégories. Il y a ceux qui veulent payer pour votre compagnie. Il y a ceux qui croient qu’ils achètent une relation. Il y a ceux qui pensent que vous leur appartenez. Et il y a les couples. Le premier de ces quatre groupes est le plus simple. Le second peut être exigeant, alors que ses membres sont certains d’être sympas. Les mecs du troisième groupe sont ceux qui causent les plus grosses migraines ; l’un d’entre eux m’a demandé si il pouvait me tartiner entièrement de miel avant de me baiser, j’ai refusé. Il m’a proposé de me payer le double, j’ai dit non, alors il a augmenté son offre jusqu’au triple, et j’ai accepté. J’ai passé mon temps à penser au lavage des draps et à mes deux heures et demi de maquillage et de coiffure. J’ai alors décidé que si il devait me demander à nouveau ce délire au miel, alors je lui demanderait de payer 4 fois le prix, au bas mot !

Mes clients favoris appartenaient à la 4 ème catégorie — l’homme qui m’invitait à un trio avec sa femme ou sa petite amie.

Un truc excellent lorsque vous faites les couples : en entrant dans la chambre ou l’appartement, vous trouverez souvent une table avec du bon vin, des fromages divers, des fruits, comme si nous allions célébrer quelque chose ensemble. Si l’homme est seul, alors un simple verre d’eau et une enveloppe “trôneront” sur l’étagère de manière générale.

Avec les couple, il y a aussi plus d’émotions positives — plus d’émotions tout court en fait, point ! Avec un mec, vous avez la sensation qu’il veut tout faire pour être certain d’en avoir pour son argent, mais lorsque c’est une fille, vous pouvez vous détendre et avoir une conversation. Vous pouvez manger des fruits.

La plupart du temps, les trios duraient deux à trois heures. Les couples étaient toujours empruntés, même si ils avaient déjà fait des trios auparavant (je n’ai jamais été la première expérience à trois pour un couple, je ne sais pas trop pourquoi…), et je devais faire le premier pas. “J’aimerais bien vous connaître davantage,” susurrais-je alors alors à l’oreille de la dame…, “J’aimerais bien vous embrasser…” Même si les émotions et la conversations étaient au rendez-vous, j’avais bien conscience qu’ils ne me payaient pas non plus rien que pour cela !

Tout d’abord je devais m’occuper de la fille. Puis l’homme resterait là, à côté, à nous regarder nous embrasser sans trop savoir quoi faire, alors je l’inviterais à nous rejoindre dans nos baisers. Puis, tout soudainement, nous serions tous trois nus, dans le lit, et ce serait au tour de la fille de prendre du plaisir avec moi alors que l’homme commencerait à s’occuper de lui-même, et honnêtement je dois dire que j‘irais jusqu’à oublier sa présence. Sa petite amie elle aussi oublierait tout à fait qu’il est là, je peux vous l’assurer.

Au bout de 30 minutes, elle se rappellerait alors qu’elle a un copain et qu’il est peut-être en train de s’ennuyer. Généralement elle se met à le sucer à ce moment là. Quatre-vingt dix pourcent du temps je ne faisais pas grand chose avec le gars lors d’un trio, en partie parce que je m’amusais tellement avec la fille, mais surtout parce que ce n’est pas forcément très bon pour les affaires… Je ne voulais en aucun cas rendre les femmes jalouses. Je prenais 2000 $ de l’heure, et les séances duraient en général deux heures. Mes tarifs n’étaient pas supérieurs parce que le travail était plus difficile ou plus pénible — il est clair que ce n’était pas le cas — mais simplement parce que j’en avais la possibilité. C’est ce qui est bien avec le capitalisme.

Cela a été dur de tout arrêter. Mon psychologue m’a dit que le meilleur moyen pour moi de bloquer, serait de me mettre en tête ce que serait ma vie si je devais faire cela tout du long. D’habitude, la fille pense travailler une semaine ou deux de plus afin d’économiser quelques milliers de dollars supplémentaires ; parfois un mois de plus pour se payer un voyage à Las Vegas. Mais au bout d’un an passé ainsi… Et je voyais certaines filles sur The Erotic Review qui avaient environ 600 avis sur leur profil. Cela représente 10 années d’activité, au bas mot. Je ne voulais en aucun cas être ou devenir l’une de ces filles.

Certaines de mes amies se sont retirées mais ne sont pas parvenues à rester inactives. L’une d’entre-elles a trouvé un boulot à Wall Street, ils la payent 6000 $ par mois. C’est la somme que je me faisais en un jour, tout comme elle. Elle continue à faire escort à ses heures perdues, c’est très difficile de ne plus gagner autant d’argent.

Une autre copine travaille à présent pour une compagnie de publicité. Des gens sympas, une bonne paye et un travail intéressant… Mais elle a commencé à 80000 $ annuels, et elle savait qu’elle aurait pu se faire cette somme en deux mois en tant qu’escort, alors elle décidé de s’octroyer quelques clients occasionnels afin d’arrondir ses foins de mois. Désormais elle est quasiment à plein temps pour ses deux boulots, elle gagne un max d’argent, mais c’est une épave.

Je ne sais pas si je conseillerais à une fille de devenir escort. Je sais que c’est une activité dangereuse. Se fait arrêter n’est qu’un détail. J’ai lu à propos de serial-killers, du trafic d’enfant, de maquereaux violents et je pense que ces gens devraient être enfermés à jamais, mais je ne me suis jamais senti menacé par la proximité de telles choses dans ma vie. Mon psychologue m’a maintes fois répété que j’étais chanceuse.

Certaines choses me manquent, il n’y a pas que l’argent. J’adorais m’habiller très classe tout le temps, me maquiller… Désormais je n’ai plus aucune raison de me faire les ongles nickel et ça me manque… Je porte une tenue jean-t shirt tous les jours, semaine après semaine et je me fais moi-même manucure et pédicure, ce qui, je le confesse, me rend parfois un peu triste.

J’ai eu un petit ami depuis que j’ai cessé d’être escort. Je l’ai rencontré dans un chouette bar. C’était un homme à peine quelques années plus âgé que moi, très courtois, et banquier. Lorsque je l’ai rencontré il m’a raconté qu’il prenait souvent son jet privé pour voler jusqu’à Las Vegas, et je l’ai cru. Mais lorsque nous avons commencé à sortir ensemble c’était chaque fois un truc du genre “Voyons-nous pour boire quelques verres, pourquoi ne passerais-tu pas me rendre visite plus tard ?”

Depuis je fais des rencontres. J’utilise internet et tout le monde — mecs et nanas — postent des annonces d’eux-mêmes sur Match, ou OkCupid, ou ailleurs, détaillant bien leurs profils et personnalités fantastiques, racontant comme ils/elles aiment les longues ballades romantiques le long des plages, et répétant ad libidum qu’ils/elles cherchent du fun, l’amour, ou autre…

Rencontrer c’est étrange. Mes clients étaient plus âgés que les mecs que je rencontre à présent, qui ont peu d’argent. Vos clients, lorsqu’ils vous apprécient, ils vous choient comme une reine, vos petits amis, eux, n’en ont pas grand chose à faire. Ils ont leurs bouffes avec le boulot, leurs matchs qu’ils regardent avec leurs potes masculins…

Avant de travailler comme escort, je ne faisais jamais de fellation à mes copains. Si ils me demandaient je répondais “Tu plaisantes ?” Ou, si ils me disaient “Change de positions…” je faisais “De quoi tu parles ?” en retour…

Depuis que j’ai cessé mon activité, toujours pas de pipes. Si vous fréquentez quelqu’un qui n’avait pas une vie très épanouie auparavant et que vous commencez à lui faire des fellations et à lui proposer plein de positions différentes, il se peut que cela le dérange, or ce n’est pas le but, n’est-ce pas ?

Puisqu’il n’y a pas de rapport d’argent avec ces gens rencontrés, vous n’avez pas à faire de fellation, ni besoin de sourire en toute circonstance, vous pouvez être vous-même. Mais après quelques temps, quelque chose vous manque, vous le sentez, et ce quelque chose, c’est l’argent. Vous occupez le même appartement, vous êtes la même personne, mais il vous manque un truc : votre porte-feuille est vide ! Le sexe c’est le sexe, mais l’argent c’est l’argent !

Je n’ai aucun regret vis à vis de ce que j’ai fait avec mon corps ou de ma vie. J’ai eu du bon temps et d’autres moments moins fastes. J’ai rencontré des gens passionnants et d’autres complètement crétins et j’ai beaucoup appris sur les désirs et les besoins tant des hommes que des femmes.

Je ne me fais plus de petits déjeuners à 100 $, ni de pipes avec le sourire, je ne sors plus avec mes ex copines escorts… Elles me manquent mais je dois faire la part des choses : d’un côté mon amitié avec des putes et de l’autre une famille et mon futur.. Alors j’ai fait un choix.

Dans un de mes cours de cinéma, nous avons regardé Gatsby le Magnifique. Gatsby a toujours voulu être quelqu’un de meilleur. Il n’y parvenait pas forcément, mais il essayait. Les filles de ce secteur d’activité veulent jouir de ce nouveau monde tout autour d’elles, elles fréquentent les boutiques les plus huppées et les plus chères , des restaurants hors de prix… Elles veulent être ce qu’elles n’ont jamais été…Imaginez que vous soyez une jolie fille pleine de rêve, que vous veniez d’une petite ville de la campagne où les hommes vous traitent différemment des autres filles parce que vous êtes plus désirable ; et bien vous penserez alors tout naturellement que votre beauté peut vous être très utile pour devenir quelqu’un de meilleur…et vous essayez !

Cela peut vous aider à vous faire de l’argent, c’est certain, mais une fois cela accompli, ce monde de rêve, vous devrez le trouver et le conquérir pour vous-même.

Svetlana Zest une ancienne escort-girl de 24 ans et qui vit à New York City.

Cette histoire a été éditée par Bobbie Johnson, la véracité des faits vérifiée par Emily Loftis, et copie-éditée par Lawrence Levi. Photographies de Pascal Perich pour Matter.