Les imaginaires de l’IA avant les années 50

Steven Bias
3 min readMar 24, 2019

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Depuis les années 50, les experts de l’intelligence artificielle sont des personnalités brillantes en mathématiques, informatique ou plus récemment en Machine Learning. Il semble évident que si des experts parviennent à développer une IA forte un jour, ils parviendront à l’aide de leurs solides connaissances dans ces sciences « dures ». Pourtant, après plusieurs désillusions, l’IA semblait n’être finalement qu’une utopie de science-fiction. Jusqu’à ce que les promesses soient de retours avec quelques prouesses comme AlphaGo, IBM debater ou les assistants vocaux. Dorénavant, l’IA anime, en plus des fictions les plus captivantes, les philosophes et les politiques. Elle nous fait tous rêver.

Néanmoins, il faut remonter jusqu’à l’antiquité pour trouver la genèse de l’IA. Bien que le terme d’intelligence artificielle ne soit que relativement récent, l’idée de reproduire l’intelligence humaine, voire de la surpassée, représente un fantasme chez l’Homme depuis des siècles. En effet, l’IA trouve ses origines dans des récits bien moins scientifiques que ceux des travaux de Marvin Masky, Alan Turing ou Yann Le Cun. Certains récits sont d’ailleurs mystérieux ou sont de l’ordre de la magie. Et pourtant, plusieurs fois dans l’histoire de l’Humanité, il a été attesté l’existence d’une machine, d’un objet (ou d’une tête !) capable de reproduire le raisonnement humain.

Le premier référencement de créatures artificielles dotées d’intelligence semble être dans l’Iliade d’Homère. Héphaïstos, dieu grec du feu et de la forge, était un artisan d’exception, il a notamment fabriqué le bouclier d’Achille, le trône de Zeus et le palais des dieux de l’Olympe. Héphaïstos a également créé des objets capables de se mouvoir automatiquement, tels les portes de l’Olympe qui s’ouvrent d’elles-mêmes. Cet artisan divin aurait fabriqué des servantes d’or afin de l’aider dans son travail. L’idée de créatures artificielles pour assister l’Homme dans son travail remonte donc à l’antiquité.

Concernant les créatures d’Héphaïstos, il y a deux points remarquables dans l’Iliade. Le premier : ces inventions nous font repenser le travail, sujet sensible d’actualité. Car, quand bien même il est parfois question de remplacer les esclaves dans l’épopée grecque, c’est en fait la notion de travail qui est remis en cause par ces automates. Ils sont plus performants que les hommes, plus robustes et immortels. Le second point est la limite d’action de ces créations artificielles. En effet, les automates d’Héphaïstos dépassent les compétences humaines mais pour des tâches précises. D’ailleurs, seul Héphaïstos est capable de les créer, ils ne sont pas capables de se reproduire. Même un dieu grec ne serait pas capable de créer une IA forte ?

Au moyen-âge, plusieurs témoignages prétendent l’existence de machines intelligentes. Mais ces apparitions sont souvent du domaine de l’alchimie, voire de la magie ou de la nécromancie. Au XIIIe siècle, Albert le Grand, professeur de sciences et philosophie, était un personnage particulièrement curieux. Sa curiosité lui a permis de devenir un grand savant, un homme d’Église, mais aussi un alchimiste reconnu. Il aurait ainsi fabriqué un automate sous forme de tête doué de parole, capable de répondre à toutes les questions et de lire l’avenir.

Cette tête serait le résultat de trente années de travail à le façonner en suivant méticuleusement le cycle des astres, chaque partie de l’automate serait alors régentée par une étoile. L’IA forte ne serait donc qu’une histoire d’étoiles ? Impossible à savoir, le plus grand disciple d’Albert le Grand, Thomas d’Aquin, aurait brisé cet œuvre car il l’aurait trouvé impie et envoûtée. Devons-nous nous méfier d’une machine capable de lire l’avenir ou de répondre à toutes les questions ?

Ces histoires qui remontent à fort longtemps, n’utilise pas le terme d’intelligence artificielle. Mais le fantasme d’une machine capable de penser et d’agir au moins aussi bien que l’Homme est bien présent. Ces légendes ont permis aux philosophes de penser à un futur où la société de l’Homme serait centrée autour de machines intelligentes. Aristote pensait un monde où nous pourrions déléguer les travaux pénibles aux automates, Leibniz travaillait sur une machine capable de définir si un quelconque énoncé est vrai ou faux. Les imaginaires des Hommes ont été nourri par ces légendes oubliées, puis par des fictions. Notamment grâce à Mary Shelley avec Frankenstein ou le Prométhée moderne, ou à Isaac Asimov, qui a défini les trois lois de la robotique dans ses œuvres.

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