Fusion Alstom-Siemens, trois raisons pour expliquer une telle polémique?
Alors que les deux entreprises ne cessent de se féliciter mutuellement depuis l’officialisation de leur rapprochement mardi 26 septembre, l’ex-ministre de l’Économie Arnaud Montebourg a réagi à son tour à cette union de plus en plus houleuse. Explications.
Depuis l’annonce de leur rapprochement dans un communiqué paru mardi 26 septembre, l’heure était à l’auto-congratulation pour les branches ferroviaires d’Alstom et de Siemens. Une ribambelle de compliments qui dénotent avec les envolées belliqueuses de la classe politique française. Ancien observateur privilégié de ce dossier épineux, l’ex-ministre de l’Économie exprime sa colère dans une tribune cinglante du Monde : “Il est difficile pour le simple citoyen engagé que je suis redevenu de me taire, tant la tristesse m’étreint», confie-t-il. Le champion du Made In France n’est pas le seul à s’indigner de ce rapprochement économique entre un poids lourd de l’économie allemande, Siemens, et un des fleurons de l’industrie française, Alstom. Des personnalités politiques aussi hétéroclites que Florian Philippot, Jean-Luc Mélenchon et Laurent Wauquiez y ont également réagit avec violence. Retour sur cette spectaculaire levée de boucliers.
1/ Un accord jugé déséquilibré
L’alliance actée mardi 26 septembre doit donner naissance à Siemens-Alstom, numéro un mondial en volume de production de matériel lié à la signalisation, et deuxième pour le matériel ferroviaire roulant. Les deux entreprises ont évoqué un accord “entre égaux”. Une dénomination qui n’a pourtant aucune valeur juridique.
Concrètement, Siemens doit devenir l’actionnaire principal de la nouvelle entreprise à hauteur de 50%. Au bout de quatre ans, ce seuil pourra être amplement dépassé par le groupe allemand, absorbant ainsi Alstom. Immédiatement, les salariés et leur représentants ont exprimé leur inquiétude et la peur de passer sous contrôle allemand. La branche ferroviaire de l’entreprise française a en revanche obtenu que son actuel directeur général les commandes de la nouvelle entreprise. L’accord stipule également que la nouvelle entreprise soit cotée à la Bourse de Paris et doit établir son siège en région parisienne.
Ces concessions sont jugées dérisoires par la classe politique française. « C’est l’Allemagne qui rachète la France et M. Macron nous brade » s’est indigné le vice-président des Républicains, Laurent Wauquiez. Le ministère de l’économie s’est, lui, « réjoui de l’intérêt de cette opération, tant du point de vue industriel qu’en termes de préservation de l’emploi ».
2/ Le “laissez-faire” de l’État décrié
Salariés, syndicalistes mais aussi politiques militent ensemble pour une montée de L’État au capital, qui deviendrait ainsi un médiateur au conseil d’administration de la nouvelle entreprise. L’État français détient 20% des actions d’Alstom, sans en être vraiment propriétaire. En 2014, l’entreprise française risquait d’être rachetée par l’américain General Electric (GE) et par un groupe allemand, un certain Siemens. L’État souhaitait alors racheter une certaine part des actions d’Alstom. Hors de question pour le gouvernement de l’époque de racheter plein pot les parts de Bouygues, l’un des actionnaires principaux, qui les avait eu pour un prix bien inférieurs. Bouygues accepte alors de prêter 20 % d’actions à l’État, qui récupère ainsi des droits de vote et deux sièges au conseil d’administration d’Alstom. Bouygues conservait en revanche le bénéfice des éventuels dividendes versés par l’entreprise.
« l’Etat n’a pas vocation à être assis sur un strapontin dans les conseils d’administration (…) sans pouvoir intervenir » Bruno Lemaire, Ministre de l’Économie
Cet accord, conclu il y a trois ans,offrait à l’Etat une option d’achat à hauteur de 35 euros l’action, soit la valeur de l’action Alstom mercredi 27 septembre au matin. Or, cette option est valable uniquement jusqu’en octobre 2017… En conférence de Presse, le ministre de l’Économie, Bruno Lemaire a déclaré que : « l’Etat n’a pas vocation à être assis sur un strapontin dans les conseils d’administration (…) sans pouvoir intervenir ». Le nouveau locataire de Bercy ne juge pas opportune une dépense de trois milliards d’euros. Le nouveau locataire de Bercy ne juge pas opportune une dépense de trois milliards d’euros.
https://twitter.com/xavierbertrand/status/913102680595341315
3/ Une fusion devenue bouc émissaire de la politique européenne Macron
Devenue le théâtre d’expression d’une classe politique quasi unanime, cette fusion outrageusement critiquée sert également de bouc émissaire pour critiquer la politique européenne et plus largement celle menée par Emmanuel Macron. La décision de ne pas entrer dans le capital de l’entreprise scelle selon plusieurs observateurs, l’union économique que souhaitait entretenir le président de la République avec l’Allemagne dans son discours à la Sorbonne. Le gouvernement s’est d’ailleurs félicité de la création d’un « champion mondial franco-allemand de la construction et de la signalisation ferroviaire, de la mobilité ».
https://twitter.com/ericwoerth/status/912962369390809088
De l’extrême gauche jusqu’à l’extrême droite de l’échiquier politique, ce projet politique n’est pas vu d’un bon œil. L’adversaire d’Emmanuel Macron lors de la dernière élection présidentielle, Marine Le Pen dénonce : “L’assujettissement de la France à l’Allemagne”. “Comment peut-on haïr la France à ce point!?” s’est interrogé Florian Philippot, eurosceptique de longue date.