Daech, paroles de déserteurs

Sébastie Mastrandréas
2 min readMar 23, 2017

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Documentaire réalisé en 2016 par Thomas Danois et François-Xavier Tregan

Dans une vile du Sud-est de la Turquie à 60 kilomètres de la Syrie en guerre, des soldats repentis de l’organisation Etat Islamique livrent des témoignages exceptionnels sur la vie et les pratiques de Daech. Des membres d’une organisation clandestine de l’armée syrienne libre risquent leurs vies pour exfiltrer ces combattants qui désavouent l’Etat Islamique. Un documentaire de 53 minutes signé par Thomas Dandois et François-Xavier Tregan.

La désillusion de Daech

Dans des espaces clos, rideaux fermés à l’abri des regards, on est plongé dans un univers clair-obscur, sans temporalité. Une ombre, un profil, un regard, nous racontent l’horreur, mais aussi les scènes du quotidien à Raqqa, fief de l’Etat Islamique. Ce documentaire recueille des témoignages exceptionnels de déserteurs de Daech.

Dans l’anonymat et l’intimité, ils ne recherchent pas le pardon mais parlent bien d’une désillusion : leur déception sur la réalité de Daech. Ils décrivent la session de préparation avant de rejoindre les rangs de l’EI, quinze jours d’entraînement militaire comparable à un lavage de cerveau, les atrocités du quotidien (l’esclavage des femmes, les exécutions arbitraires, les tortures), l’arbitraire de leurs supérieurs, les émirs, mais aussi les avantages d’être un combattant de Daech (maison confortable, solde mensuelle, protection de leur famille…).

Ces jeunes hommes ne dépassant pas les 30 ans viennent de Syrie, Jordanie ou Tunisie. Des comme eux, on apprend qu’il y en a beaucoup. Islamistes radicaux, Ils viennent d’Afrique, d’Europe, d’Asie ou d’Amérique. C’est l’armée rebelle syrienne qui les a exfiltrés clandestinement de Syrie en Turquie, après une enquête poussée et très risquée, qui peut durer des semaines.

Les témoignages sont illustrés par des vidéos dans la ville de Raqqa, qui ont échappé à la censure des djihadistes. On y voit des soldats en patrouille dans les rues de la ville, l’intérieur d’une prison, des scènes très suggestives de torture, ou simplement l’intimité d’un déjeuner entre des soldats de l’EI.

Dans le chaos, l’espoir

Ces scènes sont cadencées d’images tournées à la tombée de la nuit ou dans l’obscurité. Le réalisateur nous montre des paysages grandioses depuis les montagnes turques, avec une lumière rouge sang, juste avant que le soleil ne disparaisse totalement. La beauté de ces montagnes, ou de la ville observée de loin, procurent une sensation de détachement, de quiétude. Régulièrement, on suit du regard des dizaines d’oiseaux qui virevoltent dans le ciel. Ces éléments sont absolument étrangers aux conflits qui déchirent le Moyen-Orient. Une manière poétique d’illustrer la force de la nature dans le chaos humain, et surtout l’espoir de la vie qui continue malgré tout. Durant ces « pauses », Thomas Dandois se passe de tout commentaire. Des commentaires, il y en a d’ailleurs très peu. Les récits parlent d’eux-mêmes.

Sébastie Mastrandréas

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