Le Parti Socialiste partagé entre sirènes macronistes et fidélité à gauche
Apres la censure du Gouvernement Barnier, Emmanuel Macron a choisi de prendre la parole en s’offrant une allocution devant les français ce jeudi 4 décembre à 20h.
Marquée par des déclarations ambivalentes plus centrées sur l’auto-satisfecit que la reconnaissance de sa responsabilité dans les turbulences que traversent actuellement la politique française, l’intervention du chef de l’Etat a interrogé les observateurs sur la stratégie ambivalente qu’il a semblé dessiner. Sur les dix minutes d’un discours taxé par ses opposants de “lunaire” et en “déconnexion totale” avec ce que vivent les français, le Président de la République a fustigé les extrêmes droites et gauche en veillant à ne jamais nommer le Parti Socialiste. La stratégie du Président de la République viserait-elles a maintenir coûte que coûte une politique pourtant dénoncée par les urnes à deux reprises en attirant (une fois encore) les socialistes vers un rapprochement avec la majorité macroniste ? À en juger par les déclarations des élus du parti présidentiel sur Twitter, dans les médias et sur les plateaux télé, ce “totem d’immunité” semblerait être l’exigence de longue date des principaux cadres de Renaissance. Mais la manœuvre de séduction, qui mise sur les failles internes d’un PS divisé entre son aile gauche et le retour en grâce d’une aile droite tendance Hollandaise — prête à tout pour reconquérir le parti, prend des allures de réchauffée, dont l’amère expérience de 2017 devrait suffire a la méfiance.
Pour autant, les socialistes ont adressé le soir même une demande d’entretien auprès d’Emmanuel Macron provoquant l’ire du reste de la gauche. Face aux nombreuses critiques, Olivier Faure a tenté de dissiper (en partie) le doute d’une démarche solitaire en réaffirmant qu’ils “[voulaient] que les écologistes et le parti communiste soient reçus également”. Tous, sauf LFI. Mais comment comprendre ces paroles alors même que cette démarche intervient sans consultation préalable des alliés ? A l‘issue de leur rendez-vous avec le Président de République, le patron du PS et les présidents socialistes des groupes parlementaires ont affirmés que “[Le Président s’était] engagé auprès d‘[eux] à appeler dès aujourd’hui les trois autres formations du Nouveau front populaire”, et qu’il n’y a eu “aucun préalable, ni de forme, ni de fond”, notamment à propos des rapports du PS avec LFI. Pourtant, et au même moment, le service presse de l’Élysée à laisser entendre sur BFM TV, qu’Emmanuel Macron ne nommera pas de Premier Ministre socialiste tant qu’ils seront allié avec LFI, entretenant ainsi la confusion et le flou des négociations.
Une stratégie risquée aux externalités imprévisibles
Reste donc à savoir si les pressions exercées par l’aile droite du PS, historiquement plus favorable à une politique de compromis — et sans LFI, semblent peser dans la balance de ces mouvements tactiques. On sait notamment que plusieurs ténors socialistes souhaitent rompre avec la France Insoumise, et que l’horizon du prochain congrès socialiste voient se dessiner des dynamiques de rapprochements entre d’anciens soutiens de Faure et ses opposants. Ces derniers, critiques de la stratégie unitaire du premier secrétaire, ont d’ailleurs laissé entendre que la rupture avec la gauche de la gauche serait une option viable et souhaitable.
Dans cette intervalle, si la direction du Parti Socialiste choisit de répondre favorablement aux avances de la macronie et du chef de l’Etat, elle pourrait toutefois s’engager sur un terrain miné car une alliance avec les modérés du camp présidentiel, même temporaire, poserait de sérieux problèmes et marquerait une rupture idéologique profonde avec l’électorat socialiste. Le PS se risquerait-il à perdre le soutien d’une base populaire fatiguée par les soubresauts politiques qui traversent le pays alors que leur quotidien reste plombée par une économie en berne ? En s’éloignant de ses partenaires du Nouveau Front Populaire, le parti de la rose s’exposerait donc à un isolement politique. Bien que lieu de conflits permanents, le NFP reste un socle uni essentiel face aux forces du centre, de droite et d’extrême-droite. Acter ainsi la rupture risquerait de fragiliser non seulement le bloc de gauche dans son ensemble mais réduirait aussi ses perspectives électorales à l’échelle nationale. Si l’histoire a pourtant démontré que le prix d’alliances floues ou contradictoires se payent souvent dans les urnes, le choix du centre par le PS au détriment de la gauche, pourrait leur faire perdre non seulement le soutien de leurs alliés, mais également la confiance de leurs électeurs. Ces externalités imprévisibles seraient un pari audacieux aux multiples inconnues dangereuses.
Le Président de la République semble donc jouer son vatout dans une partie d’échecs perdue d’avance en ciblant le PS comme stratégie du dernier espoir. S’il parvient (encore une fois) à provoquer une crise interne au sein du parti et au sein du NFP, il consolidera sa propre majorité tout en affaiblissant l’ensemble de la gauche et la confiance des electeurs dans la démocratie.
Mais, cette stratégie est tout aussi risquée pour l’exécutif et pour la démocratie française, car une rupture ouverte entre le PS et le reste de la gauche pourrait raviver un antagonisme idéologique qui, à terme, bénéficierait davantage à LFI ou au RN et encouragerait ainsi une radicalisation des débats politiques. Dans cette équation complexe, le Parti Socialiste joue son avenir et chaque décision, chaque alliance ou rupture potentielle aura des conséquences profondes, non seulement pour le parti lui-même, mais pour l’ensemble du paysage politique français. La question reste donc ouverte : les socialistes choisiront-ils de résister aux sirènes du centre, ou succomberont-ils à la tentation d’un “dernier espoir” ? Seul le temps — et les urnes — le diront.