LES COMMUNS DANS LES PROGRAMMES POLITIQUES

Sébastien Shulz
4 min readApr 6, 2022

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Nous sommes de plus en plus nombreux à penser que les acteurs publics nationaux peuvent être un soutien, ou un frein, important au développement des communs. Avec le Collectif pour une société des communs avons publié une tribune parue dans Le Monde à ce sujet pour interpeler les partis.

À moins d’une semaine du premier tour, je vous propose donc une brève analyse comparée des propositions de chaque candidat.e. C’est une analyse basique : j’ai cherché le mot clé “communs” et “biens communs” dans le texte complet des programmes. Voici ceux où la thématique est la plus présente, par ordre croissant.

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Macron. La notion n’apparaît pas.

Pécresse. La notion n’apparaît pas.

Dupont-Aignan. La notion n’apparaît pas.

Le Pen. La notion n’apparaît pas.

Arthaud. La notion n’apparaît pas (du moins sur son site. Je n’ai pas trouvé le programme complet en ligne).

Lassalle. La notion apparaît 1 fois

  • “Entretenir nos paysages, chemins et cours d’eau en biens communs.”

Hidalgo. La notion apparaît 1 fois

  • “La justice climatique guidera mon action. La protection des biens communs, de la biodiversité, etc.”

Poutou. La notion apparaît 2 fois

  • “Des secteurs entiers de l’économie doivent être sortis de la concurrence. L’énergie et l’eau devraient être des biens communs”
  • “L’information et la culture ne doivent pas être des marchandises. Nous voulons un véritable service public pour ces biens communs qui puisse résister a la concurrence du privé.

Jadot. La notion apparaît 6 fois.

  • Il propose principalement la défense des “communs planétaires” naturels.
  • Il évoque une fois un autre type de communs dans une “école des communs” sans plus de précisions.

Roussel. La notion apparaît une dizaine de fois et il en fait une de ses “priorités”.

  • Les communs dont il parle sont naturels mais également sociaux :
    “en commençant par la santé et l’éducation, grâce à des services publics nouveaux et renforcés, profondément démocratisés”.
  • Il évoque souvent comme solution pour protéger les biens communs de les nationaliser :
    “Les transports collectifs deviendront des biens communs. La SNCF sera renationalisée (…) le développement de la gestion en régie publique des transports urbains sera encouragé.”
  • Une mesure que j’ai trouvé originale au niveau international :
    “pour la suppression de l’OMC et pour la création à sa place d’une Organisation mondiale de maîtrise des échanges, des investissements et de partage des biens communs (notamment les brevets)”.

Mélenchon. La notion est évoquée une vingtaine de fois. C’est le programme qui semble le mieux maîtriser le concept et ses implications, avec une présence importante dans le livret général et dans de nombreux livrets thématiques.

  • Il traite des communs naturels, numériques, économiques (monnaie, entreprise), culturels et sociaux.
  • À la différence de Roussel, le programme évoque plutôt la “collectivisation” que la “nationalisation” des communs :
    - “L’intérêt général humain exige de protéger dans la loi ces biens communs de l’humanité. C’est au peuple de contrôler démocratiquement leurs usages et leur protection. L’eau et l’air, qui permettent la vie, doivent être collectivisés”.
  • Il y a des propositions importantes sur la question de la propriété et des droits d’usage
    - “Empêcher le droit de propriété privée de prévaloir sur la protection de l’eau, de l’air, de l’alimentation, du vivant, de la santé et de l’énergie”.
    - “Inscrire dans la Constitution la priorité du droit d’usage au détriment de la propriété lucrative”.
  • Les communs sont également promus pour transformer l’économie. Dans le livret sur l’ESS, on trouve ainsi les mesures suivantes :
    - “ Renforcer les principes généraux de la gestion des communs et de la démocratie économique et sociale
    - Établir par référendum la liste des biens communs et services essentiels, et les collectiviser
    - Reconnaître juridiquement les biens communs pour y subordonner la propriété privée : l’air, l’eau, l’alimentation, le vivant, la santé, l’énergie, la monnaie ne sont pas des marchandises
    - Affirmer le contrôle citoyen régulier de la conformité des pratiques aux principes démocratiques et égalitaires, pour l’ensemble des structures de l’ESS
  • Et cette vision se décline dans d’autres livrets. Par exemple sur le livret sur la Forêt, l’Eau ou encore le Sport :
    - “Favoriser le statut de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC) pour les associations sportives souhaitant ou devant passer en société, afin de penser et faire fonctionner le club comme un bien commun et impliquer ainsi l’ensemble des parties prenantes (dirigeant·es, salarié·es, supporter·ices, bénévoles, partenaires, etc.)

Pour résumer

Au total, les programmes des écologistes, des communistes et des insoumis sont les seuls qui prennent au sérieux les communs. Les écologistes évoquent principalement la défense des biens communs naturels. Les communistes parlent des communs naturels et sociaux et proposent de les nationaliser pour les protéger. Les insoumis sont ceux qui maitrisent le mieux la thématique des communs, avec des propositions structurelles (modifier la Constitution) et thématiques (santé, monnaie, entreprise, etc.) en évoquant des concepts clés comme la “priorité au droit d’usage” et la “gestion collective”.

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Pour celles et ceux qui souhaitent mener un travail de plaidoyer des communs auprès des acteurs publics, je vous invite à rejoindre le Collectif pour une société des communs et signer l’Appel que nous avons publié.

https://societedescommuns.com/

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Sébastien Shulz

Docteur en sociologie // Post-doctorant à l’UTC Compiègne // Membre du bureau Centre Internet & Société // Collectif Société des Communs