Je suis une « digital native ».

Ségolène Bac
4 min readNov 30, 2017

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Comme tous les étudiants de mon école, je suis née après 1980. Quand j’étais petite, ma famille a eu la possibilité d’avoir un ordinateur à la maison. En grandissant, j’ai construit un lien fort avec toutes les technologies numériques qui se sont multipliées autour de moi.

Chacun d’entre nous co-évolue avec la société qui l’entoure. Quand une métamorphose systématique et profonde se produit dans les différents domaines qui régissent notre vie— commerce, interactions sociales, accès à l’information… — cela entraîne une rupture entre ceux qui suivent le mouvement et les autres.

La croissance accélérée de la culture du numérique et de ses techniques, a créé une de ces scissions entre deux générations que Marc Prensky nomme les « digital natives » et les « digital immigrants ».

Termes utilisés par M.Prensky dans son article : Digital Natives Digital Immigrants pour On the Horizon MCB University Press, Vol.9 n°5, octobre 2001.

Ceux d’entre nous nés avant 1980 ou même quelques années plus tard, ont vécu l’arrivée des technologies numériques comme un bouleversement. En 20 ans, la plus grande partie des activités humaines a réalisé une transition vers le numérique.

Cette évolution « nous apporte des perceptions d’un mode inconnu, en rupture totale avec la culture perceptive établie ».

Stéphane Vial dans L’être et l’écran (p.27), Presses Universitaires de France, août 2013.

Cela a fait remonter deux réactions opposés. D’un côté, la technophilie, désignant la séduction et la fascination des Hommes pour ces nouvelles technologies. Elle s’est traduite par une adoption enthousiaste et une immersion recherchée. De l’autre côté, se révèle la technophobie, définie par crainte de ce que ces technologies pourraient engendrer. Chacun de nous a pu faire l’expérience, de cette méfiance et/ou d’un scepticisme inquiet, face à la nouveauté.

Le numérique entraîne une accélération des transferts de données, sous-jacente à cette accélération, excitation et peur de la perte de contrôle co-existe. C’est ce que le succès de la série Black Mirror de Charlie Brooker exploite. Chacun des épisodes présente une réalité dystopique, dans un futur proche, née d’erreurs que nous pourrions ou aurions pu commettre. Une de ces erreurs pourrait être de concevoir des intelligences artificielles qui se retournent contre nous comme dans I robot, Mondwest ou Ghost in the shell. Ou bien nous pourrions perdre de vu ce qu’est la réalité, une limite floue qui se dévoile dans eXistenZ, Matrix ou Surrogates. Peut-être que finalement, l’erreur serait d’avoir réussi à poursuivre les rêves des technophiles assez loin pour qu’ils tournent en dystopie.

Ne cédons donc ni à la panique, ni au charme du numérique. Notre société a vécu et continue de vivre sa transition numérique sans déclencher d’apocalypse. En revanche l’ère numérique, en remplaçant le système mécanique en quelques décennies seulement, a provoqué une restructuration. De la même manière que la mécanisation a conduit au remplacement d’un certains nombre d’efforts corporels et d’opérations manuelles. La numérisation, elle, traite l’information de manière massive et automatique, ce qui lui permet de remplacer des efforts intellectuels et cognitifs.

À leur création, les ordinateurs étaient des machines à calculer qui sont devenu de plus en plus performantes. En 1980, le développement d’interfaces graphiques, a rendu ces machines conviviales pour le grand public. Désormais, une grande partie de la population possède un ou plusieurs terminaux qui leur permet de se connecter à Internet. Dans la multitudes de propositions que recèle le Web, une économie de l’attention c’est mis en place. Tous les moyens sont bons pour capter l’attention de l’utilisateur, vidéos qui se déclenchent automatiquement, notifications, informations personnalisées… l’offre dépasse la demande. La publicité en particulier a toujours travaillé dans ce sens. Aujourd’hui leurs algorithmes, toujours plus présent et plus « intelligents », mettent à mal notre esprit critique sur la toile.

Les systèmes algorithmiques permettent de « dispenser les acteur humains de toute une série d’opérations mentales (représentations des faits, interprétation, évaluation, justification, etc..) qui font partie du jugement rationnel, au profit d’une gestion systématique de manière à susciter des pulsions d’achats. »

Antoinette Rouvroy dans un entretien avec Marie Dancer : TANK, n°15, hiver 2016.

Nous sommes entré dans l’ère de l’Assistance par Ordinateur : CAO, PAO… Des machines sont devenues numérique suivit par le commerce, le savoir et nos interactions. Reste à ne pas oublier que même si le numérique omniprésent, au travail autant que dans la vie personnelle, son utilisation peut être restreinte ou auto-contrôlé. Nous ne sommes pas inévitablement destinés à devenir des consommateurs épileptiques ou amorphes. Parmi la génération des « digital natives » il existe une minorité de personnes, ayant fait le choix assumé, d’une déconnexion quasi-total d’Internet par exemple. D’autres encore, utilisent leur portable uniquement pour les appels et sms et sont loin de se soucier d’acheter le dernier smartphone à la mode. Conservons nos doutes et notre curiosité pour les nouvelles technologies car alternées, elles pourraient bien être nos meilleures armes pour s’adapter aux métamorphoses de notre monde.

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