Être tout oreilles pour utiliser les mêmes mots que les gens
Anik Brazeau, conceptrice de contenu
La façon dont le gouvernement s’exprime peut être très différente de la façon dont les gens s’expriment à l’extérieur du gouvernement. En tant que fonctionnaire, je sais qu’il m’est arrivé d’utiliser un langage spécialisé qui perd son sens en dehors de mon équipe ou de mon ministère. Mais j’ai aussi été de l’autre côté, perdue en essayant de naviguer dans un site Web du gouvernement ou frustrée en cherchant différentes combinaisons de mots pour trouver le bon formulaire.
C’est pourquoi il est important de se rappeler que, si nous servons le public, nous devrions employer les mots que les gens utilisent tous les jours. Sinon, lorsque les gens ont besoin d’accéder à un service comme « Signaler un cybercrime », par exemple, ils peuvent avoir de la difficulté à le trouver, à le comprendre et à l’utiliser.
En collaboration avec la Gendarmerie royale du Canada (GRC), nous étudions ce que la «cybercriminalité » signifie réellement pour les victimes de cybercriminalité, et en quoi cette perception diffère du langage utilisé par le gouvernement et les organismes d’application de la loi. En effet, savoir comment les gens décrivent leurs expériences peut nous aider à concevoir un service plus intuitif.
Écouter la façon dont les gens parlent de cybercriminalité
Après avoir parlé avec des gens qui ont été touchés par la cybercriminalité, nous avons appris que la plupart d’entre eux ne s’identifient pas comme des victimes de « cybercriminalité ». De plus, les gens ne mentionnent pas immédiatement le type de cybercrime qu’ils ont vécu. Ils parlent plutôt des répercussions de leur expérience, et ils décrivent celle-ci en termes de somme d’argent perdue, d’émotions ressenties ou de technologies affectées.
Au cours des séances de recherche, nous avons entendu des choses comme :
- “I was scammed.” (« On m’a arnaqué. »)
- “We lost money.” (« Nous avons perdu de l’argent. »)
- “The computer was hacked.” (« L’ordinateur a été piraté. »)
- “I received suspicious emails.” (« J’ai reçu des courriels suspects. »)
- “I was very scared and didn’t know what to do.” (« J’avais très peur et ne savais pas quoi faire. »)
- « J’ai perdu des renseignements personnels. Ma réaction? J’étais en colère. »
Grâce à nos discussions avec les victimes, nous espérons adapter le contenu du service afin qu’il réponde à leurs besoins réels. Nous recueillons des citations chaque fois que nous sortons rencontrer des gens qui pourraient utiliser ce service. C’est ainsi que nous obtenons des données qui nous permettent de prendre des décisions éclairées sur les mots que nous employons.
Mettre les mots à l’essai
Avoir une idée de la façon dont les gens décrivent la cybercriminalité est un bon début, mais ce n’est pas assez. Pour nous assurer d’offrir le bon service, nous devons constamment retourner vers les victimes de cybercriminalité pour vérifier nos hypothèses.
Nous savions que le contenu de notre premier concept serait loin d’être parfait. En publiant une version tôt, pour pouvoir la mettre à jour continuellement, nous avons beaucoup appris sur les attentes des gens. Voici un aperçu du changement subi par le premier concept après que les gens l’ont essayé :
Voici ce que nous avons appris :
- Un langage simple n’est pas toujours un langage direct. Nous avons essayé d’utiliser un ton décontracté et de conversation dans la première itération, et nous avons compris que poser une question plutôt que donner des directives mélangeait les gens. Par conséquent, nous avons utilisé des directives dans l’itération 2.
- Les gens comprennent plus facilement ce qu’est une « fraude » que ce qu’est un « cybercrime ». Commencer par une question générale qui comprenait les mots « cybercrime », « fraude » et « arnaque » créait une ambiguïté, mais cette approche nous a permis de comprendre quel mot interpellait le plus les gens.
- Les mots « partager » et « signaler » suscitent des attentes différentes chez les gens. Nous avons entendu des choses comme : « Si je le partage, est-ce que ça signifie que je vais le répandre? » et « Je ne pense pas que je le partagerais avec qui que ce soit. J’aurais peur que quelque chose de mauvais y soit rattaché. » Les gens voulaient plutôt signaler et, en retour, ils s’attendaient à une enquête ou à un suivi dans un avenir rapproché.
- L’objectif doit être clairement énoncé. Les gens ne savaient pas si le prototype était destiné à tester leurs connaissances ou s’il s’agissait d’une potentielle escroquerie. Nous avons effectué des ajustements en réduisant le contenu, en précisant le nom du gouvernement ou de l’organisme d’application de la loi qui demandait l’information, et en étant plus énergiques dans notre appel à l’action.
Même si nous avons beaucoup appris des victimes à qui nous avons parlé jusqu’à présent, nous avons encore du travail à faire. Suivez nos progrès pour découvrir comment nous continuons à étudier les façons d’aider les personnes touchées par la cybercriminalité à se sentir soutenues et à l’aise de signaler leur expérience.
Aidez-nous à concevoir un meilleur service bilingue
Nous savons que la manière dont les gens décrivent la cybercriminalité et le fait d’en être victime peut varier selon la langue. Il faut reconnaître que nous n’avons pas encore eu autant de conversations en français qu’en anglais. Nous avons donc besoin de votre aide pour mieux servir les Canadiens et leur offrir des expériences cohérentes qui fonctionnent dans les deux langues officielles.
Parlez-vous français? Communiquez avec nous pour nous faire part de votre expérience de la cybercriminalité, ou joignez-vous à nous pour une prochaine séance d’essai du prototype.
Version originale publiée sur numerique.canada.ca le 6 juin 2019.
The English version of this blog post can be found on Medium here.