Pourquoi Snapchat a eu raison de refuser l’offre de Facebook
3 milliards VS changer le monde. L’entrepreneur, il choisit quoi ?
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La presse “spécialisée” et économique s’enflamme. Snapchat, l’application de messagerie instantanée, a refusé une offre de rachat de 3 milliards de dollars par Facebook. Hérésie ! Ego ! Inconscience ! Bulle !
Ou plutôt pari entrepreneurial et preuve que les gens ont la mémoire courte.
Retour en 2007. Twitter avait moins d’un an et les early adopteurs ne parlaient que de ça alors que le service avait moins d’un million d’utilisateurs (je suis le n°795 145, par exemple). Google, sentant la déferlante arriver, aurait à l’époque fait une proposition de rachat à 4 milliards de dollars, balayée d’un revers de la main par les co-fondateurs de Twitter qui auraient même été vexés qu’on leur propose une si petite somme.
Twitter est entré en bourse le 7 novembre dernier et est désormais valorisé 23 milliards de dollars.
A l’époque, ses fondateurs ont donc fait un pari : notre outil deviendra une référence, il changera la vie de millions de personnes et son impact sur la société vaudra bien plus que 4 milliards de dollars. Hérésie ? Ego ? Inconscience ? Bulle ? Vision.
“Oui mais Snapchat ce n’est pas Twitter”, me répondrez-vous. Ha ? Qui peut aujourd’hui l’affirmer ? Qui dit que le Snapchat de 2013 n’est pas le Twitter de 2007 ? En juin, Snapchat comptait déjà 8 millions de membres, soit beaucoup plus que Twitter en 2007, et si son chiffre d’affaires est faible (200 000 dollars), il est supérieur à celui de Twitter à l’époque.
Et j’ai la chance d’avoir des amis qui sont loin du cercle techno/web. Ils n’utilisent quasiment pas Twitter (à part pour retweeter quelques infos), ont adopté massivement Instagram (ça, je l’ai toujours dit) et commencent à utiliser énormément Snapchat. Certains même plus que les SMS. Alors qui peut dire, en regardant ces signaux, que Snapchat ne sera jamais au moins aussi important que Twitter ne l’est aujourd’hui ?
Snapchat n’est d’ailleurs pas une exception dans le milieu de la messagerie instantanée. Le Chinois WeChat compte aujourd’hui plus de 500 millions d’utilisateurs et ce dans le monde entier. L’application n’est pas née dans la Silicon Valley et n’a donc pas les Techcrunch et autres Mashable pour en parler, mais c’est un succès colossal partout. Et ce n’est qu’un début (à la fois pour l’application et pour l’émergence des Chinois pour venir concurrencer la Silicon Valley).
Ca, si les observateurs ne l’ont pas compris, les géants actuels des réseaux sociaux le savent très bien. C’est pour ça que Facebook a cherché à racheter Snapchat, après l’échec de sa propre appli baptisée Poke. Là aussi, il faut regarder les usages liés à Facebook aujourd’hui : partage de photos et chat. La plupart des gens s’arrêtent à ça et délaissent complètement le reste (sauf peut-être pour l’organisation d’événements).
Si vous associez à ça un ras le bol grandissant lié à la pub, sur Facebook et Twitter (d’ailleurs, en 2013, ces sociétés considérées comme innovantes n’ont pas réussi à trouver de modèle économique différent de ce qui se fait depuis des dizaines d’année, allant même jusqu’à recruter des gens de la télé dans leur top management pour s’en occuper ?!), et vous avez les conditions pour une migration massive des utilisateurs.
Facebook le sait, donc. Faire une offre si importante (proportionnellement à ses revenus, à son cash et à sa valorisation) est même presque synonyme de panique devant le manque de solutions. Et Snapchat le sait aussi. Snapchat mise sur cette migration. La vision de l’équipe est sans doute de devenir le nouveau Facebook, la nouvelle entreprise qui vaudra 23, 50 ou 100 milliards de dollars et qui aura un impact incommensurable sur le monde.
Ils se planteront peut-être. WeChat sera peut-être plus fort (bénéficiant, en plus, d’un cash énorme grâce à Tencent, son propriétaire). Mais Snapchat a envie de tenter, sait qu’il a quelque chose à faire et que de vendre maintenant serait se couper de l’opportunité d’essayer, au moins. Ils ont donc eu raison de refuser l’offre de Facebook.
Un pari entrepreneurial, je vous dit.