Pourquoi j’ai rejoint l’association Lallab

Sylvie Ung
4 min readFeb 10, 2017

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Lallab est un magazine en ligne et une association dont le but est de faire entendre les voix des femmes musulmanes qui sont au cœur d’oppressions racistes et sexistes.

Nous façonnons un monde dans lequel les femmes choisissent en toute liberté les armes de leur émancipation.

Voici en quelques mots ce qu’est l’association Lallab.

3 raisons m’ont poussée à devenir bénévole pour Lallab :

Adhésion aux méthodes : la première fois que j’ai entendu parler de Lallab, c’était par le biais d’une autre association qui avait relayé l’article “Les 10 choses qui étonnent le plus depuis que je porte le hijab”. Je l’ai trouvé piquant et simplement efficace. Lallab puise dans la force des mots et des images (et de l’humour parfois) pour déconstruire intelligemment les préjugés. Les membres de Lallab ne sont jamais dans une posture plaintive. Elles sont victimes mais ne pleurent pas sur leur sort. Elles subissent mais elles vont au front. Elles contre-attaquent mais ne mordent pas. Adhésion également à son ADN. Lallab prône un féminisme inclusif : nul besoin d’être musulmane pour se joindre à la lutte. Exit le communautarisme que l’on reproche aux musulman.e.s. J’ai appris à ne pas me sentir exclue parce que je n’étais pas musulmane. Lallab prône la sororité : c’est soudé.e.s et solidaires qu’on fera avancer le débat. L’union fait la force !

Lallab Day — janvier 2017 (crédits photos : Lallab)

Approfondissement des connaissances sur l’Islam et le féminisme. On a tous intériorisé des préjugés racistes. Lutter contre les préjugés racistes est un combat contre les autres mais aussi avec soi-même. Le savoir est notre meilleur allié. C’est pourquoi, pour chaque cycle de bénévolat (6 mois), Lallab organise un kick-off : le Lallab Day. Au-delà de faire connaissance, cette journée d’intégration avait pour objectif d’enrichir et d’inspirer les bénévoles. Des intervenantes (Fatima Khemilat et Nargesse Bibimoune) ont pris le micro pour nous dire que non, l’Islam et le féminisme ne sont pas antinomiques. J’ai appris, et je continue d’apprendre rien qu’en échangeant avec les bénévoles et les concernées que je rencontre, et je construis petit à petit mes arguments pour déconstruire les préjugés au quotidien.

Inspiration pour mener ma propre lutte en tant que femme issue d’une “minorité”. Last but not least : si j’ai rejoint Lallab, c’est parce que j’ai (en fait) un autre combat : lutter contre les préjugés en tant que femme et/ou d’origine asiatique. Comme les femmes que Lallab défend, j’ai (trop) longtemps laissé glisser sur moi les remarques sexistes et/ou racistes. Mais en grandissant, mon niveau de tolérance en a pris un coup. La différence avec les préjugés racistes sur les asiats, c’est peut-être le degré moindre de virulence derrière (quoi qu’avec ce qu’il s’est passé à Aubervilliers) — en tout cas c’est ce que pensent ceux qui en sont à l’origine : c’est de la moquerie, c’est léger. Et au final, c’est ce qui pousse les gens à continuer : “oh ça va, c’est de l’humour” (un peu comme le sketch de Gad Elmaleh et de Kev Adams, lol lol lol). Sauf qu’à tolérer les “blagues”, et bien elles durent, elles durent… On considère qu’ils ne rétorqueront pas (parce qu’ils ne rétorquent jamais de toute façon). Le racisme asiat est un racisme ordinaire et silencieux. Il n’est pas médiatisé, il est rarement à l’origine d’inégalités sociales et/ou économiques. Mais il existe bien. Il est interpersonnel. Alors je réfléchis encore… Comment lutter et déconstruire les préjugés racistes dont je suis victime sans casser la gueule à la première personne qui me dit “ni hao” ou “konichiwa” alors que je ne suis ni chinoise ni japonaise ? J’espère trouver en les méthodes de Lallab des moyens d’action avant de finir moi-même avec un œil au beurre noir (parce que je me serais vraiment vnr contre un mec dans la rue) : construire un réseau ? Partir en quête de retours d’expérience de concernées ? Écrire des articles ? Lancer des événements ? Le racisme anti-asiatique est totalement différent du racisme anti-musulman.e, et les moyens d’action diffèreront probablement mais nous avons en commun d’être victimes. Et on a besoin d’être soudé.e.s dans ce combat : peut-être trouvera-t-on des passerelles pour défendre notre cause ?

Lallab est un néologisme qui associe “lalla” (Madame en arabe) et surtout “lab” (=labo). Ce Medium sera mon lab à moi : ce que j’apprécie, ce que j’apprends, ce que ce bénévolat (et au-delà) m’inspire, ce que j’ai envie d’expérimenter dans le cadre de mon combat. La règle d’or de Lallab c’est ne jamais parler à la place des concerné.e.s. Et c’est exactement ce que je souhaite : que les non-asiats (homme ou femme) ne s’exprime pas à ma place. Il va donc falloir qu’on prenne la parole.

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Sylvie Ung

Soif de lecture sur l’information & la communication, les causes sociales & humanitaires. Si c’est beau, intéressant, bien écrit : je prends aussi.