Élections québécoises 2018, environnement, politique culturelle et troisième révolution industrielle

Jean-Robert Bisaillon
5 min readSep 24, 2018

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La campagne électorale se tient sur fond de dérape environnementale et les partis tentent, comme il se doit, de se rattraper à la dernière minute sur cet enjeu. La campagne a aussi enterré le projet de politique culturelle introduite en juin. Les libéraux eux-mêmes, porteurs du projet, ne font pas de millage dessus.

Nous sommes bien loin des prédictions de prise en otage de la politique culturelle avancée par Odile Tremblay le 13 juin dans Le Devoir (https://www.ledevoir.com/opinion/chroniques/530171/l-otage-des-prochaines-elections).

Ce soir se tient un débat sur la politique culturelle à l’initiative de la Coalition la Culture le Coeur du Québec. Mais j’ai déjà voté par anticipation et j’avais déjà autre chose à l’agenda… https://www.facebook.com/events/691556057887613/

Eh puis autant écrire.

Environnement et culture. Numérique aussi?

Il faut lire le document collaboratif De la politique dans le numérique lancé par Clément Laberge sur son blogue : https://docs.google.com/document/d/15pwLmV404pIPyU-LdeHntX2YHB6o29TR_FFM4Jsjtn0/edit

Le débat de ce soir abordera notamment le thème des travailleurs autonomes qui sont désormais 500 000 au Québec et au nombre desquels doivent bien figurer 20% de travailleurs de la culture.

Comme quoi, les choses sont souvent plus liées qu’elles ne paraissent l’être. Numérique aussi? On y vient…

Le PQ qui a souligné l’enjeu, veut nous aider à souscrire aux régimes d’assurances privés. Je dis nous, car je suis travailleur pigiste en culture. Quant à souscrire à un régime privé, je n’ai pas besoin que le gouvernement s’en mêle, ce n’est pas ce que j’attends des politiques publiques.

Pour poursuivre mon préambule échevelé, je voudrais attirer l’attention sur le fait que la campagne électorale se joue aussi en parallèle avec le projet Constituons! du dramaturge Christian Lapointe appuyé par l’Institut du Nouveau Monde (http://inm.qc.ca/constituons/) et enfin que Nicolas Hulot, ministre français de l’environnement vient de démissionner de ses fonctions en affirmant en gros que nos institutions politiques ne sont plus réformables (ça vous le saviez..). N’ayez crainte, je le répète, toute est dans toute comme disait le poète de la Bitt à Tibi.

Tout cela m’a fait penser à Jeremy Rifkin.

La théorie économique de la troisième révolution industrielle que promeut Jeremy Rifkin offre une perspective attrayante pour le futur et est porteuse d’espoir. En France, dans le Nord-Pas-de-Calais est né le projet REV3 comme rêve (https://twitter.com/rev3?lang=fr).

C’est plutôt inespéré en ces temps lourds, chargés de désordre environnementaux et de tensions idéologiques. Sur ce dernier point, certains seront prompts à affirmer que la vision Rifkin pourrait très bien servir de combustible. Rifkin évoque l’éclipse progressive du capitalisme hiérarchisé que nous connaissons. Par la même occasion, les théories de Jeremy Rifkin re contextualisent tout en remettant de l’avant, diverses notions qui avaient, il y a peu, fait trembler les industries culturelles et notamment celle de la musique, mais dont l’intensité avaient légèrement faibli. Il s’agit des concepts de consensus distribué (que certains appellent la blockchain), de licence globale, d’ouverture des données, de partage, de communs collaboratifs (licences Creative Commons) et d’économie sociale. On voit curieusement dans ces concepts politiques la marque de termes tout droit tirés du très en vogue concept de littératie numérique. Comme quoi, les perspectives de progrès social, politique, écologique sont tout à fait liées au numérique, les concepts des deux univers se croisant, se chevauchant, s’enrichissant mutuellement. Il faut en effet que le numérique compense sa lourde empreinte écologique et trouve à nous rassurer à l’aube de l’arrivée des taxis sans chauffeurs.

Loin d’affirmer que l’approche Rifkin soit tout à fait réaliste ou infaillible, ces idées sont destinées à prendre sérieusement du service. Il est intéressant d’essayer de mieux comprendre le caractère progressif de ces concepts et travailler à ce qu’ils n’entrent pas en totale confrontation avec les préceptes de la société industrielle actuelle. Nous sommes face à une obligation de résultat, face à la responsabilité de parvenir à une révolution pacifique. Suis-je confus?

Une importante particularité de la culture et plus largement du régime du droit d’auteur, que l’on peut aisément qualifier d’anomalie, est que le créateur n’est pas rémunéré au moment de sa création, mais au moment de l’usage de celle-ci. Il s’agit d’un régime artisanal et non d’un régime de production industriel. L’artisan créateur ne peut contrôler que la mise à disposition initiale. Le compositeur n’est pas un salarié et son travail n’est pas la propriété de tiers qui peuvent faire valoir leur droits sur celui-ci. Le compositeur n’est pas un musicien et son travail n’est pas encadré par un contrat de travail ou par la loi sur le statut de l’artiste. En ce qui me concerne, je considère le travail artistique comme précurseur de ce que Rifkin nomme le tiers secteur, celui de l’économie sociale. J’estime aussi que ce que l’on appelait jusqu’à tout récemment les industries culturelles constituait une mauvaise lecture, une dérive de l’interprétation du rôle qu’incarne l’artisan créateur et le travailleur autonome dans l’économie de la culture : son assise première.

Faute de plus de temps pour écrire et parce que cette élection a lieu dans une semaine, je me dis que finalement, il y a une chose à dire et j’emprunte pour cela une citation de Wikipedia qui résume la pensée de Rifkin…

«… il faut dans un nouveau contrat social partager le travail existant (semaine de 30 h de travail) et compenser les emplois perdus (que le secteur marchand ne suffit plus à fournir) en développant un « tiers-secteur » non-marchand susceptible d’occuper les demandeurs d’emplois alors que le secteur public tend à s’alléger pour ne pas handicaper la compétitivité des économies. Ce tiers-secteur serait le secteur de l’économie sociale et solidaire (associations, ONG sur le modèle de l’« économie sociale » à la française selon Dominique Méda). En tout état de cause, le progrès technique et la mondialisation ne permettront pas d’assurer le plein emploi; Rifkin suggère donc l’instauration d’un revenu de base». https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeremy_Rifkin

Ce revenu de base c’est le régime français des intermittents du spectacle, qu’il faut élargir à l’ensemble du spectre des travailleurs autonomes québécois.

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