Paris — Berlin en train ? OK, mais on reste plus d’une semaine !

Thê-Minh Trinh
8 min readJan 6, 2022

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Initier un changement dans notre façon de voyager.

Vue sur le Reichstag depuis la gare centrale de Berlin.

L’été dernier, ma copine et moi avons échangé notre appartement pendant 10 jours avec un couple berlinois qu’on ne connaissait pas. Quand on est rentrés, ils se sont exclamés : “On refait ça quand vous voulez” ! Ça tombe bien, on s’était dit la même chose dans le train du retour de Berlin.

Dans cet article, on va parler de :

  1. remettre en question notre façon de voyager
  2. l’expérience du train entre la France et l’Allemagne

Ce train à destination de Berlin va partir, attention au départ !

1) Changer notre façon de voyager

Comprendre et agir

La nécessité d’arrêter de prendre l’avion est devenue une évidence pour moi au fil de mes lectures, discussions et apprentissages à propos du lourd impact que le fonctionnement de notre société a sur le monde.

Un montage du designer Geoffrey Dorne.

La Fresque du climat¹ a été l’élément déclencheur qui m’a permis de comprendre les mécanismes des enjeux climatiques en seulement 3 heures. Suite à ça et un rapide bilan carbone personnel pour comprendre mon empreinte et mes leviers d’action, j’ai enchaîné les lectures et les discussions avec des amis plus ou moins avancés dans leurs réflexions.

Mais ce qui m’a définitivement décidé à arrêter l’avion, c’est ma participation à l’atelier immersif 2tonnes. 2 tonnes de CO₂eq², c’est la quantité de gaz à effet de serre par personne et par an qu’il faut atteindre en 2050 pour un monde vivable. Or, en France on est plutôt autour des 10 tonnes / personne / an. Cet atelier qui alterne entre prises de décision individuelles et collectives met bien en lumière le chemin que l’on peut prendre pour s’en rapprocher.

On avait très envie de retourner à Berlin, c’était donc une bonne occasion de mettre cet engagement en pratique. On a donc opté pour le moyen de transport longue distance à la plus faible empreinte écologique : le train³.

En train ?! Mais Berlin c’est super loin !

Oui. Paris — Berlin, c’est plus de 1000 km et il faut compter entre 8 et 9h de train.

Comparatif Paris — Berlin en train et en avion. Commentaires en pied de page⁴.

Alors bien sûr, c’est plus long et c’est plus cher en train, surtout si on s’y prend au dernier moment. Mais la différence d’émissions de CO₂ est extrêmement marquée (x8) !

15h porte à porte en train couchette peut sembler long. Mais on s’est dit que l’expérience faisait partie du voyage, que ça permettait de partir et d’arriver à des horaires pratiques et de profiter du transport pour dormir.

Comment l’idée d’échanger d’appartements nous est venue

Voilà le raisonnement : Quitte à passer 10h aller et retour dans les transports, autant rester suffisamment longtemps pour que ça vaille le coup. Donc partir environ 10 jours. Ce qui donne un ratio de 10%⁵ environ entre le temps de transport entre les villes et la durée du séjour et qui nous semblait être largement acceptable. Avec le recul, c’est le même ratio pour un week-end à Lyon depuis Paris en TGV.

Quand on part un week-end, on peut demander à des amis de squatter leur canapé. Quand on part 10 jours, c’est moins évident. Et louer une chambre ou un appartement fait vite exploser le coût du voyage, car il faut compter au moins 500€.

C’est là où ma copine a eu l’idée de proposer à un ami berlinois d’échanger nos appartements. Manque de pot, il n’était pas disponible. Cependant, il savait qu’un couple d’amis à lui seraient intéressés. On ne les connaissait pas, mais les amis de nos amis sont nos amis non ?

Pour un autre voyage dans une ville où on ne connaîtrait personne, on pourrait envisager de passer par HomeExchange pour garder le principe d’échange de logement et réduire ces coûts.

Les chats en question.

On a fait connaissance autour d’une visio de 30 minutes et on est rentrés assez vite dans le vif du sujet : dates envisagées, aspects pratiques. L’idée d’échanger nos appartements apparaissait comme une évidence des deux côtés : quartiers sympas, vélos à disposition et on était tous rassurés : eux pour leurs chats et nous pour nos plantes !

Avec le recul, voici ce qui a rendu possible ce voyage :

  • Télétravail — pour partir sans trop de contraintes plus longtemps
  • Flexibilité pour poser des congés — pour faire coïncider les dates
  • Intérêt pour l’autre ville
  • Confiance

On avait réglé les sujets du logement et des dates. Il nous restait maintenant à étudier le transport.

2) Le train en pratique

Réserver un billet de train couchette : pas si simple

Les compartiments individuels des trains couchette que ÖBB devrait mettre en circulation cette année (2022).

On avait envie d’essayer le train couchette (dont voici un aperçu dans cet article du New York Times). Mais à ce jour, il n’y en a plus de direct entre Paris et Berlin : il faut aller jusqu’en Allemagne, puis changer pour un train couchette opéré par ÖBB (la société de trains autrichienne). On attend donc le retour en grande pompe des trains de nuit avec impatience, avec par exemple les hôtels sur rails de Midnight Trains.

Naïvement, je pensais aller sur mon site de réservation de billets de train préféré⁶ et acheter nos billets en quelques clics. Pourtant, impossible de réserver un compartiment couchette, mais seulement des places assises. Après avoir galéré avec Trainline et le site de Deutsche Bahn (DB), j’ai fini par avoir un sympathique monsieur du service client de DB qui m’a recommandé d’acheter les tronçons séparément :

  • Paris — Francfort sur DB
  • Francfort — Berlin sur ÖBB
  • Berlin — Paris sur DB

Sur ce point, il y a clairement de la marge de progression.

À noter : Trainline propose un train de nuit entre Francfort et Berlin, mais seulement en places assises. Ils ne vendent pas de places en train couchette.

Finalement… pas de train couchette, mais un train de jour !

À la gare de Francfort.

Mais c’était trop beau pour que tout se passe comme prévu. En effet, la GDL (syndicat de conducteurs de trains en Allemagne) a annoncé une grève (pour de bonnes raisons !) et notre train couchette a été annulé et remboursé. On a donc décidé de passer la nuit à Francfort. Les hôtels étaient à des prix raisonnables (dès 40€), mais on avait la chance d’avoir des amis qui y vivent. Après une nuit rapide, on est repartis tôt le matin.

Francfort — Berlin, c’est à peine plus de 4h de train. Juste le temps de faire un petit somme, de discuter de ce qu’on voulait faire pendant ce séjour et d’observer les différences avec les trains en France, comme par exemple :

  • La réservation de places est une option payante (2€). En plus, ça vous donne droit d’utiliser les transports en commun à votre arrivée. Sans cette option, vous n’avez pas de place attitrée et vous en prenez une disponible.
  • Le quai est donné sur votre billet.
  • Sur un même quai, les trains défilent avec des écarts souvent inférieurs à 10 minutes.
  • Il y a beaucoup de places pour les vélos, avec des emplacements spéciaux.
  • Les masques médicaux sont obligatoires (pas de masques en tissu !)

Après ces péripéties, nous voilà arrivés en gare centrale de Berlin, plus prêts que jamais pour en profiter à fond.

3) Tout est bien qui finit bien

Sur place

À partir de là, c’est que du bonheur ! On rencontre le couple berlinois en chair et en os et on fait le tour de l’appart avant de leur dire au revoir.

En bref, on profite de Berlin, sans pression :

  • C’est très agréable de circuler à vélo. Les infrastructures sont vraiment bien pensées et il y a de la place.
  • On a pu voir tous nos amis et des collègues de ma copine sur place.
  • On s’est fait plaisir en testant plein de resto (vietnamiens !), mais sachez qu’à Berlin on mange très bien pour 10€ le repas.
En Allemagne, il y a une flopée d’excellents restaurants vietnamiens vegan.

Récap des coûts

  • Train : 266€ / personne sur la base de l’aller en train couchette, au final 215€ puisqu’on a fait ce trajet de jour.
  • Logement : 0€ 😉 (enfin… on continuait à payer notre loyer parisien hein !)
  • Trajets sur place : 20€, puisqu’on a presque tout fait à vélo. Sauf quelques trajets plus longs ou chargés, comme celui de la gare à l’appartement.

Soif de voyager… en train !

Le voyage en train, quand c’est possible, est le transport longue distance le plus écologique. Couplé au vélo, c’est le pied. Et en Allemagne, c’est simple de prendre son vélo : espaces prévus pour les accrocher sans les démonter et les mettre dans une housse et pas d’option à prendre.

Malheureusement, ça demande de s’y prendre en avance pour avoir de bons tarifs, pas mal d’organisation et c’est plus long que les alternatives beaucoup plus émettrices de gaz à effet de serre. Bref, il faut être très motivé et s’accrocher ! Et d’après cet article de Mediapart, ça n’avance pas dans la bonne direction en termes d’investissements dans le ferré, de lignes transfrontalières ou encore de droits des passagers ferroviaires.

Toutefois, ces difficultés n’ont pas entamé notre envie de voyager de façon plus durable. Dans un prochain article, je vous raconterai comment une invitation pour le mariage d’une amie à Stockholm s’est transformée en train trip génial en passant par plusieurs villes 🚅👯🚲. Finalement, Paris — Berlin, ce n’était que l’échauffement !

Des vélos, une gare. C’est pour le prochain article !

Liens et notes

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