À gauche, l’union ressemble surtout à des tentatives ratées

La gauche joue son avenir en 2022. Presque inaudible depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, elle cherche désormais à s’unir pour espérer se qualifier au second tour. Mais entre discours et réalité, il y a toujours un fossé. Retour sur les tentatives d’union à gauche depuis deux ans.

Théo Uhart
5 min readOct 10, 2020

Olivier Faure n’a que ce mot à la bouche depuis des mois : l’union de la gauche. Le premier secrétaire du Parti Socialiste y croit aussi dur que les enfants au Père Noël. Pourtant, cette union peine à se matérialiser, malgré les efforts qu’il déploie, et les vœux de beaucoup à gauche.

L’infographie ci-dessous répertorie les multiples tentatives d’union à gauche, et dessine les relations entre ces tentatives et les mouvements de gauche.

En passant votre pointeur sur l’infographie, vous verrez les liens entre les différentes formations apparaître plus clairement.

Le Parti Socialiste est encore clairement le centre des tentatives d’union. On constate aussi l’émergence d’une « galaxie EELV », grâce aux accords pour les élections régionales. Les petits partis écologistes ont reconnu le leadership du parti dirigé par Julien Bayou. Même Génération·s, le mouvement lancé par Benoit Hamon, se détache de plus en plus de sa proximité avec le PS au profit d’une union plus étroite avec les Verts. Dans ces histoires de mariage arrangé, la France Insoumise continue de faire bande à part. Même si une ouverture semble se dessiner, le mouvement présidé par Jean-Luc Mélenchon est pour l’instant celui qui a tissé le moins de liens avec les autres formations de gauche.

Notons un petit succès : le Festival des Idées, de Christian Paul. Le député PS a réussi l’exploit de créer un évènement au sein duquel toutes les formations sont venues débattre et échanger. C’est pour l’heure la seule initiative ayant rassemblé tous les appareils politiques de gauche.

L’union à gauche : un mythe plus qu’une réalité ?

« L’union de la gauche est un mythe profond, mobilisateur pour les électeurs. Le moment fondateur, c’est le Front Populaire de 1936. L’imaginaire est là, c’est très puissant », analyse Fabien Escalona. Politiste, spécialiste de la social-démocratie, il est aussi journaliste à Médiapart.

Si la gauche s’acharne à parler d’union, outre son histoire, c’est aussi parce qu’elle est lucide : divisée, elle ne réussira pas à aller au second tour. Pourtant, selon le chercheur, « une union dès le premier tour, c’est rare dans l’histoire politique. Il y a une distinction traditionnelle entre les concurrents à gauche et les adversaires que sont les partis de droite. »

Certains essaient tout de même de la concrétiser. Cet été, le socialiste Christian Paul, l’insoumise Clémentine Autain, l’écologiste Eric Piolle et l’économiste d’ATTAC Aurélie Trouvé ont été de toutes les universités d’été pour initier un rassemblement. De quoi faire bouger les lignes ? « Ce sont des seconds couteaux, qui n’ont pas le pouvoir sur les États-majors, assène Fabien Escalona. Dans les années 70, on a eu une vraie démarche programmatique pour aboutir à un programme commun. Là, on ne voit pas le début de ça. »

Clémentine Autain (© Wikicommons) , Aurélie Trouvé, Eric Piolle (© Benoit Pavan) et Christian Paul (©Philippe Grangeaud/Solfe Communications)

« De vrais différences de visions du monde et du culture politique »

L’union paraît pourtant difficilement réalisable. « Il y a deux niveaux à regarder : celui des électeurs, et celui de l’offre politique, commente Fabien Escalona. Dans l’électorat d’Hamon et Mélenchon en 2017, il y a une grande porosité. Les gens sont dans une grande proximité de valeurs. »

C’est plus difficile au niveau des partis. « Les points de tension sont bien connus : la question européenne, la question écologique encore en arrière dans un Parti Socialiste plutôt productiviste et la question économique bien sûr » détaille Fabien Escalona. L’union est-elle alors impossible

« Il y a toujours eu des divisions. Les questions qui séparaient les partis socialiste et communiste dans les années 70 étaient bien plus profondes. Il y a de vraies différences de vision du monde et de culture politique, il vaut voir à quel point elles sont irréductibles. Cependant, un certain nombre d’éléments programmatique sont partagés, sur la gestion de la crise sanitaire par exemple. »

Fabien Escalona, chercheur en sciences politiques au laboratoire Pacte (Grenoble) et journaliste à Médiapart

Tout le monde veut diriger l’alliance

Plus encore que les questions idéologiques, Fabien Escalona voit des problèmes très pratiques. D’abord, l’absence d’un parti central. « Il n’y a plus d’acteur assez puissant pour mettre tout le monde d’accord. Tout le monde a des faiblesses, mais aussi suffisamment d’atouts pour espérer être leader. » « Les guerres d’egos » et les « problèmes de confiance mutuelle » n’arrangent rien.

La présidentielle oblige à capitaliser sur un visage. Fabien Escalona pointe là « un problème de crédibilité » :

« À gauche on n’aime pas ça, seul le programme compte, mais ce n’est pas vrai avec cette élection-là. Il y a un problème d’incarnation ».

« La grande question, conclut le journaliste, est de savoir s’il y a une personnalité pas encore officiellement déclarée et qui peut l’emporter ». Le profil recherché ? « Un ancien socialiste, critique de Hollande et moins marqué que Mélenchon. » Un homme à marinière, promoteur du Made In France et ayant fait un retour médiatique ces derniers mois peut-être ?

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Théo Uhart
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Etudiant en journalisme au CFJ Paris. Beaucoup de data, un peu de radio.