Justin Bieber
ou la théorie
du Story-Telling

Thomas bart
6 min readAug 31, 2015

Pourquoi les start-ups ont-elles besoin
de story-telling ?

Je regarde les vidéos populaires sur Youtube. C’est un vagabondage virtuel auquel je m’adonne régulièrement. Souvent de manière partielle. Cela représente une étude stimulante de notre époque. Ce flux ininterrompu de vidéos est un reflet intéressant de notre époque. Il faut juste tenter de connecter les pointillés entres ces vidéos. Je ne prétend pas y arriver.

Au cours de cette pérégrination, parmi les chats, les bébés, les chiens, les chutes, je suis tombé sur cette vidéo de Justin Bieber. Il recevait un trophée du meilleur artiste lors d’une cérémonie. J’ai été surpris et interpellé par cette vidéo. En effet, elle va à l’encontre des vidéos de récompenses telles que nous sommes habitués à les voir.

(je vous conseille de regarder la vidéo à partir de 1 min 20, cela dure quelques dizaines de secondes)

Depuis quelques semaines, j’ai l’impression d’être ce Justin Bieber.

Les deux renversements de l’industrie de la musique et la communication transgressive

Ce titre énigmatique est drôle, venant de quelqu’un qui n’écoute jamais de musique. Car oui, je n’écoute jamais de musique. C’est une forme artistique à laquelle je suis assez hermétique sauf pour quelques exceptions. Cependant, je suis un observateur assez passionné de l’industrie de la musique. Pour deux raisons :

  • La révolution de son business model : Mise à part la photographie, aucun secteur n’a été aussi affecté par le digital. Entre la chute des ventes physiques, le soubresaut des ventes digitales et l’avenir qui semble reposer désormais sur le streaming, les circonvolutions business de cette industrie sont passionnantes. L’industrie de la musique a encore besoin de temps avant d’atteindre une nouvelle maturité.
  • L’autre grand renversement réside dans la communication. En effet, préalablement, les artistes avaient besoin des majors et des médias pour communiquer. Désormais, leurs comptes de réseaux sociaux (instagram, twitter ou facebook) comptent des milliers ou des millions de fans. Néanmoins, il y a là encore un grand besoin de maturité dans l’utilisation qu’ils en font.

Une communication vide de sens

Je pense que les artistes ont encore besoin de temps pour maîtriser ces outils. Plusieurs éléments concordants me frappent souvent lorsque je surfe sur ces réseaux sociaux :

  • Ils ne communiquent que très peu sur leur création.
  • Ils ne communiquent que très peu sur leur univers créatif. Il n’y a aucune mise en avant de leurs goûts et de leurs influences. (Ce qui pourrait être intéressant).
  • C’est leur ego qui est mis en avant sur le compte. Ils sont sur toutes les photos. Dans toutes les postures.
  • C’est très souvent relié à leur vie privée. (Cependant, j’imagine que de nombreux fans sont clients de cela).
  • Cette mise en avant se veut transgressive et provocatrice.
  • Comme pour les entreprises, ils manquent encore d’une bonne dose de story-telling.

Néanmoins, ce sont ces deux derniers points qui m’intéressent présentement. La transgression et le manque de story telling. Et en ce sens, il me semble que Justin Bieber en est un parfait exemple.

La transgression comme message de communication

Certains sont passés maître dans l’art de la transgression. J’ai même le sentiment que certains n’existent que par ce biais. Je ne connais pas le nom du dernier album de Lady gaga ou de Rihanna.

(C’est normal, vous allez me dire puisque je n’écoute pas de musique. Lorsque je pose cette question dans mon entourage, personne n’est capable de répondre. Faites le test vous même. Et essayez autour de vous.)

Je ne sais pas si cette méthode de communication transgressive est bien ou mal fondée. Néanmoins, le buzz est souvent là avec son contingent de fans et d’opposants.

De nombreuses entreprises du digital sont tout aussi transgressives. Dans des proportions très différentes bien évidemment. Le flot de réactions hostiles ou positives pour Uber est assez similaire. Apple déchaîne aussi les fans comme les opposants.

Toutefois, les sociétés sont applaudies pour leurs services et leurs produits. Ou conspuées pour les conséquences qu’elles impliquent dans l’éco-système dans lequel elles évoluent. Uber ravi ses clients tandis que les taxis déchantent.

La nécessité transgressive de la start-up et ses conséquences

J’ai décidé de créer ma propre start-up. Et dans une moindre mesure, je ressens un peu l’émotion de Bieber dans cette vidéo.

La transgression personnelle

Il faut une dose de naïveté et d’inconscience pour se lancer dans cette aventure. Dans notre système protégé (trop selon certains), la prise de risque n’est pas encouragée. En soi, créer une entreprise est une transgression. Lorsque vous annoncez ce choix, vous récoltez un mélange de tiédeur et d’incompréhension. Lorsque vous évoluez dans un univers de start-up, c’est cool de lancer sa boîte. Dans la vraie vie, avec vos amis, vos parents, vous êtes loin d’être une rock star.

Pour les personnes qui se foutent de vous, on vous dit juste : “C’est bien”. Neutre et indifférent.

Pour ceux qui tiennent un peu à vous, on vous pose des questions inquiètes. On vous demande si cela est bien raisonnable de quitter son boulot bien payé. De quoi, vous allez vivre. “Est-ce que vous avez déjà des clients ?”

Pour les gens qui tiennent beaucoup à vous. Il y a deux mondes :

  • Ceux qui sont dans la bulle start-up et qui sont heureux que vous les rejoigniez.
  • Et ceux qui n’y sont pas. Par exemple, votre femme (ou votre mari). Il faut les rassurer. Les convaincre. Les soutenir. Parfois leur mentir. Ou savoir garder pour soi certains doutes.

Bref, comme pour Justin Bieber, beaucoup de sifflets et peu d’applaudissement.

La transgression business

Une start-up doit avoir pour ambition de changer le monde. De résoudre un grand problème.

Dans mon cas, je veux reformer le système de formation continue. Qui n’est pas adaptée. Qui laisse trop de personnes sur le bord de la route de la mondialisation. Qui montre la voie mais qui n’encourage pas à la prendre. Qui n’encourage pas le savoir et l’apprendre. Quand je dis cela, cela varie entre ironie ou indifférence (ceux qui s’en foutent), incertitude ou agacement (les autres). C’est encore pire quand je leur dis que je connais la voie mais pas le chemin. Car chaque jour est un pas supplémentaire qui m’aide à accomplir cette mission.

Bref, beaucoup de sifflets et peu d’applaudissement.

La nécessité d’avoir un story-telling personnel et business

Je ne crois pas que Justin Bieber soit hué pour son art dans cette vidéo. Il est hué pour sa capacité à mal se raconter lui-même. Son story telling personnel semble provoquer une non adhésion.

Je crois qu’il en va de même pour les entrepreneurs. Je pense que j’ai reçu plus de sifflets que je n’aurai du. C’est de ma faute. J’aurais du être un meilleur story teller de moi même. De mon aventure. De ce que je m’apprête à faire. A entreprendre. On peut se plaindre d’être mal compris. On peut aussi comprendre les sources de l’incompréhension et les corriger. La justification que tente Justin Bieber à la fin montre qu’il ne comprend pas pourquoi il est sifflé. Je doute qu’il soit en mesure de le corriger pour l’instant.

Chaque entrepreneur doit avoir conscience de la nécessaire part de story-telling :

  • Personnel : être capable de transcender les premières barrières pour incarner son discours. Pour le rendre à la fois réel ou crédible et visionnaire. Être assertif. Susciter de l’envie.
  • Business : convaincre sur le bien fondé de son projet. A la fois, partager l’ambition et le pragmatisme. Être capable de tracer ce que vont être les premiers marches. Et tout en projetant la part d’incertitude et d’inconnus à ce type d’entreprise.

Il faut avoir un rêve et une échelle qui permet de l’atteindre. Néanmoins, si l’échelle se construit au fur et à mesure, les prochaines marches doivent être solides et connues. Il faut les prévoir et être capable de les partager. Celui qui ne sera pas capable de faire cela ne récoltera (comme ce fut le cas pour moi) que des sifflets. Et ce n’est pas que de la préparation. C’est aussi de la communication. Car c’est l’adhésion à votre projet qui lui donnera (entre autres) sa réussite. Si vous voulez changer (un peu) le monde, il faut convaincre le monde.

En toute honnêteté, je ne l’avais pas regardé avant. Au moment où j’écris ces dernières lignes, je découvre l’instagram de Justin Bieber.

Si ce n’est pas un signe …

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Thomas bart

Proud dad of two & husband. In my spare time, I write about productivity and coaching. Head of Growth in Startup Incubators in Lausanne, Switzerland