Putain, mais qu’est-ce que je fous là ?

Thomas Despin
5 min readNov 7, 2015

Samedi 7/11, 14h30, route 272 entre Varsovie et Cracovie.

Quelques centaines de mètres plus tôt, un paysan Polonais, bouteille à la main, qui traîne un renard qu’il vient d’abattre pour le jeter dans un faussé.

Quelques kilomètres plus loin, la ville de Końskie. Prochaine sur la carte. Vraisemblablement mon prochaine arrêt.

Et depuis 4 jours :
- le brouillard et la pluie,
- le froid et la nuit à 16h,
- les camionneurs inconscients,
- la fièvre qui m’empêche d’être lucide
- pas de douche,
- une tente humide,
- et mon incapacité totale à avancer significativement sur la route (20–50km de moyenne…)

J’arrête de rouler et me met sur le bord de la route. Un camion passe. J’essuie l’eau sur mon visage, et regarde tout autour de moi.

A ce moment précis, une seule question dans mon esprit : Putain, mais qu’est-ce que je fous là ?

Depuis que je suis parti, il y a 7 mois, c’est la première fois que je ressens autant de sentiments négatifs à la fois. J’ai l’impression que tous les éléments se sont conjugués pour me faire chier et m’empêcher d’avancer pour atteindre Cracovie.

Et puis Cracovie, parlons-en. Alerte pollution 6 fois plus haut que le maximum recommandé. La personne qui m’héberge me déconseille de venir dans les prochains jours, et décide elle-même de quitter la ville pour esquiver la pollution. DAMMIT.

C’est alors que me vient une sensation brutale et incontrôlable, qu’on pourrait transcrire textuellement par quelque chose comme : AAAAAAAAHHRG$#@£OMG%*#£><WTF#@*!!!

Pas de solution = Pas de problème

Bon, passé ma crise d’ado de 15 ans en perdition, je décide de me calmer et de réfléchir.

Un problème sans solution est un problème mal posé.

En fait, j’ai pas la moindre foutue idée du bien fondé de ce proverbe, mais tout le monde s’en tape. Ce qui compte, c’est la suite.

Je dois avouer que passer du mode émotionnel négatif au mode rationnel positif quand on est au beau milieu d’une route dangereuse, flippante et chiante à mourir, c’est pas l’exercice le plus évident.

Mais je suis aussi là pour ça. Si je voulais faire quelque chose d’évident, j’aurai pris un avion pour aller chiller au soleil au lieu de voyager à vélo.

Ok, alors c’est quoi le plan ?

C’est mignon tout plein de savoir qu’il faut trouver des solutions. Mais, on fait quoi maintenant ? (ouai, je me parle vraiment comme ça)

  1. Accepter

C’est ok de pas être à 100% tout le temps.
C’est ok de péter un câble.
C’est ok de devoir se remettre en question.
C’est ok de puer et d’être trempé.
C’est ok d’avoir un environnement difficile ces derniers temps.

Next.

2. S’apaiser

Une fois que j’ai accepté la situation, la pression redescend. Le rationnel reprend le dessus sur l’émotionnel.

On n’est pas fort parce qu’on n’a AUCUNE faiblesse.
On est fort parce qu’on avance AVEC ses faiblesses.

Je me suis dit que c’était le moment d’être fort.
J’ai respiré. J’ai fermé les yeux.
Je me suis visualisé comme si je me voyais depuis la Lune (c’est bizarre, je sais, mais ça m’aide à me rendre compte de la petitesse de mes problèmes face à l’immensité du Monde blablablabla).

Je me suis apaisé. J’ai souris, et repris confiance en moi.
Pas parce que j’avais les solutions aux problèmes.
Mais parce que je savais que j’allais les trouver.

3. Agir

J’ai pas de solutions magiques à tous les problèmes (sans blague).
Par contre je connais un moyen pour ne jamais les résoudre : ne rien faire.

Alors j’ai agis. J’ai enfourché mon vélo et suis reparti sur la route.

De l’extérieur, aucune différence.
De l’intérieur, tout a changé.

Cool. Et alors, ça a donné quoi ?

J’ai finit par atteindre la ville de Końskie. Et j’ai eu un flash. Une intuition. Un peu comme si mon instinct avait dit au reste de mon esprit d’aller se faire mettre.

Règle #1 de ce voyage : ne pas dépenser d’argent dans l’hébergement. Sauf si ma vie en dépend.

Je suis entré dans la station service, j’ai demandé une chambre dans le motel. C’est tout.

Comme ma vie n’en dépendait pas = j’ai violé ma règle principale.

Ce qui ne m’était pas arrivé depuis le 27 Juillet, le soir de mon anniversaire, quand j’ai eu mon premier accident aux Pays-Bas.

Pour la première fois en plus de trois mois, j’ai échangé de l’argent contre un hébergement.

Là, vous vous dites : OK, c’est pas la fin du Monde.

Bah, vous avez raison. J’ai regardé, et le Monde ne s’est pas arrêté. Et en plus maintenant j’ai une chambre pour la nuit.

“The only one who’s really judging you, is yourself.” — Tame Impala.

(La seule personne qui te juge vraiment, c’est toi-même)

J’ai bu un café.
J’ai mangé.
J’ai pris une douche.
J’ai étendu ma tente pour qu’elle sèche.
J’ai ouvert GoogleMaps pour replanifier mon itinéraire.
J’ai appelé une personne qui m’est chère.
J’ai posé mon cul sur un lit propre et sec.

Est-ce qu’échanger 20€ contre une chambre m’a permis de résoudre tout ce qui était en train de me pourrir l’esprit de l’intérieur ?
Ouai !

Est-ce que ça valait le coup de violer exceptionnellement une règle ?
Complètement.

Est-ce que je viens d’écrire un Medium post juste pour vous raconter que ce soir je dors dans un motel à Końskie ?
A vous de voir :)

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Thomas Despin

I build sustainable beach villas on remote paradise islands, in Indonesia — Seen in Forbes, WIRED & Entrepreneur — hi@thomasdespin.com | www.reconnect.id