Nous somme celles et ceux que nous attendions

Thierry LE PESANT
9 min readMay 8, 2017

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Dimanche 7 mai, 13h40

Alors que mon train s’élance vers la côte atlantique, profiter de ces quelques heures hors du temps pour essayer de réaliser, de mettre des mots sur ces moments intenses vécus samedi chez Communion, sur un toit le long de la Seine, à Paris.

Dans ce lieu incroyable, malgré la pluie et la grisaille, pendant quelques heures, chacune et chacun a pu ressentir l’émotion et la joie de la rencontre. Se retrouver, se parler, s’écouter, se reconnaître, ne pas se juger…

Samedi 6 mai, alors que la France reprenait son souffle après une campagne présidentielle particulièrement délétère, #MAVOIX organisait le tirage au sort de ses candidates et candidats pour les législatives de juin 2017.

Une journée chargée d’émotions. Des sourires, des larmes, de la joie, de la musique… du sérieux, de la concertation et en même temps le plaisir de faire, d’être dans l’action, de se mettre au service les uns des autres.

Rencontrer en vrai pour la première fois tous ces visages pourtant déjà familiers, se souvenir des témoignages des unes et des autres, égrenés au long des semaines pendant la période d’appel à candidatures du 3 mars au 25 avril.

Ces mots de gens comme toi, comme moi, qui, pour la première fois souvent, se disent que peut-être la politique, ce n’est pas juste pour les autres, ceux qui savent, ceux qui ont fait des études, ceux qui ont des réseaux, de l’argent :

Grégory, de Watreloos (59) : « Je pense que nous serons plusieurs à présenter notre candidature en nous demandant “mais qu’est-ce que je fais là ?”
C’est tellement pas moi. J’ai mis beaucoup de temps à me pencher sur les questions électorales, m’abstenant régulièrement. Mais ces derniers temps j’ai eu de plus en plus de mal à continuer à me résigner de la sorte, et à continuer à râler sans rien faire de concret pour que cela change. Le chemin est encore long mais il se passe quelque chose. Et je veux en être !
»

Pauline, de Belfort (90) : « Je suis une voix parmi tant d’autres, je suis tout ce qu’il y a de plus ordinaire, mais je fais partie de ceux qui veulent amener le changement. C’est tout un système qui doit évoluer et progresser, les citoyens trop oubliés doivent reprendre la place qui est la leur. »

Nathalie, d’Orange (84) : « Je travaille à La Poste en contact permanent avec le public. La misère, je la vois, je la vis au quotidien. Le jour noir à La Poste c’est le 6 du mois, jour de versement des prestations sociales. Je ne peux malheureusement pas résoudre à moi seule tous les problèmes et éradiquer la misère du monde mais je peux donner de mon temps et de mon énergie pour participer à cette folle aventure et porter haut et fort la parole de ceux qui crèvent en silence. »

Céline, de Marseille (13) : « J’avoue… j’ai peur… car je me dis, un peu, que tous ces politiques… le système entier ne peut pas permettre à de simples citoyens de “hacker” l’Assemblée nationale… ! Cette peur disparait quand je pense à l’avenir que je veux pour mes enfants, tous les enfants. Je fais le choix de l’action. Nos voix sont plus nombreuses. »

Cédric, de Mouguerre (64) : « Je me prénomme Cédric. Je suis un anonyme, comme vous et moi, aux yeux de la politique. Je suis un citoyen, de France et du monde, qui restait sans voix, volontairement. J’ai abandonné mon droit de vote, comme tant d’autres, il y a bien longtemps. J’ai 40 ans. Je ne vote plus… comme d’autres Français qui détournent le regard de la politique par millions. Je n’ai même voté à aucune élection législative. Pas une. Je dois avouer que je n’avais pas plus l’intention de voter cette année… jusqu’à ce mois de mars 2017 où je pris connaissance d’une expérimentation. Mon cœur n’a fait qu’un bon à la découverte de ce que certains préparaient en vue des prochaines élections. C’est une opportunité comme il n’y en a jamais eue depuis aussi loin que l’on puisse regarder dans le passé de notre pays. Aucun besoin d’incendier des rues ni de se ruer armés de fourches dans l’hémicycle. Il suffit de voter. Il devient enfin possible de voter pour un visage très familier, car il s’agit de celui d’un citoyen, de vous, de moi, de n’importe qui souhaitant faire entendre sa voix. Cela n’était pas possible jusqu’ici. Ça l’est aujourd’hui. Le temps de l’indifférence, de l’amertume, du rejet, est fini. »

Nafissa, de Colombes (92) : « Le tirage au sort, qui efface les discriminations de classe, genre, âge, couleur dans la sélection et qui laisse au hasard le soin de désigner les candidats à l’investiture, est un élément central dans mon souhait de rejoindre l’aventure. »

Éric qui vit au Japon : « Il est temps que ma voix, ta voix, nos voix, soient plus qu’un pourcentage tous les 5 ans, pris en otage par un parti, un appareil et des calculs. Il est temps que nous reprenions le contrôle de notre propre voix à l’Assemblée Nationale et qu’elle soit prise en compte à chaque fois qu’une décision importante, qui impactera nos vies, est prise. Il est temps, car les temps ont changé. Nous sommes entrés dans la modernité, dans l’ère numérique. Si chacun peut faire entendre sa voix à tout moment sur Internet, sur les réseaux sociaux… alors pourquoi pas pour les lois qui nous gouvernent ? Il est temps car la politique, elle, n’a pas changé et ne changera pas, si nous ne le faisons pas. »

Cécile de Paris : « je n’avais pas prévu de tenter ma chance dans cette belle initiative. Puis, il y a eu le 23 avril… une soirée, des débats, des amis, des arguments, des contre-arguments, des rires, de l’énervement et un résultat… Un résultat qui m’a bousculée, un résultat qui m’a ennuyée, un résultat qui a remis en question mon engagement… Je ne suis pas satisfaite, très bien… qu’est-ce que je fais ? Comment faire bouger les choses ? comment faire entendre #mavoix et #nosvoix ? »

Zita de Marseille : « Ma découverte de l’expérimentation #mavoix est récente. Elle m’a interpellé. Elle m’a questionné. Plus j’en parle autour de moi, plus on me dit que c’est impossible. Plus je ressens l’incompréhension et la peur derrière cette démarche citoyenne. Plus je suis déterminée à montrer que c’est possible ! »

Avec les témoignes de toutes ces femmes et ces hommes qui ont su surmonter leurs peurs, ce qui me touche dans #MAVOIX, c’est cette histoire un peu folle d’une aventure politique sans structure, sans moyens, construite entièrement de façon horizontale et artisanale. Avec le cœur.

Ces rencontres au long des semaines et des mois où chaque fois, le temps, l’énergie, le talent et les compétences nécessaires à cette expérimentation inédite se présentent sur notre chemin.

Il y a eu Mélanie qui a imaginé le miroir sur l’affiche, ce passant de Strasbourg qui a eu l’idée du slogan « qui me représente le mieux ? », Claire qui nous a incité à choisir le jaune couleur emblématique de #MAVOIX et qui a tant fait depuis pour que sans moyens, nous fassions des choses jolies avec le talent qui est le sien…

Il y a eu Julien et Frédérique qui ont tant fait pour que la partie administrative du tirage au sort, si décisive, soit une réussite. Et toutes ces femmes et ces hommes qui ont permis de faire émarger 300 personnes en 1h15 !!!

Et puis Manon qui, après avoir était la plus jeune candidate lors de la partielle à Strasbourg l’année dernière a tant fait cette année, notamment pour que la formation en ligne #MAVOIX permette à chacune et à chacun, candidate et candidat, citoyenne et citoyen, puisse se réapproprier la fabrique des lois qui régissent nos vies.

Il y a Marc et Bernard à Strasbourg qui ont tant fait pour que #MAVOIX s’acre dans le réel à l’occasion de sa première campagne électorale. Marc qui nous a mis en contact avec Maître Scheid et l’imprimeur qui nous accompagnent à nouveau cette année.

Il y a Manuel qui a œuvré inlassablement, mettant ses talents d’animateur et de facilitateur pour aider et soutenir les collectifs locaux en respectant toujours ce principe d’émergence locale horizontale, sans chef, sans volonté de faire du chiffre de déploiement systématique mais toujours sur la base de femmes et d’hommes qui localement, spontanément ne veulent plus subir, ne veulent plus rester spectateur et spectatrices de leurs vies.

Il y a Thierry, croisé par à l’occasion d’une visite de l’Assemblée nationale qui a mis à notre disposition son expérience et ses talents de régisseur depuis un mois pour préparer le tirage au sort.

Il y a aussi Guillaume, venu un jour à une réunion avec sa caméra, qui nous a fait tant de beaux cadeaux depuis pour raconter #MAVOIX avec ses images et son talent.

Il y a Yoko et Élodie qui ont contribué à la formation en ligne de nos mandataires financiers, sans aucune expérience préalable du sujet, se formant de pair à pair, comme tous et toutes.

Il y a Colin et Clément développeurs de talents croisés au hasard de réunions locales #MAVOIX et de discussions sur le forum qui ont tant fait cette année pour la réussite de ce pari fou de l’appel à candidature hier et pour la réussite du financement de nos campagnes partout en France demain.

Toàn et Sylvain toujours présents pour animer les réunions en ligne et le forum

Et tant d’autres hommes et femmes dont la liste serait trop longue mais qui savent déjà ma gratitude pour ce chemin parcouru à leurs côtés.

Car #MAVOIX, c’est d’abord ça, l’histoire de femmes et d’hommes unissant leurs singularités pour faire vivre cette expérimentation politique inédite. Ici, pas de volonté d’uniformisation. Personne ne cherche à convaincre l’autre de se rallier à ses idées.

Repenser aussi à ce dîner d’hier soir, aux copains de Béziers, inconnus il y a quelques semaines, nous racontant qu’ils auraient fui la ville s’ils ne s’étaient pas mis à faire #MAVOIX avec son cortège de belles rencontres et de joie qui vous change une vie. Si belle illustration de #MAVOIX : si tu es dans l’action, la peur s’en va.

Dimanche 7 mai 19h30, après avoir voté, renter à la maison, allumer machinalement la télé.

Et puis l’éteindre.

Rien à attendre de ce côté-là.

Profiter encore de cette belle énergie, de ces sourires qui reviennent, des yeux embués.

Regarder quelques jolies photos pour prolonger ces instants.

Et puis s’endormir le sourire aux lèvres.

Crédit photo : Giacomo-photos

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