Startups : à la recherche de l’intelligence artificielle perdue

Thomas Gouritin
4 min readOct 4, 2017

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Il y a des cycles de hype dans le marketing, ce n’est pas nouveau. Il y a des technologies qui font vendre, et beaucoup savent très bien exploiter ces filons. La dernière tendance, je ne vous apprends rien, c’est l’intelligence artificielle. Imaginez donc, à l’heure où le marketing veut “remettre l’humain au centre de tout et nouer enfin une vraie relation de confiance avec le consommateur”, la perspective d’automatiser un maximum de tâches semble séduire un peu plus chaque jour. Sans entrer dans de la philosophie de bas étage on entrevoit déjà un petit problème de cohérence…

Stop au bullshit, disent les consultants spécialisés

C’est vrai quoi, pour vendre des conférences et des articles sur le sujet il faut montrer qu’on maîtrise, qu’on en impose quoi. La dénonciation facile est le grand sport de la rentrée pour beaucoup de consultants “social media” historiques qui sentent qu’ils commencent à être dépassés par les événements. Il est toujours plus facile de virer de bord en continuant d’enfiler les arguments d’autorité. Dommage quand l’autorité en question est loin d’être vérifiable et vérifiée. Mais c’est un autre problème…

Il est vrai qu’on dit tout et n’importe quoi sur le sujet. Hier pour être “dans le game” il fallait proposer une solution d’objets connectés pour générer plein de big data. Aujourd’hui il suffit de “pivoter” pour vendre son expertise dans le traitement de ces données. Un traitement algorithmique classique ? Appelons ça de l’intelligence artificielle, ça sera plus vendeur. Bullshit.

Les chatbots cristallisent cette folie ambulante

“Les chatbots vont remplacer les applications mobiles”. Si si, des “experts marketing” l’ont dit il y a un an. Ceux-là même qui sortent depuis quelques mois des articles et des conférences pour dire que tout cela est survendu et que les technos ne seront pas matures avant 2 ou 3 ans. Un peu de lucidité, enfin. Mais le mal était déjà fait.

Vous me connaissez, je préfère me baser sur des exemples plutôt que de parler dans le vide. Prenons donc un exemple concret transféré par un ami journaliste hier. Nous parlons donc d’un communiqué de presse d’une startup “spécialisée dans le Big Data et l’Intelligence Artificielle” qui, je cite, “lance la première intelligence artificielle dédiée à l’orientation dans les études supérieures”.

Impressionnant.

Je n’ai donc pas pu m’empêcher d’aller tester cette révolution. On ne se refait pas. Comme il s’agit uniquement de communication il n’y a évidemment pas de lien dans la communiqué de presse pour tester la solution. Pourquoi un journaliste aurait-il envie d’aller tester alors qu’on lui dit que c’est génial et bourré d’intelligence artificielle ? Franchement…

Du coup je vais tout bêtement sur Facebook Messenger pour chercher la startup en question en espérant trouver un chatbot fonctionnel. Le compte existe et on me propose d’entrer en relation avec le chatbot en question. Chouette, j’ai trouvé. Bon, en fait, pas vraiment, pour la démo on repassera. Il y a bien un chatbot mais c’est le bot de base à customiser d’une solution gratuite bien connue sur le marché.

En relisant le communiqué je vois que c’est une solution intégrée sur les sites web d’écoles du supérieur. Bon, mea culpa, j’aurais du lire en entier au lieu de m’arrêter à l’insupportable combo de communicant du début. Je me rends donc sur le site de l’école qui est dans le screenshot accompagnant le CP. Bien vu, la fenêtre de chat est bien présente (pixellisée mais bien présente). Allons donc tester cette intelligence artificielle.

Première surprise, si le champ de saisie de texte est bien présent il n’est pas utilisable car il faut absolument cliquer sur “oui” ou “non”. Une intelligence artificielle qui ne serait pas capable de reconnaître “oui” ou “non” et quelques variantes ? Tout de même…

Deuxième surprise, si on a déjà bien compris qu’on pouvait oublier la reconnaissance de texte libre, il semble n’y avoir qu’un chemin pour “discuter” avec le bot. Il est d’ailleurs tellement bien conçu et intelligent qu’après avoir indiqué que nous étions en Bac+5 (ou 6, ça marche aussi) il nous indique comment donner plus de précision en proposant “Terminale”.

Je lui indique donc que je suis en Bac+6 en Première L à New York. Ce qui ne semble pas lui poser des problèmes.

“Ok je cherche ce que j’ai en stock pour vous”. Mais pas de réponse. A priori il doit envoyer ça par mail.

Il faut dire que le bot est tellement intelligent qu’il va réussir à m’envoyer les infos sans m’avoir demandé mon mail au cours de la “conversation”.

A ce niveau ce n’est plus de l’intelligence artificielle, c’est du génie.

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Thomas Gouritin

Expert IA et chatbots, product manager, vulgarisateur sur ma chaîne Regards Connectés #tech #IA #chatbots #marketing