Afrique : Le courage à l’assaut du fatalisme

Tristan Kochoyan
TurnThePowerOn
Published in
5 min readAug 2, 2016

On me demande souvent pourquoi j’ai choisi de lancer Power:On au Bénin. C’est un pays que peu de gens savent situer sur une carte. Et ceux qui le connaissent sont aussi ceux qui ont le plus de mal à comprendre pourquoi j’ai atterri là-bas…

Pour ceux qui ne savent pas où c’est

Voilà quelque chose de frappant : les Béninois sont extrêmement sévères avec leur pays. Ils sont les premiers à me mettre en garde sur ses faiblesses, ses lenteurs, la corruption, la mentalité supposément négative… Ils ont même inventé un mot pour caractériser cette dernière : la béninoiserie !

Il est vrai que le pays fait face à de nombreux défis. C’est un des pays les moins avancés selon la classification de l’ONU. La population souffre d’un manque criant d’infrastructures, une bonne partie des zones rurales est plongée dans la pauvreté, la vie n’est pas facile. J’en suis le témoin quand je suis à Igbérè, et même dans certains quartiers de Cotonou. C’est même en raison de ces difficultés que j’ai décidé de créer Power:On, dont la mission est d’apporter l’électricité aux villages les plus pauvres et les plus isolés du pays.

Mais ces constats ont donné naissance à une sorte de fatalisme. Devant une situation difficile, on m’explique ainsi souvent :« Les gens sont comme ça par ici, c’est terrible, ça ne changera jamais », « c’est l’Afrique et les Africains », « le pays va mal »… Le Président de la République lui-même a été jusqu’à parler d’un « État voyou » et d’un « désert de compétences »…

Cette sévérité de jugement sur tout un pays et tout un peuple interpelle, surtout de la part des Béninois eux-mêmes. Cela pourrait faire sourire si ce n’était pas aussi systématique. Plus inquiétant, certains Béninois ont vraiment l’air de prendre du plaisir à prononcer ces poncifs, à se complaire dans un forme de désolation critique et permanente. Cet exercice est sans issue : on critique pour critiquer, pour se défouler, on se lamente mais sans vraiment changer.

Les troubles-fêtes moins pessimistes, qui mettent plutôt en avant les progrès déjà réalisés, les bonnes nouvelles et les solutions existantes, sont aussitôt balayés : ils sont naïfs, corrompus ou ne connaissent tout simplement pas le pays. L’argumentation est difficile, car les responsables désignés sont nombreux : les politiques, les Béninois eux-mêmes, l’ancienne puissance coloniale…

Campagne à Igbérè

Pour l’observateur que je suis, la dernière campagne présidentielle a été marquante sur ce point. J’ai eu l’impression que les propos les plus négatifs étaient ceux qui plaisaient le plus. Ils trouvaient un écho chez une population déjà habituée à les entendre, et parfois à les prononcer. Les paroles plus optimistes m’ont semblé être accueillies avec beaucoup plus d’incrédulité.

Entre parenthèses, il est troublant de constater que les propos négatifs semblent cristalliser les opinions et faire recette quelle que soit la géographie. À cet égard, et toute proportion gardée, le parallèle avec la campagne américaine est saisissant : Trump et ses thèmes extrémistes et anxiogènes Vs. Clinton qui prend le contrepied optimiste. Pour le coup, on a vraiment l’impression de regarder Star Wars et la bataille entre le côté clair et le côté obscur…

Trump Vador/Dark Donald

C’est ici que mon esprit d’entrepreneur m’invite à couper court. Oui, il faut être conscient des difficultés. Le Bénin et l’Afrique en général ont du pain sur la planche. Mais il faut aussi réaliser que nous vivons aujourd’hui dans un monde qui n’a jamais été aussi facile à changer. Il faut décider de se positionner dans le camp de ceux qui agissent plutôt que dans celui de ceux qui se désolent. Cela demande du courage, et c’est d’ailleurs une des valeurs mise en avant dans mon Manifeste.

Aujourd’hui le monde entier parle de smart grids, de paiement mobile, d’énergies renouvelables. Tout cela a beaucoup de mal à se déployer en France et dans les pays développés parce que nous avons hérité d’infrastructures qui datent du siècle dernier et qui ne sont pas compatibles avec les technologies émergentes. Ces freins existent beaucoup moins en Afrique. La révolution numérique peut ainsi y produire ses effets bien plus fort et bien plus vite.

Regardons simplement du coté d’Igbérè : Power:On y a construit en 2015 le premier smart grid indépendant du pays, pour 3000 habitants. Avec un effectif de trois personnes ! Qui aurait cru il y a quelques années que presque tout le monde aurait un téléphone au village ? Une moto ? Un réseau électrique ? Pour ce qui est du paiement mobile, il a été inventé au Kenya ! Enfin, il me semble clair que le continent entier est doté d’un potentiel remarquable pour ce qui concerne les énergies renouvelables.

En route

En ce lendemain de 1er août, jour de la Fête Nationale et commémoration de l’Indépendance du Bénin, j’invite donc mes amis Béninois à un peu plus d’optimisme. Regardons vers l’avenir. Célébrons les opportunités plutôt que de regretter les erreurs passées et de chercher des responsables.

Nous sommes aujourd’hui dans un monde où chacun, à son niveau, peut initier un changement. Les compétences n’ont jamais été aussi faciles à acquérir, et le budget nécessaire pour se lancer n’a jamais été aussi bas.

Vous voulez apprendre à faire quelque chose pour changer le monde ? → Google, OpenClassrooms, Coursera, Udemy

Pour ma part, entrepreneur Français associé avec des Béninois : j’ai confiance.

Power:On électrifie les villages les plus isolés du Bénin.

Pour en savoir plus et nous soutenir :

==>WWW.PWR-ON.FR

--

--

Tristan Kochoyan
TurnThePowerOn

Bringing electricity to the poorest villages in Africa. Let’s go solar and solve this issue for good! ☀️ https://en.TURNTHEPOWERON.co