L’IA dans le processus de recrutement en 2023 : Points forts, limites et futur de la fonction de recruteur.
Dans un rapport récent nommé « The state of AI in 2023 : Generative AI’s breakout year », le cabinet de recherche en stratégie McKinsey met en évidence plusieurs données clés concernant l’adoption de l’intelligence artificielle en 2023.
Bien que l’utilisation d’outils basés sur l’IA soit en pleine démocratisation dans les domaines des ventes et du marketing (14%) et du développement de produits (13%), l’IA reste encore relativement peu exploitée au sein des départements des ressources humaines (3%), malgré son potentiel croissant dans la gestion RH.
Parmi les fonctions RH, le recrutement, la formation et le développement des talents émergent comme les trois domaines les plus susceptibles d’adopter l’IA. Dans le recrutement, l’IA est déployée pour automatiser des tâches telles que la sélection des candidats, la présélection des CV, la conduite d’entretiens et même la rédaction des fiches de poste.
Par exemple, depuis juillet 2023, Upwork, l’une des plus grandes places de marché dédiées au travail indépendant, offre à ses clients un générateur d’offres d’emploi basé sur de l’intelligence artificielle afin de faciliter la création d’annonces pour des millions d’employeurs (1).
Dans la formation et le développement des talents, l’IA est avant tout utilisée pour créer des programmes de formation personnalisés, évaluer les compétences des employés et fournir des conseils en matière de développement professionnel.
Richard McColl, Vice-président et Leader de la Talent Technology Practice chez IBM explique :
“Nous entamons à peine notre exploration d’une nouvelle frontière où l’intelligence artificielle a le potentiel d’accompagner les travailleurs dans une croissance continue et l’amélioration de leurs performances. L’avenir réserve des améliorations significatives avec des outils de coaching IA fiables fournissant des recommandations quasi-instantanées sur la performance.”(2)
Dans cet article, nous examinerons comment l’intelligence artificielle impacte le processus de recrutement en examinant ses points forts et ses limites. Nous apporterons aussi des conseils pratiques aux professionnels des ressources humaines afin d’optimiser l’utilisation de l’intelligence artificielle.
L’intelligence artificielle : vers une révolution dans le processus de recrutement.
Le développement de l’intelligence artificielle dans le domaine des ressources humaines facilite le travail des recruteurs en automatisant et améliorant certaines étapes préalables du processus de recrutement. Par exemple, l’utilisation de systèmes d’analyses comportementales basés sur l’IA facilite l’évaluation des candidats lors des entretiens. Des algorithmes d’apprentissage automatiques optimisent aussi le tri des candidatures en identifiant les profils les plus pertinents, accélérant ainsi le processus de présélection.
L’entreprise Deloitte note lors d’une étude effectuée en 2022, que :
“22% des entreprises les plus performantes automatisent une partie de leur processus de recrutement, contre 6% des organisations les moins performantes”(3)
Si l’automatisation des tâches répétitives, telles que la présélection des CV, la planification des entretiens, ou encore la communication avec les potentiels candidats, a débuté bien avant l’IA, elle semble désormais pouvoir être effectuée de manière plus rapide et plus fiable grâce à des modèles plus sophistiqués basés sur l’IA.
Contrairement à un simple algorithme, l’intelligence artificielle a la capacité d’analyser diverses sources de données, telles que le CV et le profil LinkedIn d’un candidat, pour identifier non seulement les compétences clés (hard skills et soft skills) et l’expérience passée, mais également la personnalité et les traits comportementaux du candidat.
Ces gains en efficacité permettent aux professionnels des ressources humaines de se concentrer sur des activités plus stratégiques.
L’entreprise Isarta spécialiste des emplois en marketing et communication, note ainsi lors d’une étude effectuée en 2023, que :
“85% des entreprises utilisent l’IA pour gagner du temps et augmenter leur efficacité”. (4)
Cependant, bien que l’automatisation du recrutement grâce à l’IA accélère certaines étapes, la rapidité ne garantit pas nécessairement de meilleurs résultats. Les biais présents dans les données d’entraînement, ainsi que l’incapacité à analyser de manière adéquate des profils plus atypiques, peuvent compromettre la qualité des décisions prises par l’intelligence artificielle dans le processus de recrutement.
Le futur de la fonction de recruteur face à l’IA
À l’heure où l’intelligence artificielle (IA) prend une place de plus en plus prépondérante dans le processus de recrutement, des questions émergent quant à la pérennité du métier de recruteur. Est-il susceptible de disparaître dans les années à venir ?
Lionel Prud’hommes, directeur de l’école IGS-RH Paris rejette cette vision jugée trop réductrice. Pour lui :
“dans ses applications pour la fonction RH, l’IA doit être une aide à la décision”.
Toutefois, des préoccupations émergent quant aux possibles biais algorithmiques. En effet, lorsque l’IA est formée sur des modèles préexistants reflétant des préjugés et des inégalités sociétales, celle-ci peut involontairement discriminer certains candidats.
Ben Winters, chargé de l’IA et des droits de l’homme à l’Electronic Privacy Information Center souligne :
“qu’il est très difficile de s’assurer qu’un logiciel d’IA n’est pas intrinsèquement biaisé ou n’a pas d’effets biaisés”. (5)
Le risque de biais dans l’IA peut avoir des conséquences significatives, notamment en renforçant et en perpétuant les discriminations existantes. Par exemple, dans le contexte des processus de recrutement automatisés, un modèle d’IA pourrait favoriser certains candidats au détriment d’autres en se basant sur des caractéristiques non pertinentes pour les compétences requises pour le poste.
Pour atténuer ces préoccupations, il est essentiel de mettre en place des processus de transparence et de responsabilité dans le développement et l’utilisation des systèmes d’IA. Cela implique de sélectionner soigneusement les ensembles de données d’entraînement, de mettre en œuvre des mécanismes de vérification régulière des biais, et de garantir la diversité et la représentativité au sein des équipes travaillant sur ces technologies.
L’IA un investissement rentable dans la fonction RH?
Comme nous l’avons vu précédemment, l’IA a démontré sa capacité à automatiser des tâches fastidieuses telles que la présélection des CV et la planification d’entretiens. Toutefois, il est crucial d’évaluer attentivement le retour sur investissement (ROI) de ces solutions, en tenant compte des coûts de réalisation, de formation du personnel, et de maintenance continue.
Le tableau ci-dessous associe à chaque objectif spécifique des métriques à suivre pour l’évaluation du ROI.
Prenons l’exemple d’une organisation fictive : ABC, qui souhaite réduire son taux de rotation du personnel. Afin d’atteindre cet objectif, l’entreprise identifie plusieurs leviers clés :
· Améliorer la motivation des collaborateurs
· Offrir des opportunités de carrière attrayantes
Pour améliorer la motivation de ses collaborateurs, la direction souhaite perfectionner l’expérience employée en mettant en place un chatbot pour faciliter les interactions et fournir des réponses rapides et personnalisées aux questions des salariés.
En effet, les collaborateurs expriment des préoccupations concernant les délais de réponse excessifs du service des ressources humaines. De plus, le site intranet présente une complexité d’utilisation et ne propose pas de fonction de recherche centralisée, ce qui complique l’accès à l’information.
Pour évaluer le retour sur investissement (ROI) de cette initiative, la direction opte pour la collecte des données suivantes :
· Taux de rétention des employés
· Taux de satisfaction des employés lors des enquêtes annuelles
Grâce aux données fournies par le service financier, l’entreprise attribue une valeur monétaire à l’augmentation de la rétention des employés :
· Une augmentation de 1% de la rétention équivaut à 25,000 EUR.
· Une augmentation de 5% de la satisfaction se traduit par une augmentation de 5% de la productivité, ce qui représente 5% de la masse salariale, soit 50,000 EUR.
L’entreprise peut désormais se servir d’études de cas spécifiques à son industrie pour estimer ces données et les convertir en termes financiers. ABC estime que le chatbot :
· permettra d’augmenter la rétention de 10 %
· permettra d’augmenter la satisfaction de ses employés de 30 %
L’entreprise évalue ainsi un retour sur investissement (ROI). Cette valeur financière servira à informer une éventuelle décision d’investissement.
Malgré l’attrait apparent de l’IA, il est crucial de se rappeler que les coûts liés à sa mise en œuvre peuvent parfois être considérablement élevés. Il est donc impératif d’évaluer de manière objective le retour sur investissement (ROI) d’un projet d’IA. Une analyse rigoureuse du ROI joue un rôle essentiel dans la prise de décisions concernant la poursuite, l’ajustement ou l’abandon de projets d’IA au sein de la fonction RH. Cela garantit une utilisation judicieuse des ressources et une maximisation des bénéfices pour l’organisation.
Conclusion
En résumé, l’intelligence artificielle (IA) dans le recrutement offre des avantages en automatisant des tâches, mais pose des défis liés aux biais algorithmiques. Le futur implique une collaboration entre l’IA et les professionnels des ressources humaines. En termes d’investissement, il est crucial d’évaluer le retour sur investissement afin de justifier l’efficacité et la rentabilité des solutions basées sur l’IA.
Sources :