Crédit photo : Bruno Gasperini

Peut on être Bisounours au pays des licornes ?

Vanessa Canciani
4 min readMar 28, 2017

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“On ne vit pas au pays des bisounours !”
Ce slogan, repris maintes fois par les personnalités publiques, a vocation à remettre les pieds sur terre.
La crise économique, les extrémismes politiques, le marasme ambiant, clairement nous sommes loin de la guimauve et des arcs-en-ciel.
Cette image d’êtres crédules et naïfs, dont notre Président actuel n’est pas épargné, est souvent mise en avant pour vanter les vertus du pragmatisme, comme on pourrait brandir un crucifix, et pourtant.

Sommes nous tous des bisounours ?

Ces petits oursons vivent dans le pays des nuages. Là où il fait toujours beau
(bien que d’un point de vue physique, la présence d’arc-en-ciel nécessite de la pluie).
Cet optimiste notoire déroute. Affichez en toutes circonstances un sourire et vous passerez pour un idiot.
Voir la vie en couleur, garder espoir en l’humain, avoir des rêves, est-ce utopique ?
Je ne crois pas.

“Je suis Charlie” (et tous les autres) témoigne bien du rejet de la barbarie.
Qui pourrait vouloir la violence, la haine, se couper de toutes interactions avec les autres ?

Nous sommes aujourd’hui ultra connectés. A l’information, au monde entier. Et pourtant, nous n’avons jamais été aussi déconnectés des autres.
Les initiatives créatrices de lien social sont généralement très bien accueillies. Ah oui, c’est bien, ça plait.
Je le sais, c’est le coeur de mon activité.

Comme tout bon entrepreneur, j’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice.
Permettre aux gens de se retrouver, rompre l’isolement, découvrir, partager.
Nous prônons l’entraide, le soutien et forcément la générosité.
Sans penser à l’adage “trop bon, trop c..”, nous voulions diffuser des savoirs, des découvertes.
(Pour comprendre de quoi je parle, tu peux découvrir mon activité en cliquant ici)
Mais contre toute attente, nous avons plutôt rencontrer de la méfiance.
La gratuité comme signe de médiocrité ou de manque de légitimité.
Mauvaise idée.

Oui mais j’y ai crû.
Encouragée par les élans de solidarité et d’empathie.
#Melanielafait, suivi par des millions de personnes, ne serait pas la preuve que les gens sont touchés par l’accomplissement d’un rêve, l’acceptation de la différence (l’humain avant tout) ?
Martin Luther King doit être aux anges (ou plutôt au pays des bisounours)

Alors oui, j’ai moi aussi un rêve. Que la qualité soit érigée en norme, que l’attention soit portée sur la source du changement, qu’au lieu de réparer des adultes brisés, on cherche à prévenir en élevant des enfants solides.
L’éducation n’est-elle pas l’arme la plus puissante pour changer le monde ?
(Cette phrase n’est pas de moi. Rendons à César ce qui lui appartient — Nelson Mandela)

Alors comment concilier objectif de rentabilité économique et volonté de changer le monde ?

La licorne peut changer le monde !

Prenons un arc-en-ciel magique pour aller dans le monde de la Silicon Valley, où cet animal imaginaire est une expression qualifiant une start up valorisée à plus d’un milliard de dollars.
Un monde dans lequel “Sky is the limit”
(toute allusion aux nuages des bisounours est purement fortuite)

Etait-il nécessaire d’attribuer à un cheval un élément phallique comme symbole d’un égo sans commune mesure ? Je m’interroge, mais là n’est pas la question.
Devenir une licorne est le rêve, parfois inavoué, de beaucoup d’entrepreneurs.
Voilà ce qui anime les startupeurs, ces êtres hypomaniaques (non je ne parle pas de maladie mentale, quoi que, cf cet article). Dans une course frénétique à l’ubérisation, où seules les têtes tirent leur épingle du jeu, tout le monde s’en donne à coeur joie. Allant même jusqu’à des levées de fond parfois démesurées, peu importe le manque éventuel de rentabilité, Sky is the limit!
Fusée, espace, on est bien au dessus des nuages des bisounours.
Une ascension rapide, sans limite, à coups de stagiaires bénévoles et de KPI indécents, au pire, il y a le Prozac pour tenir. Et ceux qui ne tiennent pas, ce n’est pas grave mais on n’en parle pas. Ca ferait tâche parmi les paillettes.

Mais redescendons sur terre. Dans la crise toussa toussa.
Un retour à des valeurs économes, minimalistes, voire même écologiques. Par nécessité ou prise conscience, peu importe. Ces adeptes (attention, les allures de secte ne sont pas loin) se surnomment également des “licornes”, pourtant à des années lumières de la startup en orbite.

Un fonctionnement licornesque, plus slow

SLOW (mot valide au Scrabble, 1 chance sur 144) a conduit à plusieurs mouvements.
Du mouvement Slow food depuis les années 80 pour “sensibiliser les citoyens à l’écogastronomie et à l’alterconsommation” (traduction, une cuisine saine et éthique); à la Slow cosmétique (terme inventé par Julien Kaibeck) pour des produits cosmétiques sains et éthiques ; en passant par la Slow fashion ou la Slow parentalité imaginée par Mélanie Schmidt Ulmann pour éviter le burn out maternel. En fait, cela va bien plus loin que ça mais on comprend bien l’idée de donner du sens et éviter la course et ses terribles conséquences. A quand la “slow up”, une entreprise rentable, humaine et éthique ?

La start up porte dans son nom l’idée de course, de growth. La nécessité d’être “bankable”, quitte à augmenter la pression, distordre ses valeurs, se plier aux investisseurs. Peu importe le potentiel, seul le prisme financier compte. Jusqu’à la prochaine levée.

A l’ère du digital, dans une société en pleine mutation, le modèle de lean start up semble pourtant adapté. Tester son marché, pivoter. A l’écoute des gens, de leur besoin. En prenant le temps de répondre à des enjeux sociétaux.

Et si c’était ça l’innovation ?

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Vanessa Canciani

Entrepreneur, passionnée, rêveuse, idéaliste et un peu zébrée. CEO & founder AYNIL DISTRIB #AllYouNeedIsLove