Ne pas avoir une unique vocation/passion ne fait plus de moi un raté qui se cherche

Vincent Baudry
4 min readJun 24, 2016

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Avant-hier, après avoir posté ceci, j’ai eu quelques échanges avec un ami, qui me soumettait l’idée que mon besoin de routine était sûrement lié au fait que je me cherchais encore et que je n’avais pas encore trouvé ma vraie passion. Mon premier réflexe a été de penser, comme souvent, “il a peut-être raison”. Ca ne changeait pas trop ma détermination à voir les bienfaits d’une routine pour la manière dont j’étais câblé niveau motivation / surintellectualisation ( d’ailleurs ça se passe pour l’instant très bien je vous remercie ), mais je me suis encore une fois retrouvé à penser “Pourquoi est-ce que je change de passion tous les trois ans ?”. Quand ce n’est pas tous les six mois. Qu’est ce qui cloche avec ma manière de fonctionner ?

Hier je suis tombé sur ce post d’ Anne-Laure Fréant ici sur Medium. Par un très heureux hasard algorithmique. Le titre invoquant des “multi-potentiels” m’a intrigué. Puis j’ai lu son article, et je me suis retrouvé dans beaucoup de points, même si sur certains ma vision ou mon ressenti diffère un peu — en dehors d’avoir une passion commune pour le multi-apprentissage, on a forcément pas tous le même caractère et des besoins totalement identiques, heureusement.

Mais surtout c’est la première fois que je lisais ce terme de “multi-potentiels”, et ça m’a intrigué. Je ne serais donc pas membre d’une espèce extrêmement rare de gens qui ont une passion à plusieurs têtes. Je ne suis peut-être pas une anomalie psychologique.

En fouillant un peu je suis ensuite tombé sur quelques articles clarifiant le terme et sur ce TED Talk de Emilie Wapnick.

Et là j’ai carrément jubilé. Déjà car je me reconnais dans tous les points évoqués, à différents niveaux. J’ai par exemple repensé à ce post que j’ai fait quand j’ai quitté mon job précédent et dans lequel j’expliquais que je comptais creuser la photographie, la musique, la vidéo, l’écriture, la traduction, et la formation. Et auquel un ami (qui se reconnaîtra surement vu qu’il me lit ici, hein Fab) s’est senti obligé de répondre “Tu as oublié point de croix et canevas”. J’ai aussi repensé à mes placards que j’essaye de vider depuis des mois à coup d’annonces sur LBC, qui contiennent tous les cadavres et restes de mes envies et passions précédentes : rollers, raquettes de tennis, raquettes de squash, combinaison de natation, chaussures de foot en salle, équipement d’escalade, vélo de course, tenue de kung-fu. De quoi ouvrir un magasin de sport. Sans parler des milliers d’euros investis dans des passions beaucoup plus coûteuses comme la guitare ou l’enregistrement.

Et surtout, j’ai repensé à ces fois où, après avoir passé trois ans à devenir un ingénieur du son convenable, après être devenu un expert reconnu en informatique, ou après avoir passé deux ans à investir tout mon temps libre pour faire marcher mon groupe de musique, j’ai plus ou moins soudainement perdu tout intérêt pour ces choses. Et je suis rentré en semi-dépression en me demandant ce qui n’allait pas chez moi. Certains de mes amis talentueux dans ces domaines étant des spécialistes, ils ne m’ont pas vraiment aidé, me renvoyant, explicitement ou implicitement, l’image que j’ abandonnais un peu facilement. Pourtant chaque fois dans ma vie où je me suis forcé à poursuivre une voie dans laquelle j’avais perdu de l’intérêt, il n’en est jamais ressorti grand chose de bon. Je pensais qu’il me fallait encore trouver LA bonne voie et j’en étais abattu.

Pourquoi quand je commençais à maitriser quelque chose je perdais soudain tout intérêt pour elle ? Et pourquoi est-ce qu’en regardant mon entourage j’avais la plupart du temps l’impression d’être une exception ? De devoir régulièrement remettre tout mon contexte en question ? De n’être excité que par la nouveauté permanente ?

Même si j’en étais venu avec le temps à accepter cet état de fait et à en tenir compte, professionnellement ou dans mes hobbies, je pensais encore au fond de moi que devoir le subir et le gérer faisait de moi une anomalie. Un névrosé. Incapable d’être normal.

Même si la découverte de cette notion de “multi-potentialité” ne résout rien magiquement à mes questionnements immédiats et à long terme, elle m’a apporté quelque chose de vital :

J’ai l’impression à nouveau de faire partie d’une forme de normalité.

En courant tout à l’heure je me suis souvenu de l’époque où je regardais Le Caméléon à la télé quand j’étais adolescent. Excusez-moi mais à l’époque il n’y avait pas Black Mirror, Utopia, ou Louie sur M6 hein… Bref. Je me rappele qu’à ce moment, où mes plus grands accomplissements se résumaient à avoir écrit quelques textes de rap, mémorisé frénétiquement les lyrics américains d’une trentaine de morceaux, avoir dessiné ( très mal ) une parodie de DBZ avec mes copains dedans ou encore avoir des notes convenables en en branlant pas une, j’avais pas mal fantasmé sur le fait de me voir un peu comme Jarod. Bien sûr je savais que je n’étais pas capable de pratiquer une chirurgie à coeur ouvert dans l’heure qui suit. Mais je me voyais bien pouvoir en quelques heures/jours/semaines apprendre les termes basiques et la culture générale d’un domaine même technique. Suffisamment pour tromper mon monde comme il le faisait, et échapper à mes enemis maléfiques. A l’époque, Jarod était un peu une figure dans laquelle je pouvais me projeter. Son super-pouvoir résonnait inconsciemment en moi. Maintenant je comprends un peu mieux pourquoi.

Je vous laisse, il faut que j’aille construire une fusée après avoir appris à faire des macarons. Et il faut que je me dépêche car ce soir j’ai mon premier marathon. Je cours depuis quatre jours je pense que ça va bien se passer.

Si cette notion de multipotentialité vous intéresse n’hésitez pas à faire un tour sur le site qu’ Emilie Wapnick consacre au sujet : http://puttylike.com/

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Vincent Baudry

French photographer / videast ( http://vincentbaudry.com ). J'écris un peu, je me questionne beaucoup, j'agis parfois.