Femmes et harcèlement de rue — Quelle définition ?

WomenWalk
5 min readJun 27, 2018

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Le harcèlement de rue, ça dit vaguement quelque chose à vaguement tout le monde. Le terme est plutôt vaste et sa définition n’a l’air que très fluctuante. C’est d’abord un sujet que l’on dit traité uniquement par les “Femens”. “Endurcies, extravagantes, provocatrices et extrémistes”. Pourtant si l’on en croit les chiffres, pas loin de 100% des femmes en ont été victimes. Alors heureusement, la parole se libère. Depuis les affaires Weinstein, depuis #balancetonporc, les femmes se lancent, les femmes osent, les femmes se scandalisent. Mais dans ce cas pourquoi est-ce que la définition du harcèlement de rue reste toujours aussi vague ?

@ProjetCrocodiles — Tumblr

Alors que je tentais de m’éclairer sur cette question, je suis tombée sur le site officiel du Service-public.fr, espérant qu’eux au moins sauraient m’orienter sur les démarches à suivre en tant que victime, quelle n’a pas été ma surprise, lorsque je me suis rendu compte que le harcèlement de rue n’était pas mentionné comme un harcèlement à part-entière. En effet, dans la liste figurent : “le harcèlement téléphonique, le harcèlement moral au travail, et le harcèlement sexuel”. Nous retrouverons cependant, en mention dans ce dernier, cette phrase : “ [Le harcèlement sexuel] peut par exemple s’agir d’un harcèlement dans la rue.” De quoi se sentir en confiance, et réellement informé·e. Bref, impossible de me servir d’eux, donc, pour trouver ma définition.

J’ai alors décidé de me lancer. Après avoir fait le tour de divers sites tels que StopHarcèlementDeRue, Lesbeton, bafe, et madmoiZelle, et après avoir regardé des vidéos de témoignages comme celles de TedX, j’ai ressorti quelques éléments récurrents. D’abord, le harcèlement de rue est une violence, qu’elle soit à caractère sexuel, sexiste, raciste, grossophobe, transphobe, ou autre. Lorsque l’on est une femme, il est caractérisé par des propos violents, sexualisés, par des attitudes menaçantes et des gestes déplacés. Les expériences recensées, elles, vont du simple commentaire qui se veut flatteur, à l’agression sexuelle, en passant par les insultes. Ces derniers, commentaires ou insultes, ne sont pas seulement destinés aux femmes qui “plaisent” au harceleur. En effet, lorsque vous n’êtes pas à son goût, ils fusent tout autant, faisant remarquer à quel point votre physique ne correspond pas à son idéal.

Ainsi, toutes les femmes, de tous les milieux sociaux, de toutes les zones géographiques, rurales et urbaines, de toutes tailles, apparences, origines, étant blanches, racisées, portant le voile, la mini-jupe ou le jean taille haute, vivent le harcèlement de rue, même s’il peut prendre des formes différentes.

Une ambiance, pas accueillante, qui nous plonge dans un environnement où 50% de la population n’est pas à l’aise, et où la domination masculine est évidente. Un exemple intéressant a été donné par Anaïs Bourdet dans son TedX “J’en ai marre d’être une femme : le harcèlement de rue”. Partout, dans la rue, on voit des hommes qui stagnent, adossés à un mur, au pied d’un bar, ou même debout dans la rue… Est-ce que vous voyez souvent des femmes faire la même chose ? Une femme a le sentiment de ne devoir que passer dans l’espace public. Dans le cas où il lui arriverait d’attendre, par exemple qu’un·e copain·ine sorte de chez lui·elle, elle est aussitôt traversée par la peur de donner l’impression d’être disponible. Alors pour éviter cela, elle marche. Rapidement, allant droit au but, et s’accordant rarement le loisir de flâner. Le soir, c’est pire. A ce moment-là, il faut mobiliser tous vos sens, la ville déjà hostile en journée devient une jungle. Vous évitez la musique dans les oreilles, pour être toute ouïe, vous mettez vos clés en “Wolverine” pour pouvoir vous défendre, vous regardez derrière vous toutes les 30 secondes, pour prévenir d’un éventuel suiveur, tout ça, en traçant droit devant à grands pas. Jusque devant le pallier de la porte, la sensation d’être en danger vous tenaille.

De fait, les hommes et les femmes n’expérimentent pas l’espace public de la même manière. Bien sûr tous peuvent vivre les agressions, mais elles ne s’adresseront pas au groupe, elles ne seront pas genrées.

Ces comportements, on les intègre malheureusement depuis l’enfance, au point de ne pas toujours se rendre compte qu‘ils ne sont pas normaux. Pour changer tout cela, il est nécessaire de faire évoluer les mentalités, changer les “habitudes” et invalider les acquis. Tout passe par des initiatives collectives et des changements individuels. Il est par exemple grand temps d’arrêter d’apprendre aux filles à se méfier, d’arrêter de leur apprendre à avoir peur. Au contraire, laissons-les être audacieuses. Ne les culpabilisons plus. Changeons cette société pour laquelle il semble normal de demander à une fille comment elle était habillée lorsqu’elle a été violée. Personne ne cherche à vivre une violence pareille, personne ne peut la justifier par des vêtements. Le corps d’une femme n’est pas à disposition, il n’est pas là pour plaire ni être validé, de même qu’un homme n’est pas un animal incapable de se retenir dans la satisfaction de ses besoins primaires. Il n’est ni prisonnier, ni tourmenté par ses hormones.

Finalement, ce que j’aurai retenu de mes recherches sur le harcèlement de rue, hormis le fait que chaque témoignage se ressemble, malgré des vécus différents, c’est qu’il est un peu comme un voisin envahissant qui empiète sans ménagement sur vos plates bandes. Qui rentre chez vous et se sert dans le frigo. Parfois, en plus de ça, il manifeste un comportement dangereux et agressif. En fait, le harcèlement de rue, c’est une privation de liberté. Et pourtant, ce n’est pas comme si on ne nous avait pas prévenu·es que la liberté des uns, s’arrête là où celle des autres commence.

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Réseau de femmes destiné à changer les choses, WomenWalk combat le harcèlement de rue et la peur de sortir seule !