COVID-19, votre communauté, et vous
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Écrit le 9 mars 2020 par Jeremy Howard and Rachel Thomas
Traduction en français par Patrick Jayet et deepl.com. Article original.
Nous sommes des data scientists, c’est-à-dire que notre travail consiste à comprendre comment analyser et interpréter les données. Lorsque nous analysons les données relatives au COVID-19, nous sommes très inquiets. Les personnes les plus vulnérables de la société, les personnes âgées et les démunis, sont les plus exposées. Pour contrôler la propagation et l’impact de la maladie, nous devons tous changer notre comportement. Lavez-vous les mains soigneusement et régulièrement, évitez les groupes et les foules, annulez les événements et ne vous touchez pas le visage. Dans ce billet, nous expliquons pourquoi nous sommes inquiets, et pourquoi vous devriez l’être également. Pour un excellent résumé des informations clés que vous devez connaître, lisez Corona in Brief d’Ethan Alley (le président d’une association à but non lucratif qui développe des technologies pour réduire les risques de pandémie).
Nous avons besoin d’un système médical qui fonctionne
Il y a un peu plus de deux ans, l’une d’entre nous (Rachel) a contracté une infection cérébrale qui tue environ un quart des personnes qui en sont atteintes et qui laisse un tiers des personnes atteintes avec des troubles cognitifs permanents. D’autres se retrouvent avec des lésions visuelles et auditives permanentes. Rachel était en plein délire lorsqu’elle a traversé à quatre pattes le parking de l’hôpital. Elle a eu la chance de recevoir rapidement des soins, un diagnostic et un traitement. Jusqu’à peu de temps avant cet événement, Rachel était en très bonne santé. Le fait d’avoir pu accéder rapidement aux urgences lui a presque certainement sauvé la vie.
Maintenant, parlons du COVID-19, et de ce qui pourrait arriver aux personnes dans la situation de Rachel dans les semaines et les mois à venir. Le nombre de personnes infectées par le COVID-19 double tous les 3 à 6 jours. Avec un taux de doublement de trois jours, cela signifie que le nombre de personnes infectées peut être multiplié par 100 en trois semaines (ce n’est pas aussi simple, mais ne nous laissons pas distraire par les détails techniques). Une personne infectée sur dix doit être hospitalisée pendant plusieurs semaines, et la plupart d’entre elles ont besoin d’oxygène. Bien qu’il soit encore très tôt pour ce virus, il existe déjà des régions où les hôpitaux sont entièrement débordés, et les gens ne peuvent plus recevoir le traitement dont ils ont besoin (non seulement pour le COVID-19, mais aussi pour tout autre chose, comme les soins vitaux dont Rachel avait besoin). Par exemple, en Italie, où il y a une semaine à peine, les autorités affirmaient que tout allait bien, seize millions de personnes ont été mis en quarantaine et des tentes comme celle-ci sont déployées pour aider à gérer l’afflux de patients.
Le Dr Antonio Pesenti, chef de l’unité régionale de réponse aux crises dans une région durement touchée d’Italie, a déclaré : “Nous sommes maintenant obligés de mettre en place des soins intensifs dans des couloirs, des salles d’opération, des salles de réveil… L’un des meilleurs systèmes de santé au monde, en Lombardie, est à deux doigts de s’effondrer”.
Ce n’est pas comme la grippe
La grippe a un taux de mortalité d’environ 0,1 %. Marc Lipsitch, le directeur du Center for Communicable Disease Dynamics à Harvard, estime que pour le COVID-19, il est de 1 à 2 %. La dernière modélisation épidémiologique a révélé un taux de 1,6 % en Chine en février, soit seize fois plus que pour la grippe [1] (ce chiffre pourrait toutefois être assez conservateur, car les taux augmentent beaucoup lorsque le système médical ne peut pas faire face). Les meilleures estimations actuelles prévoient que le COVID-19 tuera 10 fois plus de personnes cette année que la grippe (et la modélisation d’Elena Grewal, ancienne directrice de la science des données chez Airbnb, montre qu’il pourrait être 100 fois plus élevé, dans le pire des cas). Ceci avant de prendre en considération l’impact énorme sur le système médical, tel que celui décrit ci-dessus. Il est compréhensible que certaines personnes essaient de se convaincre qu’il ne s’agit pas d’une nouveauté, d’une maladie qui ressemble beaucoup à la grippe, car il est très inconfortable d’accepter la réalité que cela ne nous est pas du tout familier.
Essayer de comprendre intuitivement une croissance exponentielle du nombre de personnes infectées n’est pas quelque chose que notre cerveau est conçu pour gérer. Nous devons donc analyser cela en tant que scientifiques, et non en utilisant notre intuition.
Chaque personne qui a la grippe infecte en moyenne 1,3 autres personnes. C’est ce que l’on appelle la valeur “R0” de la grippe. Si R0 est inférieur à 1,0, l’infection cesse de se propager et disparaît. Si elle est supérieure à 1,0, elle se propage. R0 du COVID-19 en dehors de la Chine est actuellement entre 2 et 3. La différence peut sembler faible, mais après 20 “générations” de personnes infectées qui se transmettent à leur tour leur infection, un R0 de 1,3 entraînerait 146 infections, mais un R0 de 2,5 entraînerait 36 millions d’infections ! (Il s’agit, bien sûr, d’un chiffre très approximatif qui ne tient pas compte de nombreux effets liés au monde réel, mais c’est une illustration raisonnable de la différence relative entre le COVID-19 et la grippe, sans considérer les autres paramètres).
Notez que la valeur R0 n’est pas une propriété fondamentale d’une maladie. Il dépend fortement de la réponse et peut changer au fil du temps. En Chine notamment, le R0 du COVID-19 a fortement diminué et approche maintenant la valeur 1,0 ! Comment est-ce possible, demandez-vous ? En mettant en place des mesures à une échelle qu’il serait difficile à imaginer dans un pays comme les États-Unis, en bouclant entièrement de nombreuses mégapoles et en mettant en place un processus de dépistage qui permet de tester plus d’un million de personnes par semaine.
Une chose qui revient souvent sur les médias sociaux (y compris de la part de comptes très suivis comme celui d’Elon Musk) est la méconnaissance de la différence entre croissance logistique et croissance exponentielle. La croissance “logistique” fait référence au modèle de croissance en “s” de la propagation de l’épidémie dans la pratique. Il est évident que la croissance exponentielle ne peut pas durer éternellement, car sinon il y aurait plus de personnes infectées que de personnes dans le monde ! Par conséquent, le taux d’infection doit finir par diminuer, ce qui se traduit par un taux de croissance en “s” (connu sous le nom de sigmoïde) au fil du temps. Cependant, la fin de la croissance se produit que pour une raison — ce n’est pas de la magie. Les principales en sont les suivantes :
- Une réponse massive et efficace de la communauté, ou
- Le pourcentage de personnes infectées est si important qu’il y a moins de personnes non infectées à qui la maladie peut être transmise.
Il n’est donc pas approprié de se fier au schéma de croissance logistique comme moyen de “contrôler” une pandémie.
Un autre élément rend difficile la compréhension intuitive de l’impact du COVID-19 dans votre communauté: il y a un délai très important entre l’infection et l’hospitalisation — généralement autour de 11 jours. Cela peut sembler court, mais si vous comparez ce délai au nombre de personnes infectées pendant cette période, cela signifie qu’au moment où vous remarquez que les lits d’hôpitaux sont pleins, la progression de la maladie en est déjà à un niveau auquel il y aura 5 à 10 fois plus de personnes à traiter.
Notez que certains signes précurseurs indiquent que l’impact dans votre région peut être au moins quelque peu dépendante du climat. Le document intitulé “Analyse de la température et de la latitude pour prévoir la propagation potentielle et la saisonnalité de COVID-19” souligne que la maladie s’est jusqu’à présent propagée sous des climats doux (malheureusement pour nous, la plage de température de San Francisco, où nous vivons, se situe dans cette fourchette ; elle couvre également les principaux centres de population d’Europe, y compris Londres).
“Ne paniquez pas. Restez calme” n’est pas utile
Une réponse courante que nous avons vue sur les médias sociaux, aux personnes qui signalent les raisons de s’inquiéter, est “ne paniquez pas” ou “restez calme”. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cela n’est pas utile. Personne ne suggère que la panique est une réponse appropriée. Pour une raison qui nous échape, “rester calme” est une réaction très populaire dans certains milieux (mais pas parmi les épidémiologistes, dont le travail consiste à suivre ce type de développement). Peut-être que “rester calme” aide certaines personnes à se sentir mieux face à leur propre inaction, ou leur donne un sentiment de supériorité par rapport à des personnes qu’elles imaginent courir partout comme un poulet écervelé.
Mais “garder son calme” peut facilement conduire à un manque de préparation et de réactivité. En Chine, des dizaines de millions de personnes ont été mis en quarantaine et deux nouveaux hôpitaux ont été construits avant d’atteindre les chiffres actuellement en vigueur aux États-Unis. L’Italie a attendu trop longtemps, et aujourd’hui même (dimanche 8 mars), elle a signalé 1492 nouveaux cas et 133 nouveaux décès, malgré le confinement de 16 millions de personnes. D’après les meilleures informations dont nous disposons à ce stade, l’Italie était dans la même position que les États-Unis et le Royaume-Uni (en termes de statistique d’infection) il y a seulement 2 à 3 semaines.
Notez qu’à ce stade, presque tout ce qui concerne le COVID-19 relativement incertain. Nous ne savons pas à coup sûr quelle est la vitesse d’infection ou le taux de mortalité, nous ne savons pas combien de temps le virus reste actif sur les surfaces, nous ne savons pas si la maladie perdure et se propage dans des climats chauds. Tout ce dont nous disposons sont les meilleures suppositions basées sur les meilleures informations que les gens ont été capables de rassembler jusqu’à aujourd’hui. Et n’oubliez pas que la grande majorité de ces informations proviennent de Chine et sont rédigées en chinois. Actuellement, la meilleure façon de comprendre l’expérience chinoise jusqu’à présent est de lire l’excellent rapport de la mission OMS-Chine sur les maladies à coronavirus 2019, basé sur une mission conjointe de 25 experts nationaux et internationaux de Chine, d’Allemagne, du Japon, de Corée, du Nigeria, de Russie, de Singapour, des États-Unis d’Amérique et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Lorsqu’il y a un certain doute que cela ne sera peut-être pas une pandémie globale, et que tout pourrait peut-être passer sans que le système hospitalier ne s’effondre, cela ne signifie pas que la bonne réponse consiste à ne rien faire. Cela serait très spéculatif et ce ne serait pas une réponse appropriée selon les scénarios probables de modélisation de la pandémie. Il semble également peu probable que des pays comme l’Italie ou la Chine arrêtent brutalement une partie importante de leur économie sans raison valable. Cela ne correspond pas non plus aux impacts réels que nous constatons sur le terrain dans les zones fortement affectées, où le système médical est incapable de faire face (par exemple, l’Italie utilise 462 tentes pour le “pré-triage” et doit encore déplacer les patients des unités de soins intensifs des zones affectées).
La réponse réfléchie et raisonnable consiste plutôt à suivre les mesures recommandées par les experts pour éviter la propagation du virus :
- Éviter les regroupements et foules
- Annuler les événements
- Pratiquer le télétravail, si possible
- Se laver les mains au moment de quitter son domicile et d’y retourner, et fréquemment à l’extérieur
- Évitez de se toucher le visage, surtout lors d’un déplacement à l’extérieur de son domicile (pas facile !)
- Désinfectez les surfaces et les emballages (il est possible que le virus reste actif pendant 9 jours sur ces supports, bien que cela ne soit pas encore connu avec certitude dans un cas comme dans l’autre).
Il ne s’agit pas seulement de vous
Si vous avez moins de 50 ans et que vous ne présentez pas de facteurs de risque tels qu’un système immunitaire affaibli, une maladie cardiovasculaire, des antécédents de tabagisme ou une autre maladie chronique, vous pouvez avoir une bonne assurance que le COVID-19 ne vous sera pas fatal. Mais la façon dont vous agissez reste très importante. Vous avez toujours autant de chances d’être infecté, et si cela vous arrive, de participer à la propagation de la maladie. En moyenne, chaque personne infectée va transmettre le virus à deux autres personnes, ces dernières devenant infectieuses avant de présenter des symptômes. Si vous avez des parents ou des grands-parents à qui vous tenez et que vous prévoyez de passer du temps avec eux, et que vous découvrez plus tard que vous êtes responsable de leur contamination par le COVID-19, ce serait un lourd fardeau à porter.
Même si vous n’êtes pas en contact avec des personnes de plus de 50 ans, il est probable que vous ayez plus de collègues et de connaissances souffrant de maladies chroniques que vous ne le pensiez. Les recherches montrent que peu de personnes révèlent leur état de santé sur leur lieu de travail si elles peuvent l’éviter, par crainte de discrimination. Nous sommes tous deux dans des catégories à haut risque, mais beaucoup de personnes avec lesquelles nous interagissons régulièrement ne le savent peut-être pas.
Et bien sûr, il ne s’agit pas seulement des personnes qui vous entourent immédiatement. Il s’agit d’une question éthique très importante. Chaque personne qui fait de son mieux pour contribuer à contrôler la propagation du virus aide l’ensemble de sa communauté à ralentir la propagation de l’épidémie. Comme l’a écrit Zeynep Tufekci dans Scientific Amercian : “Se préparer à la propagation mondiale presque inévitable de ce virus… est l’une des choses les plus pro-sociales et altruistes que l’on puisse faire”. Elle poursuit :
Nous devons nous y préparer, non pas parce que nous nous sentons personnellement en danger, mais pour contribuer à réduire le risque pour tout le monde. Nous devrions nous y préparer, non pas parce que nous sommes confrontés à un scénario apocalyptique hors de notre contrôle, mais parce que nous avons une influence importante sur ce risque auquel nous sommes confrontés en tant que société. C’est exact, vous devriez vous y préparer parce que vos voisins ont besoin que vous vous y prépariez — en particulier vos voisins âgés, vos voisins qui travaillent dans les hôpitaux, vos voisins atteints de maladies chroniques et vos voisins qui n’ont peut-être pas les moyens ou le temps de se préparer par manque de ressources.
Cette situation nous touche personnellement. Le plus grand et le plus important cours que nous ayons jamais créé à fast.ai, qui représente l’aboutissement d’années de travail pour nous deux, devait commencer à l’université de San Francisco dans une semaine. Mercredi dernier (4 mars), nous avons pris la décision de tout mettre en ligne. Nous avons été l’un des premiers grands cours à le faire. Pourquoi ? Parce que nous avons réalisé au début de la semaine dernière que si nous organisions ce cours, nous encouragerions implicitement des centaines de personnes à se réunir dans un espace clos, plusieurs fois sur une période de quelques semaines. Réunir des groupes dans des espaces clos est la pire chose qui puisse-t-être faite. Nous nous sommes sentis obligés, d’un point de vue éthique, de veiller à ce que, du moins dans ce cas, cela ne se produise pas. Ce fut une décision déchirante. Le temps que nous avons passé à travailler directement avec nos élèves a été l’un des grands plaisirs et l’une des périodes les plus productives de l’année. Et nous avions des étudiants qui prévoyaient de venir par avion du monde entier, que nous ne voulions vraiment pas laisser tomber [2].
Mais nous savions que c’était la bonne chose à faire, car sinon nous risquions d’accroître la propagation de la maladie dans notre communauté [3].
Nous devons aplatir la courbe
C’est extrêmement important, car si nous pouvons ralentir le taux d’infection dans une communauté, nous donnons alors aux hôpitaux de cette communauté le temps de s’occuper à la fois des patients infectés et de la charge de patients réguliers qu’ils doivent prendre en charge. C’est ce que l’on appelle “aplatir la courbe”, comme le montre clairement ce graphique :
Farzad Mostashari, l’ancien coordinateur national système IT de santé, a expliqué : “De nouveaux cas sont identifiés chaque jour qui n’ont pas d’antécédents de voyage ou de lien avec un cas connu, et nous savons que ce n’est que la partie visible de l’iceberg en raison des retards dans les tests. Cela signifie que dans les deux prochaines semaines, le nombre de cas diagnostiqués va exploser… Essayer de faire du confinement quand il y a une propagation exponentielle de la communauté, c’est comme se concentrer sur l’extinction des étincelles quand la maison est en feu. Lorsque cela se produit, nous devons passer à des stratégies d’atténuation — en prenant des mesures de protection pour ralentir la propagation et réduire l’impact maximal sur le système de santé”. Si nous pouvons maintenir la propagation de la maladie à un niveau suffisamment bas pour que nos hôpitaux puissent en supporter la charge, alors les gens pourront avoir accès à des traitements. Mais si les cas arrivent trop rapidement, ceux qui ont besoin d’être hospitalisés ne pourront pas l’être.
Voici à quoi pourrait ressembler la prévision pour les Etats-Unis, selon Liz Specht :
Les États-Unis comptent environ 2,8 lits d’hôpitaux pour 1000 personnes. Avec une population de 330 millions d’habitants, cela représente environ 1 million de lits. A tout moment, 65% de ces lits sont déjà occupés. Cela laisse environ 330 000 lits disponibles dans tout le pays (peut-être un peu moins à cette époque de l’année à cause de la grippe saisonnière). Faisons confiance aux chiffres de l’Italie et supposons qu’environ 10 % des cas sont suffisamment graves pour nécessiter une hospitalisation. (N’oubliez pas que pour de nombreux patients, l’hospitalisation dure des semaines — en d’autres termes, le renouvellement de la capacité en lits sera très lent, car ces derniers sont occupés par des patients COVID-19). D’après cette estimation, vers le 8 mai, tous les lits d’hôpitaux ouverts aux États-Unis seront occupés. (Cela ne dit rien, bien sûr, sur la question de savoir si ces lits sont adaptés à l’isolement des patients atteints d’un virus hautement infectieux). Si nous nous trompons par un facteur de deux concernant la fraction des cas graves, cela ne change que de 6 jours la chronologie de la saturation des lits dans un sens ou dans l’autre. Si 20 % des cas nécessitent une hospitalisation, nous n’aurons plus de lits d’ici le 2 mai. Si seulement 5 % des cas le nécessitent, nous pourrons faire face jusqu’au 14 mai. 2,5% nous permet de tenir jusqu’au 20 mai. Ceci, bien sûr, suppose qu’il n’y a pas d’augmentation de la demande de lits pour d’autres causes (non COVID-19), ce qui semble être une hypothèse discutable. Au fur et à mesure que le système de santé devient de plus en plus surchargé, les pénuries de médicaments, etc., les personnes souffrant de maladies chroniques qui sont normalement bien gérées peuvent se retrouver dans un état de détresse médicale important nécessitant des soins intensifs et une hospitalisation.
La réaction d’une communauté fait toute la différence
Comme nous l’avons dit, cette prévision n’est pas une certitude — la Chine a déjà montré qu’il est possible de réduire la propagation en prenant des mesures draconiennes. Un autre exemple de réponse réussie est le Vietnam, où, entre autres choses, une campagne publicitaire nationale (comprenant une chanson accrocheuse !) a rapidement mobilisé la communauté et a permis aux gens d’adapter leur comportement de manière appropriée.
Il ne s’agit pas ici que d’une situation hypothétique, comme l’a clairement montré la pandémie de grippe de 1918. Aux États-Unis, deux villes ont affiché des réactions très différentes à la pandémie : Philadelphie a organisé un gigantesque défilé de 200 000 personnes pour aider à collecter des fonds pour la guerre. Mais St Louis a mis en place des mesures importantes pour minimiser les contacts sociaux afin de diminuer la propagation du virus, tout en annulant tous les grands événements. Voici à quoi ressemble le taux de mortalité de chaque ville, comme le montrent le compte rendu de l’Académie Nationale des Sciences :
La situation à Philadelphie est devenue désastreuse, au point qu’il n’y avait même plus assez de cercueils ou de morgues pour faire face au grand nombre de décès dus à la grippe.
Richard Besser, qui était directeur par intérim du Center for Disease Control and Prevention pendant la pandémie H1N1 de 2009, déclara qu’aux États-Unis “le risque d’exposition et la capacité à se protéger et à protéger sa famille dépendent entre autres du revenu, de l’accès aux soins de santé et du statut migratoire”. Il souligne :
Les personnes âgées et handicapées sont particulièrement exposées lorsque leur vie quotidienne et leurs systèmes de soutien sont perturbés. Les personnes qui n’ont pas facilement accès au système de santé, y compris les communautés rurales et autochtones, peuvent être confrontées à des distances considérables en cas de besoin. Les personnes vivant dans des lieux proches — que ce soit dans des logements publics, des maisons de retraite, des prisons, des refuges ou même les sans-abri dans la rue — peuvent souffrir par vagues, comme nous l’avons déjà vu dans l’État de Washington. Et les vulnérabilités de l’économie uberisée à bas salaire, avec des travailleurs non salariés et des horaires de travail précaires, seront particulièrement exposées pendant cette crise. Demandez aux 60 % de la main-d’œuvre américaine qui est payée à l’heure comme il est facile de prendre des congés dans un moment de besoin.
Le Bureau américain des statistiques du travail montre que moins d’un tiers des personnes se situant dans la tranche de revenus la plus basse ont accès à des congés maladie rémunérés :
Nous ne sommes pas bien informés aux États-Unis
L’un des grands problèmes aux États-Unis est que très peu de tests sont effectués et que les résultats des tests ne sont pas correctement partagés, ce qui signifie que nous ne savons pas ce qui se passe réellement. Scott Gottlieb, le précédent commissaire de la FDA, a expliqué qu’à Seattle, les procédures de tests ont été améliorées et que nous y avons détectés des infections : “La raison pour laquelle nous avons su très tôt qu’il y avait une épidémie de COVID-19 à Seattle est le travail de surveillance effectué par des scientifiques indépendants. Cette surveillance n’a jamais été totalement mise en place dans d’autres villes. Il se peut donc que d’autres points chauds des États-Unis ne soient pas encore détectés”. Selon The Atlantic, le vice-président Mike Pence a promis qu’”environ 1,5 million de tests” seraient disponibles cette semaine, mais moins de 2 000 personnes ont été testées dans l’ensemble des États-Unis à ce jour. Les auteurs, Robinson Meyer et Alexis Madrigal, ont déclaré :
Les chiffres que nous avons recueillis suggèrent que la réponse américaine au COVID-19 et à la maladie qu’il provoque, a été d’une lenteur choquante, surtout si on la compare à celle des autres pays développés. Le CDC a confirmé il y a huit jours que le virus était en transmission indigène aux États-Unis — qu’il infectait des Américains qui n’avaient ni voyagé à l’étranger ni été en contact avec d’autres qui l’avaient fait. En Corée du Sud, plus de 66 650 personnes ont été testées dans la semaine qui a suivi le premier cas de transmission indigène, et le pays est rapidement devenu capable de tester 10 000 personnes par jour.
Le problème est en partie dû au fait que cette question est devenue un enjeu politique. En particulier, le président Donald Trump a clairement indiqué qu’il souhaitait que “les chiffres” (c’est-à-dire le nombre de personnes infectées aux États-Unis) restent bas. C’est un exemple de cas où l’optimisation des mesures interfère avec l’obtention de bons résultats dans la pratique. (Pour en savoir plus sur cette question, voir le document sur l’éthique des sciences des données intitulé “The Problem with Metrics is a Fundamental Problem for AI”). Jeff Dean, directeur de l’IA de Google, a tweeté sa préoccupation concernant les problèmes de la désinformation politisée :
Lorsque je travaillais à l’OMS, je faisais partie du Programme mondial sur le sida (aujourd’hui ONUSIDA), créé pour aider le monde à lutter contre la pandémie de VIH/sida. Le personnel était composé de médecins et de scientifiques dévoués qui s’efforçaient de contribuer à la lutte contre cette crise. En temps de crise, des informations claires et précises sont essentielles pour aider chacun à prendre des décisions adéquates et éclairées sur la manière de réagir (pays, États et collectivités locales, entreprises, ONG, écoles, familles et particuliers). Avec les bonnes informations et les politiques mises en place pour écouter les meilleurs experts médicaux et scientifiques, nous relèverons tous des défis tels que ceux posés par le VIH/sida ou par COVID-19. Avec une désinformation motivée par des intérêts politiques, il existe un risque réel de faire massivement empirer les choses, en n’agissant pas suffisamment rapidement et de manière suffisamment décisive face à une pandémie croissante, et en encourageant activement des comportements qui vont en fait accroître la propagation de la maladie. Toute cette situation est incroyablement pénible à observer.
Il semble qu’il n’y ait pas de volonté politique de renverser la situation, en matière de transparence. Le secrétaire d’État à la santé et aux services sociaux, Alex Azar, selon Wired, “a commencé à parler des tests utilisés par les professionnels de la santé pour déterminer si une personne est infectée par le nouveau coronavirus. L’absence de ces kits a entraîné un dangereux manque d’informations épidémiologiques sur la propagation et la gravité de la maladie aux États-Unis, aggravé par le manque de transparence du gouvernement. Azar a tenté de dire que d’autres tests étaient en cours de préparation, en attente du contrôle de la qualité”. Mais à ce moment :
Trump a coupé Azar. “Mais je pense, et c’est important, que quiconque, aujourd’hui et hier, a besoin d’un test, en obtient un. Ils sont là, ils ont les tests, et les tests sont beaux. Tous ceux qui ont besoin d’un test ont un test”, a indiqué Trump. Cela n’est pas vrai. Le vice-président Pence a déclaré aux journalistes jeudi que les États-Unis n’avaient pas assez de kits de test pour répondre à la demande.
D’autres pays réagissent beaucoup plus rapidement et de manière plus significative que les États-Unis. De nombreux pays d’Asie du Sud-Est affichent d’excellents résultats, notamment Taïwan, où la valeur R0 est descendue à 0,3 actuellement, et Singapour, qui se profile comme modèle de réponse à l’épidémie COVID-19. Ce n’est pas seulement le cas en Asie ; en France, par exemple, tout rassemblement de plus de 1 000 personnes est interdit et les écoles sont désormais fermées dans trois districts.
En conclusion
Le COVID-19 est un problème de société important, et nous pouvons et devons tous nous efforcer de réduire la propagation de la maladie. Cela signifie que :
- Éviter les rassemblements et les foules
- Annuler les événements
- Travailler à domicile, si possible
- Se laver les mains en sortant et au retour de son domicile, et fréquemment à l’extérieur
- Évitez de se toucher le visage, surtout hors de son domicile.
Remarque : en raison de l’urgence de la situation, nous n’avons pas été aussi prudents que nous le souhaiterions pour citer et créditer le travail sur lequel nous comptons. Veuillez nous faire savoir si nous avons oublié quelque chose.
Merci à Sylvain Gugger et Alexis Gallagher pour leurs commentaires.
Notes de bas de page
- Les épidémiologistes sont des personnes qui étudient la propagation des maladies. Il s’avère que l’estimation de choses comme la mortalité et le R0 est en fait assez difficile, il y a donc tout un domaine qui se spécialise pour bien faire cela. Nous nous méfions des personnes qui utilisent des ratios et des statistiques simples pour vous dire comment se comporte le COVID-19. Regardez plutôt la modélisation faite par les épidémiologistes.
- Depuis cette décision, nous avons travaillé dur pour trouver un moyen d’organiser un cours virtuel qui, nous l’espérons, sera encore meilleur que la version en personne. Nous avons réussi à l’ouvrir à tous les pays du monde et nous organiserons chaque jour des groupes d’étude et de projet virtuels.
- Nous avons également apporté de nombreux autres petits changements à notre mode de vie, notamment en faisant de l’exercice à la maison au lieu d’aller au gymnase, en déplaçant toutes nos réunions vers la vidéoconférence et en sautant des événements nocturnes que nous attendions avec impatience.