L’enfant de deux ans

yann leroux
5 min readApr 10, 2017

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A deux ans, l’enfant rencontre de nombreux challenges qui peuvent être résumés de la manière suivante : il doit passer du sentiment d’avoir une maîtrise sur les choses a une maîtrise sur lui-même.

La seconde année de vie est l’occasion de nombreux changements pour l’enfant. Par la motricité il obtient de nouveaux pouvoir sur son corps, l’environnement et même sur ses parents. Explorer, se nourrir, dormir, être propre sont source de plaisir pour lui et pour les autres mais aussi d’anxiété.

La maîtrise de la motricité volontaire permet à l’enfant de deux ans de se déplacer librement dans l’espace. Il est lui également plus facile de manipuler des objets. En d’autres termes, il devient de plus en plus sujet de ses propres expériences. Il est davantage conscient de sa personne et des actions qu’il entreprend et il commence à utiliser les objets d’une manière symbolique.

Apprendre à faire et apprendre à faire seul est un des challenges de ce moment de vie. La réussite provoque une joie intense, mais l’échec est souvent une catastrophe personnelle. L’enfant se sent alors trop petit — alors qu’il voulait être comme un grand — ce qui suscite des sentiments d’incapacité ou de honte.

La toute nouvelle liberté de l’enfant de deux ans s’accompagnent aussi de nouvelle limites. L’enfant découvre un nouveau mot qu’il s’approprie rapidement. Il dit “non” comme il entend que les adultes disent “non” à certains de ses comportements. Le “non” permet à l’enfant d’apprendre apprend à utiliser les objets qui l’entourent en toute sécurité d’abord pour lui et pour les objets qu’il manipule. Il doit se garder d’être blessé mais il doit aussi faire attention à ne rien casser. Être capable de se dire “non” est donc une acquisition précieuse de cette séquence de développement Elle permettra à l’enfant de d’éviter les situations ou il pourrait être blessé.

“Non” est aussi une limite posée a l’impulsivité de l’enfant. Cette limite est d’abord externe puisqu’elle est portée par les parents. L’enfant la fait sienne dans un second temps en acceptant peu à peu à différer son comportement. Parce que l’attente est imposé par un adulte qui a une vision plus complexe de la situation de l’enfant, elle lui permet à son tour de prendre conscience de la complexité des choses. En mettant de côté le chaos des désirs immédiats, l’enfant introduit dans son expérience de l’ordre et du sens. Il devient sage.

La deuxième année de vie est aussi une période ou l’enfant apprend à se prendre en charge. Après avoir été porté pendant toute une année, il devient son propre parent porteur. Prendre la responsabilité de ses déplacements c’est en effet remplacer les parents qui l’ont porté pendant de nombreux mois. C’est un long processus d’intériorisation qui se prolonge tout au long de l’existence mais dont les racines plongent dans des expériences banales que sont les repas, les couchers et l’apprentissage de la propreté

L’alimentation est une zone de grande anxiété et de grands plaisirs. Bien manger est ressenti comme le signe d’une bonne relation entre l’enfant et les parents. Par contre, les difficultés d’alimentation sont souvent comprises comme une attaque de l’enfant qui refuse les bonnes choses que les parents lui apportent. Parce que nous devons manger pour vivre, les problèmes autour de l’alimentation peuvent être vécus avec une très grande intensité

Dormir est un autre challenge de cette période. Dormir c’est accepter de se séparer de l’excitation du monde en faisant le noir en soi. Cela n’est possible que si l’enfant a suffisament de calme en lui pour se laisser glisser dans le sommeil ou pour s’endormir à nouveau s’il s’est réveillé en pleine nuit.

L’apprentissage de la propreté est un autre challenge pour les enfants de deux ans et aussi une situation de stress pour les parents d’autant plus qu’il n’y a aucune méthode universelle pour aider les enfants à devenir propre. Les conflits naissent du fait que l’enfant a tendance à considérer que tout ce qui vient de lui est “bon”. Du fait de l’intérêt que les parents portent à leurs excréments, ils ont aussi tendance à les investir comme une monnaie d’échange. Faire ou ne pas faire sur le pot devient alors un enjeu de pouvoir de l’enfant sur ses parents ou des parents sur l’enfant. Enfin, du fait de la vie imaginaire de l’enfant, les excréments sont investis comme des parties de leur corps plus ou moins précieuses, plus ou moins maléfiques ou plus ou moins vivantes.

Explorer, manger, dormir, être propre sont des challenges posés au développement des enfants autour de leur seconde année. Ils ont en commun d’être lié a la séparation et à la perte. Explorer c’est souvent s’éloigner d’un adulte tutélaire. Manger et dormir signifie manger et dormir seul. Être propre c’est accepter de se séparer d’une part de soi devenue inutile

La seconde année de vie correspond au moment où l’enfant développe des relations plus complexes avec ses parents, sa fratrie et les autres enfants. L’enfant développe l’idée que ses parents sont ses parents et commence a se représenter le lien particulier qui existe entre son père et sa mère. Les relations construites avec ses parents servent de modèle pour les relations avec les autres personnes. Selon que l’enfant aura construit un attachement sécure ou non, il ira avec plus ou moins de confiance vers les autres personnes

Les objets de l’enfant prennent de nouvelles significations. Les premiers jouets étaient surtout l’occasion de développer la sensorialité et la coordination motrice. Les jouets comme la dinette ou la malette du docteur de la seconde année soutiennent les jeux symboliques. D’autres jouets comme les cubes permettent d’explorer les relations de cause à effet. Le jeu symbolique se fait plus complexe. Les enfants aiment aussi les jeux d’exercice comme sauter, courir, escalader ou se balancer, taper dans une balle, faire du trotteur ou du tricycle.

Avec le livre, l’enfant fait une expérience nouvelle. Au cours des mois précédents, il a déjà partagé des temps de jeu avec des adultes. Il a aussi commencé à jouer seul. La lecture d’un livre est une expérience différente car l’enfant ne cherche pas le plaisir de l’interaction mais celui de partager des pensées et des émotions avec l’adulte. L’enfant apprécie l’expérience parce que les livres apportent des idées ou des situations qui lui permettent de penser son expérience autrement. De son côté, l’adulte cherche a maintenir chez l’enfant un intérêt et une attention suffisante. Il attire son regard sur les détails des images ou les péripéties de l’histoire. Ce faisant, il l’éduque à ce qui est important de prendre en compte.

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yann leroux

Psychologist, psychoanalyst and geek | psychologue, psychanalyste et geek.