Togolais, ça va ?

Yann MOEBIUS
3 min readOct 5, 2017

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Crédit Photo : Daniel Hayduk

Alors que tous revendiquent sous ton couvert, alors que les voix s’élèvent et que tout le monde semble vouloir parler en ton nom, alors même que d’autres osent questionner le « peuple » dont on parle quand on t’évoque, il m’a semblé salvateur de te parler. Tant il est important que toi qui ploies, toi qu’on toise, toi qui crois, toi qu’on froisse, tu ouvres la bouche et t’exprimes. Je n’ai pas mille questions mais tu as toi, sans doute, une foultitude de réponses.

Togolais, ça va ?

Mon frère, on est là !

Oui, tu es là et tu assistes tel un spectateur désabusé à ton destin qui se dessine dans des officines obscures. Tu es las de l’ostentation, du mépris et des entourloupes. Tu es las, et ça se voit dans tes yeux, des promesses qui ne fleurissent pas et des échecs qui flétrissent.

Togolais, ça va ?

Tranquillement !

Parce que tu vois les puissants vivre tranquillement de l’opulence acquise dans la violence et l’indécence. Tu vas tranquille, comme les mandats qui s’étirent, s’égrènent en échos au chapelet de ta résignation. Tu es tranquille, tu t’endors au soir de ton désespoir, la gorge serrée comme un poing étouffant péniblement ta colère qui point.

Togolais, ça va ?

C’est Dieu qui est grand.

Dieu est grand et l’intensité de ta prière n’est pas petite. Tu regardes vers l’Eternel pourtant Il a déjà béni le Togo de ta volonté infaillible. Il t’a donné le pouvoir de ramener de ses enfants les conducteurs indélicats sur le chemin de Sa sagesse, le savais-tu ?

Togolais, ça va ?

Ma sœur, ça va oh ! On se défend.

Tu as levé le bouclier de la résistance courageusement, tu as dressé devant toi le barrage de la dignité. Tu refuses de renoncer face à la misère qui t’accable. Tu te défends contre des ennemis sournois qui t’assaillent et t’asservissent. Tu refuses de plier sous le joug du renoncement, les enfants ne mourront pas de faim. Pas aujourd’hui. Demain peut-être. Mais jamais au jour dit.

Togolais, ça va ?

Ça va aller !

Oui ça va aller, mon compatriote. Ça va aller comme le tchouk frais va vers le gosier. Ça va aller comme les abeilles de l’audace vont vers les fleurs du bonheur. Ça va aller comme tes fossoyeurs glissant dans le piège visqueux de la soumission qu’ils te tendent au quotidien.

Togolais, ça va ?

On ne se plaint pas…

Laisse-moi saluer ton courage, vaillant peuple de mon pays. Tu ploies mais tu ne casses pas. Dressé contre l’oppresseur qui espère sournoisement te diviser en semant le poison de la méfiance et la morsure venimeuse de la mort dans tes rangs, tu ne cèdes pas à la rancœur. Tu ne te plains pas. Tu fais battre l’infamie et l’ignominie en retraite. Que viennent les tyrans, tu as déjà tourné ton cœur vers la liberté !

Togolais, ça va ?

Mon frère, je suis fatigué !

Alors bats le pavé, fais le savoir haut et fort. Dis ta colère et ta détermination. Dis ton courage et ta force inébranlable. Dis ton effroi et ton désarroi face aux veuves qui pleurent, et aux mères qui n’ont plus enfant.

Toi, tu rêves. Ici, c’est Togo…

Oui je rêve de te voir te défaire de tes chaînes et regarder les dictateurs dans les yeux. Je rêve de toi arrachant ta liberté des mains des traîtres auxquels elle n’appartient pas. Enfin, je rêve de te voir, debout dans le concert des nations, ton sourire éclairant tes devanciers sur le chemin de la réelle démocratie.

Parce qu’il vaut mieux mourir debout et libre que vivre assis et entravé par les liens de la servitude.

Togolais, debout !

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