La nécessité du vide

Yoni Truite
5 min readJun 15, 2017

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Ce soir, je l’ai ressentie à nouveau. La nécessité du vide. Mon besoin de vide. Après avoir passé la grande majorité de mon après-midi sur mon canapé à dormir, regarder une série ou trainer sur internet, je me suis dit “Ça suffit, Yoni.” J’ai mis la tisane que je venais de me faire dans une thermos, j’ai pris un carnet, un stylo et mes clés et je suis partie.

Pourquoi ? Parce que j’avais un besoin incontrôlable de fuir une réalité trop difficile à porter ? Non. Parce que je me sentais coupable de ne pas avoir beaucoup bougé de la journée ? Pas particulièrement. Non ce n’était pas un grand geste théâtral, issu d’un trop plein émotionnel. C’est juste qu’avec le temps, j’ai appris à mieux me connaître : je sais ce dont j’ai besoin pour aller de l’avant. Ce qui me ressource vraiment et qui me permet souvent de ne pas couler.

Pour mon équilibre à la fois physique, mental et émotionnel, j’ai besoin de régulièrement me retrouver seule hors de mon contexte de vie. Quelques soit mon lieu d’habitation ces 3 derniers années, j’ai progressivement trouvé 2–3 ballades plus ou moins en pleine nature, longues ou non et facile d’accès.

Marcher dans le calme de la nature me permet de mettre ce que je vis en perspective. De me positionner dans le temps : d’où je viens ? Où je veux aller ? Où je suis actuellement ?Je réalise alors le chemin qui reste à parcourir pour atteindre mes prochains objectifs mais surtout je me souviens du chemin parcouru. Et alors, je remercie Dieu. Parce qu’il a été là, depuis des années dans l’aventure de ma vie et qu’avec lui, je grandis chaque jour.

Et puis, je me positionne aussi dans l’espace. J’observe la vie qui suit son cours : le fleuve qui coule ou la mare qui stagne tranquillement en développant plein de micro-organismes bizarres. Je relativise alors l’importance de certains de mes “problèmes” et ma propre importance, face à la beauté d’une nature qui tourne merveilleusement bien… sans mon aide ! Et alors, je remercie Dieu à nouveau. Parce que même si je suis toute petite dans l’immensité, il s’intéresse à moi. Et il veut même travailler avec moi, à travers moi. Malgré mes (nombreuses) imperfections.

Me déconnecter de mon environnement quotidien où il est impossible de ne pas voir les choses à faire, me permet également de me reconnecter avec moi-même. J’aime beaucoup cette image du verre de boue qui ne cesse d’être touillé. Quand on arrête tout mouvement, la boue peut enfin descendre au fond et l’eau redevient limpide. (Image souvent utilisée pour expliquer la méditation). De la même façon nous avons parfois besoin d’arrêter le tourbillon de la vie, pour nous souvenir de pourquoi et comment nous tournons. C’est quand l’eau est apaisée, que je peux mieux voir ce que je suis en train de vivre et de ressentir. En fait, je suis en colère. Ou je suis frustrée. Ou je suis triste. Mes émotions qui ont été brimées pour que la machine continue à tourner ou juste pour sauver les apparences, se sentent enfin libres de s’exprimer et je peux enfin les entendre et traiter.

Progressivement, j’apprends à bloquer des temps de déconnexion dans mes semaines. Je bloque des journées dans mon agenda, où je ne prévois rien. Et je me force à me rendre indisponible ce jour-là. Mes moments off sont aussi difficiles à bouger qu’un RDV chez le dentiste ! Parce que je sais combien ces moments me sont vitaux.

J’essaye aussi de mieux discerner quand j’ai besoin spontanément (comme ce soir) de créer du vide dans ma journée et de m’autorise à ne pas être toujours productive dans la gestion de mon temps.

Mais chacun est différent. Traditionnellement, on dit que les extraverties se ressourcent en groupe et les introverties seuls. Mais la réalité est souvent bien plus complexe. Personnellement, me retrouver seule m’apaise mais je sais que la solitude en trop grande quantité peut m’être nocive et me rendre sauvage. Et en même temps, être avec d’autres personnes me stimule. Particulièrement s’ils ne pensent pas tout à fait comme moi ! L’essentiel n’est donc pas d’adopter le fonctionnement d’un autre mais de comprendre le sien et de le respecter.

Il y a quelques années, j’étais directrice d’un camp scout avec une amie. Sa façon de se ressourcer était d’être avec les autres. Il lui suffisait de faire quelques siestes pour être à nouveau opérationnelle. Cela ne la dérangeait pas ensuite d’être toujours dans le bureau, où il y avait souvent du passage et des personnes de l’équipe qui venait trainer. Au contraire, cela lui faisait du bien. Peu consciente à l’époque de mon propre fonctionnement et de mes besoins personnels, je me suis alignée sur son fonctionnement… Au bout d’une semaine, j’étais une boule de nerfs à être toujours dans un contexte social. J’étais persuadée que pour être une bonne directrice, je devais être toujours disponible. Ou plutôt toujours présente physiquement. J’essayais de m’isoler … dans le bureau ! Au fur et à mesure que la fin du camp approchait, j’étais de plus en plus irritée par la moindre remarque ou simple demande. Et je me trouvais nulle en tant que directrice. Trop rongée par des émotions enfouies, j’étais incapable de vraiment faire face à l’instant présent. Incapable même de comprendre pourquoi j’étais comme ça. Au delà du fait de me sentir comme une fraude en tant que directrice, j’étais surtout une grande novice dans la gestion de mon énergie et de mon repos.

Depuis cette expérience (un peu traumatisante, je le reconnais), j’ai appris à me connaître et à respecter mon fonctionnement. À arrêter de vouloir faire comme les autres et d’imaginer ce qu‘ils vont penser de moi. Je sais que mon ressourcement passe par des moments de solitude. Et je veux arrêter de m’excuser pour cela !

Maintenant, je sais qu’il est bon pour moi que je me déconnecte de mon quotidien pour mieux m’y reconnecter. Je suis loin d’être une spécialiste en matière de bien être et d’épanouissement personnel, mais je voulais juste vous partager ici mon expérience et les aspects bénéfiques que cela a sur ma relation avec moi-même, les circonstances actuelles de ma vie et les personnes qui m’entourent. J’aimerais de plus encourager toute personne qui tombera sur cet article à trouver son fonctionnement unique et personnel de ressourcement et à oser le respect. Parce que ça en vaut vraiment le coup !

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