Les lycéens prennent la parole

À l’heure où la France ne cesse d’aggraver les inégalités sociales à l’école, la souffrance déborde.

Zelda Poem
5 min readDec 23, 2018

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Cet article a pour objectif de mettre des mots sur cette colère et d’apporter des idées constructives pour faire avancer le débat.

Illustration by Melinda Beck for Education Week

Ayant moi-même souffert du système éducatif français, je ne peux qu’avoir de l’empathie pour mes camarades et leur désir de faire entendre leur voix ces trois dernières semaines. L’hypocrisie dont fait preuve l’Éducation nationale à travers ses réformes inefficaces pousse les élèves à se révolter. Le modèle de l’école républicaine est à bout de souffle et doit évoluer face aux nouveaux enjeux écologiques, économiques et sociaux du XXIe siècle. Les designers, chercheurs en neurosciences, et même entrepreneurs ont une vision et des compétences qui pourraient aider la société à aller dans un sens plus juste. Malheureusement, ils sont ignorés tout comme leurs travaux sur le sujet. Voilà pourquoi les lycéens utilisent le dernier outil à leur disposition pour faire entendre leur mécontentement : la violence.

« La société doit être faite pour l’école et non l’école pour la société. » Gaston Bachelard

L’école a toujours été pensée pour répondre aux besoins de la société, ce qui pour moi est un mauvais raisonnement. Mais le plus frappant est que l’école d’aujourd’hui ne répond même plus aux besoins du monde actuel.

Les lycéens se rendent bien compte que leur avenir est en train de filer entre leurs doigts.

Les blocus de décembre 2018

Durant tout le début du mois de décembre, des blocus de lycées ont fleuri partout en France. Le message est difficile à saisir si l’on considère les multiples revendications des lycéens. Ce que l’on sent, en revanche, c’est ce sentiment de ras-le-bol et de malaise — qui lui, est unanime. Parcoursup, la réforme du bac et l’augmentation du prix de la fac pour les étrangers sont les gouttes d’eau qui font déborder le vase pour nombre d’entre eux.

« Ce qu’on a en commun avec les ‘gilets jaunes’, c’est la souffrance »

Le constat est alarmant. 80% des étudiants déclarent ne pas se sentir à leur place en terme d’orientation scolaire. La France fait partie des pays les moins bien classés d’après l’UNICEF, pour ce qui est des inégalités scolaires et de la satisfaction de vie des jeunes de 15 ans. Les chiffres sont là mais ils sont ignorés. La violence que l’on a pu observer ces dernières semaines est symptomatique d’années de mécontentement de la part de la majorité, face à un système élitiste. Les pouvoirs publics semblent épris de bonnes intentions mais il serait temps de faire preuve d’un peu de bon sens.

Agir en conséquence

Le désespoir des lycéens, tout comme celui des gilets jaunes est le résultat, de manière plus globale, du changement de paradigme auquel notre société fait face depuis 20 ans, et qu’elle peine à intégrer. Les défis du XXIe siècle sont complexes, et il faudra du côté des citoyens comme des dirigeants politiques, être courageux et éduqués sur ces enjeux pour les relever. L’âge entrepreneurial doit être vu comme l’opportunité de donner un nouveau souffle à notre manière de concevoir le monde. Si nous essayons de lutter contre, la fracture numérique sera d’autant plus douloureuse.
Internet a changé le monde de manière irréversible. Apprenons à surfer sur les nouvelles technologies qui nous donnent aujourd’hui la capacité de réduire les inégalités entre les élèves et de les rendre plus épanouis.

Je suis persuadée que le système éducatif a besoin d’être repensé de A à Z. Mais d’ici là, voici des propositions très concrètes afin d’améliorer la situation des lycéens sur le court terme :

  • Le manque de place dans les universités : Permettre aux étudiants à la fac de suivre leur cours en ligne et de passer leurs partiels et TD en candidats libres. Ainsi, les élèves les plus motivés qui n’auraient pas eu la possibilité de faire leur preuve à travers un dossier convaincant pourraient quand même suivre les cours qui leur tiennent à coeur. Créer un “pass éducation” permettant à ces élèves de travailler dans des espaces de coworking/cafés à moindre coût et de continuer à socialiser.
  • L’orientation des élèves : Construire une plateforme « user friendly », qui accompagne les élèves dès le collège à construire leur orientation à l’aide de questionnaires, contenus, stages et conférences et qui leur permettent tout au long de leur scolarité de mûrir leurs choix. De nombreuses startups tel que Impala, Pixis ou encore Hello Charly ont déjà fait leurs preuves lorsqu’il s’agit d’aider les jeunes à s’orienter. Pourquoi ne pas mettre en place un partenariat avec l’Education nationale afin de permettre à l’ensemble des élèves d’accéder à leurs services, plutôt que d’essayer de réinventer la roue ?
  • Les relations profs-élèves conflictuelles : Mettre en place des formations en lignes pour les professeurs, afin de leur permettre d’évoluer positivement dans leur métier et d’être épanouis. Les sujets de ces MOOC peuvent être variés : Intelligence émotionnelle, communication non violente, pédagogie, explication d’outils… Evidemment, il faut directement leur demander ce dont ils ont besoin 😉
  • Le désir de faire du lycéen un citoyen accompli : Créer des questionnaires qui impliquent le lycéen dans sa vie à l’école, et en tant que citoyen français, notamment dans les réformes de l’éducation nationale.

La mise en place de ces 4 propositions coûteraient sans aucun doute moins des 15 milliards d’euros de budget du service national universel et satisferait bien plus les lycéens.

« Le meilleur conseil que je pourrai donner à un jeune de 15 ans ? Qu’il ne se fie pas trop aux adultes. La plupart d’entre eux ont de bonnes intentions, c’est juste qu’ils ne comprennent pas le monde. »

Yuval Noah Harari

Les lycéens ne réussissent pas forcément à mettre des mots sur ce qu’ils ressentent — probablement parce qu’on ne leur a jamais appris à le faire— Mais ce n’est pas une raison pour ne pas les prendre au sérieux. Ils témoignent d’un mal être profond et c’est le devoir des pouvoirs publics de l’analyser et de le prendre en compte. C’est en acceptant de nous mettre en mouvement, et en nous tournant vers l’avenir que nous arriverons à trouver les bons compromis.

Alors, quand est-ce qu’on s’y met ?

Je suis Elsa Cohen, la fondatrice de Hack ton Bac : le livre et la communauté qui changent la vie des lycéens.

Tu peux me suivre sur Instagram : @coh.elsa

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Zelda Poem

21yo. School dropout. Building the future of education since then 🧩 Wrote a book “Hack your Education” & Co-founded a program “Reverse” for young creators.