Sprint Master Tool #2. Comment constituer l’équipe du Design Sprint ?

Fabrice Liut
Design Sprint
10 min readAug 31, 2019

--

Nouvelle série pour aller plus loin que le livre “Sprint” de Jake en tentant de le compléter par le partage des expériences de plusieurs Sprint Masters francophones. A chaque fois des versions courtes & une vidéo sur notre compte Instagram commun. N’hésitez pas à nous contacter si vous voulez développer les explications.

Tool #2. Comment constituer l’équipe du Design Sprint ?

Le plus important dans tout travail collaboratif : les participants. Il faut bien les sélectionner et pour se faire, il faut les bons critères de sélection. On ne constitue pas une équipe avec les personnes disponible, celle qui peuvent prendre 2/3 jours à venir pour “découvrir un atelier et des outils de créativité”… Sinon, clairement, elles ne seront pas motivées et quasiment impossible à engager dans la démarche de la semaine.

Le Design Sprint existe pour répondre à un challenge qui adresse un besoin réel, mais il est également là pour répondre aux différents besoins des membres de l’équipe. S’ils ne viennent que sur décision de leur manager, sans explications préalables, il y a de grandes chances d’aller à l’échec.

Vous me direz alors :

“C’est très difficile d’arriver à bloquer 7 personnes sur au moins 3 jours à la suite ! Ce sera quasiment impossible de mobiliser les bonnes personnes, au bon moment car il n’y aura jamais un moment où tous seront disponible !”

Voyons alors déjà dans l’idéal, comment construire l’équipe la plus adaptée pour travailler au plus efficient. Nous verrons ensuite comment les mobiliser.

Le plus important est de penser les bons ingrédients pour réussir la recette. Ensuite, nous réunirons ces ingrédients, comme Bruce Willis dans Armageddon. (Ok, pour lui cétait plus facile, c’était la fin du monde sinon...)

Partir du challenge initial validé.

Le point de départ est toujours le Challenge du Design Sprint, que nous avons appris à préparer au mieux dans l’article précédent de cette série. C’est le coeur qui va orienter la constitution de tout le corps (groupe) pour le faire battre. Dans le challenge, il y a toutes les indications pour déterminer les 7/8 personnes à convier pour le relever.

Mais attention ! Réussir un Design Sprint est une chose. Apprendre et connaître ce qui va devoir être mis en place par la suite, c’est tout l’intérêt, MAIS si personne ne s’assure de la continuité du travail après les 5 jours, c’est frustration garantie pour tout le monde si rien ne se déclenche : le sprint master, tout l’équipe, ceux qui financent… Tout le monde.

Identifier le décideur.

La toute première personne à assurer est le décideur. C’est en général le porteur de projet ou/et le sponsor ; la personne qui porte “le lead” ou l’énergie du projet ou celui qui paie. C’est lui qui sera responsable de la continuité du Design Sprint : il y aura besoin de son énergie et/ou de son engagement financier pour assurer que la fin du Design Sprint sera bien le début de l’aventure et non pas la fin…

Pas de décideur clairement défini ?

Le responsable du financement de la semaine n’est pas présent ? Le responsable projet n’est pas présent ? Il n’a pas signé un document pour déléguer sur un des participants la responsabilité des décisions et le rôle de continuité des travaux ?

Personne autour de la table ne serait alors réellement porteur de tous les travaux intenses fournis pendant 5 jours ?

Clairement, la responsabilité du Sprint Master est de ne pas faire le Design Sprint dans ces conditions. Sinon, c’est le crash assuré passé le jour 5. Prenons un exemple classique vu et revu dans des grandes organisations :

  • Un service de l’entreprise organise un Design Sprint sur demande de la top direction. La raison ? Des budgets sont alloués et à dépenser, type innovation, conduite de changement, transformation, etc… OU, le top management a été inspiré (on ne sait trop comment, certainement les médias ou d’autres tendances…)
  • Le chef de service désigne un responsable, un collaborateur du service, pour organiser ce Design Sprint.
  • Par chance, ce collaborateur est très motivé, organise ça très bien : bon challenge, bon sprint master, bonne équipe, etc…
  • La semaine se passe à merveille, les tests du vendredi orientent sur de belles choses à mettre en place.
  • Le lundi suivant, les rendus remontent au responsable de secteur qui lui-même doit les remonter à la direction un cran supérieur… Ce qui fait 2 niveaux pour raconter “l’histoire de la semaine” et donc 2 niveaux d’interprétations…(attention le téléphone arabe…)
  • La top direction ne comprend pas : les outcomes du Design Sprint ne sont pas du tout “ce qui était attendu” (oui, la plupart du temps, les commanditaires imaginent connaître les solutions avant même de travailler sur les problématiques, ce qui est un biais d’omniscience très répandu cela dit…)
  • La top direction ne comprend pas “la logique” et l’évolution de la semaine, malgré un tout documenté dans les détails mais raporté en “synthèse” lors d’une réunion du CODIR de 1h pas plus…
  • Tout le projet est donc sabordé… L’information redescend à tous les participants : ce qu’on devait mettre en place ne rentre pas dans la roadmap des 10 prochaines années… Rien ne se fera, mais merci de votre énergie.
  • Refaire un Design sprint ? Quel intérêt, cela ne mène jamais nul part, le Design Sprint n’est pas efficace…(Et voilà que le bâton revient dans la tête du Sprint master de la semaine et avec violence…)

Comme vu ensemble plus haut, tout le monde est déçu, tout le monde. Pour cette raison, il faut un décideur, un responsable désigné, celui qui va assurer à tous la continuité.

S’il y a des décideurs au dessus du décideur qui peuvent mettre un véto tout peut s’arrêter, il faut éviter en priorité cette situation post-sprint très fréquente encore…

Idéalement, notre décideur sera présent durant les 5 jours comme réel membre du groupe, travaillant avec le groupe. Sinon, présent au moins les 3 premiers jours et pour les résultats des tests du vendredi. Sinon, présent en jour 1 et en jour 3 lors des votes projets. Sinon… Pas de Design Sprint !

Constituer le reste de l’équipe.

Le décideur est désigné ? Parfait ! Il sera là pour toute la semaine ou au moins les étapes nécessaire ? Top, passons à la constitution du reste de l’équipe.

Voir l’équipe comme un spectre de couleurs.

Le challenge, c’est la couleur blanche. Pour la recomposer, nous avons besoin de toutes les couleurs du spectre lumineux. En effet, la semaine va “passer par le prisme” la matière grise (plutôt colorée dans cette analogie) des différents participants. Ensemble, ils vont recomposer le blanc du challenge en apportant les réponses et solutions adaptées.

N’est-ce pas de la poésie que le Design Sprint ?

Les couleurs sont les points de vue et expertises nécessaires pour traiter le challenge. Les membres peuvent être internes à l’organisation : ils porteront l’expertise et le point du vue métier et expérience client, la culture de l’entreprise, la connaissance des contraintes de leur milieu, etc…

Inviter des experts et participants externes est plus que recommandé. Souvent un challenge peut nécessité le point de vue d’un anthropologue, d’un designer, d’un scientifique, etc… Si cette personne ne fait pas partie de votre entreprise alors il faudra la recruter à l’extérieur.

S’il y a comme contrainte de ne construire l’équipe qu’avec des collaborateurs internes, il y a de grandes chances que le groupe manque des couleurs… Difficile alors d’avoir “la lumière à tous les étages” durant la semaine. Difficile d’apporter des réponses à toutes les questions qui vont émerger en jour 1…

Vous allez me dire :

“Ce serait super de recruter à l’extérieur, mais ça va coûter bien plus cher !”

En effet. Mais faire un Design Sprint sans les bonnes ressources, est-ce bien judicieux ?

Aussi, il est possible de voir avec le Sprint Master qui s’occupe de votre Design Sprint : il est possible qu’il puisse “inviter” des experts à découvrir la recette du DS en échange de leur présence gratuite ou à un prix jour très réduit.

“Si ce sont des extérieurs qui résolvent nos problèmes internes, quel intérêt d’avoir des personnes en interne ?”

Les collaborateurs en interne sont recrutés pour “faire le travail” qui leur à été assigné pour le quotidien de l’organisation, non ? Vous ne pouvez pas leur demander de devenir experts du numérique, anthropologue, futuriste etc…

Si vous faites un DS dans un hôpital pour repenser le service de chirurgie, vous n’allez pas demander qu’aux chirurgiens et infirmières de participer, il y aura certainement besoin d’autres formes d’expertises pour restructurer l’infrastructure, la culture, l’aménagement de l’espace, etc…

Inviter au moins un représentant de la cible finale.

L’idée ici est de co-construire le plus possible avec ceux qui portent le besoin réel. En effet, trop souvent, que ce soit dans l’univers start-up ou dans les grandes organisations, il est voulu de créer, pour les autres, les solutions adaptées pour eux… Sans les inclure dans la conception de leurs propres solutions… Souvent c’est par peur que “le client” se dise qu’il n’a pas besoin de ceux qui construisent les services pour lui si c’est lui-même qui doit réfléchir à ses propres solutions… Vous sentez comme moi ici le paquet de biais existants dans notre culture actuelle :

  • Le client est roi : il ne doit rien faire et on doit lui construire son monde confortable. Ensuite pour y accéder, il paie.
  • L’usager n’est plus responsable de lui-même. Il est en continue assisté par des services et des produits construis pour lui, parce que c’est “ce dont il a besoin”.
  • L’usager ne se pose même plus la question de ce dont il a réellement besoin…

Alors, tout l’intérêt de faire autrement que ces biais et de remettre du lien entre “client” et “prestataire” qui deviennent “partenaires” pour co-construire des solutions réellement utiles à des besoins réels et non pas des désirs crées pour vendre.

Et si des participants ne peuvent pas venir au moins les 3 premiers jours ?

Les inviter sur les temps “experts” du Sprint. En général, c’est le lundi après-midi et le mardi matin, Pour 30 mins à 1h max. S’ils ne peuvent pas venir sur place ? L’échange peut se faire à distance, téléphone ou visio. Si un échange direct n’est pas possible ? Demander en amont du DS des documents de cet expert, des pièces de ses recherches ou études préparées spécialement pour le challenge de la semaine. En gros, tout ce qui pourra être utile pour répondre aux questions des “How might we” prioritaires.

En définitif, votre équipe sera constituée d’un Sprint master, d’un réel décideur, de 6/7 autres (couleurs) points de vues et expertises nécessaire et peut-être 3/4 experts non présents dans l’équipe mais réellement nécessaire d’avoir au plus proche.

Avec la bonne équipe, nous avons les ressources les plus importantes !

Vous allez me dire :

C’est super, nous venons de traiter le cas idéal… Mais dans la réalité des choses, c’est toujours impossible de bloquer toutes “ ces personnes idéales” sur la même semaine.

Je répondrais le plus sincèrement possible : en effet, ce n’est pas simple et c’est pour cette raison qu’il faut s’accompagner d’un Sprint Master qui est le plus dynamique et intégré dans différents réseaux possible. Il vous aidera grandement à recruter des scientifiques s’il est dans ces milieux, ou des designers ou développeurs ou autres expertises.

Aussi, si comme pour ce groupe Medium le Sprint Master collabore avec d’autres sprints master, il pourra encore plus facilement trouver “les bonnes personnes” à recruter pour votre “bon moment”.

Pour finir, la loi du petit monde de Milgram fonctionne super bien, surtout avec internet ! Il est possible d’accéder à n’importe qui à une échelle de 4–6 relations ! Alors :

  • Ouvrons LinkedIn et cherchons l’anthropologue dont nous avons besoin
  • Elle/Il n’est pas disponible ? Lui demander de nous mettre en contact avec un anthropologue de confiance avec lequel nous pourrons collaborer
  • Ainsi de suite en effet rebond, jusqu’à trouver
  • Ainsi de suite pour toutes les expertises
  • Quand c’est pour des collaborateurs en interne, c’est un autre type de négociation à avoir avec les différents services…(ce point pourrait faire l’objet d’un article dédié…)

C’est pour cette raison qu’il est très important de commencer votre écriture du challenge initial ainsi que votre recrutement bien 1 à 2 mois avant la date du Sprint. C’est pour cette raison également qu’il faut définir la semaine du Design Sprint par rapport aux disponibilités des participants et non pas par rapport aux impositions des décideurs qui n’ont pas toujours raison d’être (sachant que personne ne connait jamais les réelles urgences de l’entreprise…).

C’est pour faciliter les meilleurs Design Sprint que des organisations comme AirBnB, par exemple, planifie 5 semaines spécialement pour ça sur l’année à venir : ils créent des slots de Design Sprint bien à l’avance sans même savoir ce qu’il vont mettre dedans, mais au moins, il y aura 5 jours pour focus sur un challenge (à écrire assez tôt quand même pour le recrutement, même si facilité par les créneaux arrêtés bien en avance).

Next step ?

Tool #3. Comment Préparer au mieux les autres ressources en entrée de Design Sprint ?

Nous avons le challenge, nous avons les humains. Si nous n’avons pas tous les humains, il nous faudra de la matière type études, recherches etc… Il nous faudra également un environnement de travail adapté, de la bonne nourriture, la logistique, des soirées adaptées, etc…

Ce sera pour un prochain article et vidéo sur Instagram !

Tool #2 en vidéo.

--

--