Un Design Sprint dans le secteur de santé …ou comment bien soigner sa conception produit !

Benjamin Richy
Design Sprint
10 min readMar 8, 2017

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Coucher de soleil sur Lyon pile au moment où nous terminons le scénario

Le contexte

Certaines pharmacies sont fédérées sous forme de groupement de quelques dizaines à centaines de pharmaciens. Le regroupement permet des économies d’échelle et une meilleure visibilité. C’est l’occasion de mutualiser certains services qui ne sont pas le cœur de métier du pharmacien : la comptabilité, l’agencement et l’implantation, la communication et bien d’autres.

Par exemple le groupement propose à ses adhérents pharmaciens des visuels de promotions, qui sont soit réalisés par leur agence de communication, soit par le groupement sous forme d’affichettes personnalisables imprimées par le pharmacien qui les place dans sa pharmacie.

Feuille de route : refaire l’outil de génération d’affichette PLV (Promotion sur le Lieu de Vente). Deux semaines pour produire une maquette de l’application.

Rappel sur la méthode utilisée : le Design Sprint by Google Ventures

Une équipe pluridisciplinaires et 5 jours pour passer de l’idée au prototype testable. Dans notre cas, l’objectif est de valider au plus tôt l‘application sans écrire une seule ligne de code. Voici les journées et étapes clés.

J1/MAP >>> undestand the problem

#long-term goal #map the problem #ask the experts #How Might We? # HMW #pick the target

J2/ SKETCH >>> diverge with tons of solutions

#remix #improve / #lightning demo #crazy8s #sketch

J3/ DECIDE >>> converge to choose the best

#sticky decision #vote #supervote #rumble #storyboard

J4/ PROTOTYPE >>> make a product that feels real

J5/ TEST… LEARN >>> listen to real users to decide what to do next

Le Design Sprint se concentre sur le “Quoi, le Pour Qui et le Pourquoi?” — Stéphane Cruchon

L’équipe

Nous constituons une équipe de choc avec le prestataire pour ce groupement en puisant dans les expertises mobilisables sur 3 jours pour réaliser ce Design Sprint.

  • Le Décideur : le directeur technique (CTO)
  • L’Experte métier qui connaît par cœur les pharmaciens pour avoir travaillé à leurs côtés, sur site ou avec des groupements
  • La Graphiste
  • Le Web Designer
  • Le Sprint Master

Vous me direz qu’il manque du monde comme la partie commerciale. Oui, mais indisponible. Il serait bon d’inclure un développeur également ? En effet, mais le Décideur est aussi un développeur chevronné.

Les interviews d’experts nous éclaireront judicieusement sur le sujet, nous choisissons le pharmacien évidemment, le marketing pour sa vision transverse et l’excellente connaissance du public groupement/pharmacien, et puis le service client très familier du quotidien du pharmacien et du lien avec son groupement.

Je joue le rôle du coordinateur “Design Sprinter” nommé aussi à juste titre Facilitator dans la méthode.

A quelle problématique devons-nous répondre durant ce sprint ?

Le produit est une application métier B2B pour générer des affichettes, bannières, flyer, leaflet, fiches conseils, etc. Le groupement compose les visuels et le pharmacien choisit le format des affichettes qu’il souhaite imprimer et placer en vitrine, au comptoir, en rayon, dans les sacs…

A première vue, un fonctionnel qui ne semble pas vraiment complexe ni trop riche, mais…la toute première étape de construction de la carte du problème va nous prouver le contraire et nous mettre dans le bain.

Objectif long-terme

Faciliter (automatiser) la gestion des campagnes de promotions pour le groupement de pharmaciens.

Questions à résoudre

  1. Faut-il valoriser les promotions du groupement et simplifier le travail du pharmacien en point de vente ?
  2. Comment mettre en valeur les prix sur des visuels PLV de qualité ?

Le choix de la cible

Plutôt que d’offrir au pharmacien un studio de design des affichettes PLV, nous nous concentrons sur la gestion des promos et la génération automatique des affichettes pour le groupement. C’est bien le groupement qui est la cible !

Qu’avons-nous produit en sortie de ce Sprint ?

Tout d’abord un scénario d’usage à deux visages : coté pile, le groupement, coté face, le pharmacien. Petite subtilité : en J3, nous avons décidé que l’interface utilisateur pour ces deux rôles devait être identique, le groupement ayant seulement plus de possibilités.

Le scénario première passe

Toutes les saynètes des 3 #sketchs retenus en début de J3 ont été réutilisées, ce n’était pas volontaire, cela s’est super bien imbriqué. Chance ou bon boulot en amont ?

Le scénario seconde passe

Je pensais que cela pouvait aller vite en une seule session de 50 min car le déroulé était bien calé…erreur !

  • Coup de pompe de l’équipe (classique le 3ème jour, c’est comme les vacances au ski, le mercredi ça coince “physiquement”).
  • Les personnes qui dessinent se posent trop de questions de détails sur le rendu visuel et pas assez sur l’interaction.
  • Quelqu’un revient sur un choix déjà établi et voté précédemment, mais le groupe coupe court.

Le facilitateur doit être très attentif avec du discernement pour la finition et l’emballage du scénario.

#storyboard fin de J3 — L’objectif n’est pas de faire du beau mains du bon !

Je permute les dessinateurs en cours de route afin de bien s’ancrer dans la réalité. Nous choisissons des exemples de promotions de Noël que l’on retrouve classiquement en pharmacie : coffret cadeau crème visage et mains, un stick à lèvres offert pour un lot de 3 crèmes à bronzer, une fiche conseil pour se protéger du soleil au ski, etc.

Tout le monde a bien joué le jeu pour rester dans l’esprit “racontons une histoire” #storytelling, avec notre touche perso : la fin de l’histoire boucle sur le début pour les promos du mois suivant. Sans oublier de bien soigner l’entrée en scène, dans un email du groupement vers le pharmacien, simple mais efficace et en phase avec leur quotidien.

Ensuite le scénario se transforme normalement en un prototype. Nous ajoutons une étape intermédiaire sous forme de wireframe (dessin d’écran sans habillage graphique) avec l’outil de prototypage Atomic.io,

Une fois ce wireframe validé par le groupement, nous pouvons plaquer rapidement une jolie couche graphique avec une charte soignée et inclure facilement les bons visuels produits avec de vraies promotions.

Qu’avons-nous appris grâce à ce Sprint ?

Qu’il ne faut pas savoir dessiner pour faire des croquis intelligibles, bien au contraire. Que les “designers” dont je fais partie ont tendance à vouloir trop détailler leurs croquis, ce qui brouille parfois le message délivré et la lisibilité.

Que l’interview du marketing a été déterminante — oui c’était prévisible — car elle remet en cause les 2 questions clés initialement formulées. Le pharmacien seul préfère le quick and dirty (peu de sensibilité sur le graphisme des affichettes). Le groupement peut “mâcher” le boulot en la jouant Corporate.

Que la méthode fédère toute l’équipe autour d’un objectif commun en moins d’une journée. Cela se passe au moment de trier ensemble les post-it lors du How Might We? pendant et après les interviews des experts.

Les Post-it #How Might We? s’organise naturellement sous l’impulsion du groupe

Anecdote : J1 tout le monde a mangé de son côté le midi, J2 la pause a permis de commander pour le midi : sushis pour tout le monde. J3 nous sommes tous sortis ensemble chercher à manger. ENSEMBLE. Rien n’avait été planifié ni concerté avant…

Travailler seul mais ensemble, le fameux Work Alone Together, bien décrit dans le livre SprintBook. Contrairement à une approche classique — où ça piétine en réunionite pendant des heures — il y a des phases de productions individuelles puis de partage sans jugement. Les membres de l’équipe se sentent valorisés, écoutés et possèdent un réel pouvoir de décision qui est le vote, même si le décideur peut faire pencher la balance au final avec son supervote !

Donner le pouvoir aux membres de l’équipe avec le vote et supervote rien qu’avec des gommettes… Tout le monde adore!

La méthode propose de chercher un nom pour le produit ou le projet, ce qui peut paraître anodin. Pour autant, cela matérialise un peu plus la production du groupe, c’est la micro-goutte de super glue. C’est aussi un superbe moment d’extraversion avant l’étape intense et délicate du storyboard.

Qu’est-ce qui a bien fonctionné/pas bien fonctionné durant ce sprint ?

The Bad

La gestion du temps a été délicate. Nous avons systématiquement commencé avec une demi-heure de retard chaque journée. Malgré le minuteur Time Timer, nous dépassions de 5 à 10 minutes les sessions. Il a fallu plusieurs fois battre le rappel à la fin des pauses et faire jouer l’autorité du minuteur et du Facilitateur.

Time Timer — Minuteur

L’étape du Crazy 8s — variation d’une même idée selon 8 angles différents — a été mal comprise au départ, donc petit blocage. Mais nous avons pris un peu de temps avec le Décideur pour redonner des consignes plus claires, bien que l’équipe ait l’impression de refaire encore la même chose. Pourquoi ne pas passer direct au storyboard ? Parce-que ce n’est pas par hasard qu’on y arrive, mais par petit pas !

L’étape où tout bascule !

The Good

Nous avons repoussé au maximum le moment de voir l’outil existant pour ne pas être influencé ni bridé dans la créativité ! Et ce fut finalement un très bon choix. En réalité, seul le Décideur a pu regarder l’existant dans l’étape de Lightning Demo. Nous l’avons tous découvert seulement après avoir fini le storyboard, et, oh surprise ! Nous avons couvert 90% de l’actuel tout en allant beaucoup plus loin !

J’ai pris le parti de présenter la méthode la semaine précédant la session de sprint. Ainsi, l’équipe a pu digérer, exprimer ses appréhensions et interrogations et nous avons adapté à la marge le déroulé avec eux.

L’organisation en sessions de travail courtes entrecoupées de pause a été bien appréciée par l’équipe car personne n’a subi d’interruptions. Le format 50/60 min + 10/15 min de pause marche bien.

The Best

Le Décideur décide. Enfonçons cette porte ouverte car il impératif que ce rôle soit parfaitement tenu, c’est salvateur sur un Design Sprint.

Tout le monde peut s’exprimer, tout le monde produit des idées fantastiques, tout le monde est au même niveau, mais dans les moments clés, le Décideur décide !

Il faut garder du jus sous le pied pour continuer à dynamiser l’équipe, surtout dans l’après midi du J3. Trouver des astuces pour qu’ils restent concentrés. Exemples : continuer à les nourrir (des mignardises ça cartonne !), leur faire chercher des visuels ou écrire des accroches au moment où le storyboard se dessine, faire tourner ces mini-rôles, insister pour choisir du contenu non factice.

Est-ce que la méthode Design Sprint a été modifiée ?

J1+J2+J3 = 2 jours ?

Dès le départ, nous avions en tête de rester au plus près de la méthode mais en compressant les 3 premiers jours en 2 seulement, car le périmètre et le terrain de jeu nous semblaient bien circonscrits.

Cette expérience nous montre que les J1, J2, J3 sont nécessaires et bien remplis, à moins d’enlever des étapes comme l’interview de plusieurs experts. Mais dans ce cas, c’est aussi se priver potentiellement de précieuses données terrain. A moins, d’inclure directement un (ou deux) véritable utilisateur dans l’équipe.

Pour rappel, la méthode n’inclut pas de phase de recherche utilisateur telle qu’on le pratique en UX, il est donc fortement recommandé de le faire au préalable pour injecter des informations clés dans J1.

Lightning Demo >>> Lightning Talk.

Lors de l’exploration de solutions inspirantes, nous n’avons pas réalisé de démonstration mais plutôt une restitution par binôme des éléments clés sous forme de post-it sur un mur d’inspiration.

J4/ Proto >>> J4 ~Wireframe

Tout l’équipe n’a pas construit le prototype directement, cette lourde responsabilité a été confiée au Web Designer, qui a produit un fantastique wireframe haute fidélité. Puis, nous avons fait un test à blanc, suivi d’une revue de groupe. Personne ne croyait que nous pourrions le boucler en un seul jour, mais ce fut presque le cas.

J5/ User Test

Les tests on été réalisés 3 semaines après le Design Sprint avec 6 personnes : deux pharmaciens, deux personnes chargés de l’animation commerciale / merchandising dans les pharmacies et le binôme chefs de projets du groupement. Cerise sur le gâteau, ils ont pu observer un test de leur “collègue” une fois le leur réalisé…un révélateur !

Expérience à renouveler ?

Oui ! C’est déjà prévu sur un autre projet pour une cible et une finalité totalement différente…

Résultat de ce Design Sprint : suite au test — qui à fait remonter beaucoup de suggestions, le groupement a fait un “Go” pour la suite du projet. Les développements sont lancés et un second test insitu est planifié avec plusieurs pharmacies.

Ce qui a le plus marqué le CTO dans son rôle de Décideur, c’est d’avoir pris des décisions plus orientées “business” que “technique”. Également, la capacité de la méthode à fédérer les forces en présence et aligner très vite les collaborateurs sur des objectifs communs et partagés. Produire autant et aussi riche en si peu de temps a été une vraie bonne surprise pour tous.

Est-ce le côté magique de la méthode ? Néanmoins, il faut l’utiliser à bon escient car elle n’est pas toujours adaptée à toute situation, projet ou contexte.

Si vous souhaitez en savoir plus savoir plus sur comment utiliser la méthode dans votre contexte métier contactez moi ou Fabrice Liut

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Benjamin Richy
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