La Valse du Temps…

Clémentine à Bicyclette
Nouvelles Portes.
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5 min readDec 9, 2016

Bonjour je m’appelle Jean, je ne sais plus quand je suis né car j’ai la vague impression que j’ai toujours existé.

Je suis le grand “foudroyeur” des retardataires, les « 5 min de retard » et autres « mais j’ai une très bonne explication !!! … » trépignent devant moi!

Ce n’est pas vraiment ma faute en réalité. J’étais là bien tranquille planant au-dessus des autres puis sans m’en rendre bien compte je suis devenu un élément de mesure !

Je suis le grand calculateur, celui par qui se mesure la vie, ce monde qui grouille et qui s’anime. Grâce à moi chacun peut calculer tout ce qu’il n’arrive pas à quantifier.

Ce n’est pas vraiment ma faute en réalité, seulement que là-haut, à ceux qu’on dit qu’ils sont les grands de ce monde, il leur fallait un élément pour comprendre ce qu’ils ne pouvaient maîtriser, alors sans m’en rendre bien compte je suis devenue l’élément décisif aux prises de décisions, la limite que l’on ne peut dépasser.

Grâce à moi, les marchés financiers fulminent, les rendez-vous abondent, les kilos en trop sont démasqués et finissent par disparaître!

Je suis celui qui régule les populations, grâce à moi chacun peut envisager la date de fin de quelque chose.Moi qui ne demandais rien, je suis devenu l’emblème de la gestion de leurs journées. Grâce à moi ils décident quand commence, et quand se finit un travail.

En réalité ça n’est pas ma faute, je ne pensais pas que j’avais le pouvoir de décider lorsque quelqu’un devait être productif ou non, mais apparemment maintenant grâce à moi, vous n’avez plus le choix, il parait que c’était plus simple pour calculer …

Oui, parce que je suis celui qui vous permet de vivre!

Grâce à moi chaque bon travail est rémunéré, peu importe que les gens soient à leur place ou non d’ailleurs, heureux ou malheureux…

Je m’appelle Jean Temps, et non je ne fais pas que passer, mais si tu sais déjà tout ça , moi j’ai mis du temps à l’entendre…

Tout ça à commencé à cause de Val.

Elle ce qu’elle adore par-dessus tout quand on est ensemble, c’est d’ avoir le dernier mot !

Ce qu’elle peut m’énerver quand elle fait ça ! On ne peut pas toujours avoir raison, mais je crois qu’elle le sait, et qu’elle aime juste me voir réagir, elle aime bien m’agacer… Elle dit que « c’est en faisant ça » qu’elle me montre « qu’elle m’aime bien », que quand elle n’aime pas, elle ne perd pas son temps à discuter …

Mais Val ce qui là rend heureuse, c’est danser.

Jusqu’à l’épuisement sans raison, juste parce qu’elle dit qu’elle a “l’impression” que pour une fois elle “fait ce qu’elle veut !”. Elle dit qu’elle a la sensation d’être plus libre.

C’est un spectacle étonnant, comme un animal qu’on aurait enfermé en cage un peu trop longtemps, et qu’à force d’écorcher les barreaux, elle a réussit à se frayer un chemin pour pouvoir goûter à, comme elle me le dit, « ce qu’on lui refuse ! ».

Un soir en discutant je lui ai dit que je ne là comprenais pas.

Non mais je suis “Jean Temps” ! “Même si je n’ai rien demandé, je suis devenu quelqu’un d’important, c’est tout de même grâce à moi qu’il se passe tout ce qu’il se passe ! MOI qui fait marcher les systèmes, MOI qui régule les notions, MOI qui donne une mesure aux journées …!”

Elle s’est marrée … La cruche …

Puis au bout de 2 min d’un fou rire ininterrompu, elle m’a dit que ça la “rendait triste”.

Pas que je ne la comprenne pas, mais que je ne prenne pas le temps de là comprendre.

Elle m’a dit que “je n’étais pas le facteur par quoi tout se décidait, mais qu’on avait besoin de se reporter sur quelqu’un pour que, ce que l’on avait mis en place, ait du sens”. Ils leur fallait un coupable si jamais les choses tournaient mal …Un temps imparti, pour pouvoir punir ceux qui ne suivaient pas le mouvement.

Finalement je n’étais pas le sauveur, mais le bourreau, parce que j’avais fini par penser que ceux d’en haut, qui gèrent le monde, avaient raison. Elle m’a dit « TOI qui apparemment mesure, TOI qui conditionne, TOI qui est manifestement le décideur du cycle de la vie TU ne t’es pas arrêté pour OBSERVER!”

Arrêter ! Mais je suis Jean Temps je ne m’arrête pas !

Furieux, on est rentré chacun de notre côté …

C’était la première fois que je restais si longtemps sans là voir… Des mois s’étaient écoulé…

Un soir que je rentrais harassé d’une journée où chacun avait encore tout décidé grâce à moi, je commençais à me dire qu’elle avait peut-être raison.

Que je n’étais pas la cause, mais le facteur qu’ils avaient choisi, lorsqu’ils ne savait justement pas comment se décider, et tout ça sans me demander mon avis…J’avançais un peu las, l’esprit lourd…

Il faisait nuit, l’hiver avait commencé à nous geler lentement mais surement, le bout du nez, et l’extrémité des mains.

On ne c’était pas reparlé depuis des mois, et je l’ai aperçu.

Là, assise sur un banc en pierre.

Seule dans le froid, emmitouflé dans son manteau tout rouge. On aurait dit une petite lumière peinant à se faire un chemin dans le noir.

Elle avait la tête en l’air…

Ça non plus je n’étais jamais parvenu à le comprendre, j’avais passé beaucoup de temps à lui dire qu’il fallait redescendre et avoir les pieds sur Terre, et elle, beaucoup de temps à camper sur ses positions…

Mais maintenant que je la voyais là, j’aurais bien aimé aussi l’avoir moi, la tête en l’air.

Doucement je l’ai suivie du regard, manifestement elle écoutait de la musique parce qu’elle avait son casque bien ficelé sur les oreilles et les yeux fermés.

Elle s’est levée, elle avait dû changer de musique parce que son visage s’est métamorphosé en un instant.

Elle souriait. Tu sais pas le sourire factice du « bonjour je suis Jean commerciale pour une boîte qui vend du macrobiotique, et vous ça va? », non tu sais, le sourire ou on a l’impression que c’est de l’intérieur que ça vient…

Et elle s’est mise à danser.

Son manteau se mouvant autour de ces jambes et battant la mesure au rythme de ses pas. On aurait dit qu’elle volait, tournoyant, sautant.

Un pas en avant, puis un autre en arrière, puis sur le côté…

Et elle recommençait inlassablement, les mains légères qu’elle balançait de bas en haut, son corps voletant au milieu de la place, tout ça finissant par former une valse parfaite, dont je pense elle n’avait pas conscience, car Val ne sais pas danser, elle aime juste bouger, enfin c’est ce qu’elle m’avait dit…

Bonjour je m’appelle Jean Temps, et un soir, pendant 10 minutes je suis resté suspendu…

Si même le temps fini par choisir, il serais peut être l’heure de faire pareille

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