Mail et poste

Alain Jacquemin
Abécédaire du studio
2 min readMar 4, 2014

D’abord , il faut parler d’entrepôt ! Pourquoi ce circonflexe sur le “o” ? Parce qu’il marque l’antériorité d’un ”s” qui a disparu. Donc il ne s’agissait pas de “poser entre” (d’où entreposer) mais de laisser à poste (d’où poster).
Mettre à poste consistait d’abord, à attacher grace à une longe des chevaux, depuis leur licol jusqu’à un poteau, prêts à remplacer les montures fatiguées d’un attelage qui n’avait pas fini sa course. C’était le relais de poste. Ce qui a donné “la poste”, puisque le “courrier” courrait au galop des chevaux de la voiture qui l’ “acheminait au plus vite”, qui se dit en latin diligere, d’où diligence.
Lorsque les cheveaux étaient placés à l’abri des intempéries, l’entrepôt portait un nom bien particulier dont a oublié la signification originelle: l’angarium, le lieu où l’on gardait les animaux de traits à louer. Pourquoi aujourd’hui hangar prend un “h” initial ? Peut-être à cause de l’origine persane du mot dont la première syllabe était aspirée, selon Hérodote… Or désormais, Hérodote ne parle plus qu’à quelques éminents hellenistes, et chacun sait que depuis Voltaire, plus personne ne sait le persan !
Le hangar était ouvert à tous les vents tandis que l’écurie était presque fermée sauf une huis conséquente, la porte cochère, par où pénétrait le préposé à l’échange des montures à poste : le postillon. Les voyageurs qui attendaient la malle-poste, ou la diligence, préfèraient l’air libre du hangar aux remgugles et à la pénombre de l’écurie. Pour les faire patienter on avait installé de quoi consommer quelques roboratives boissons. On s’y faisait des copains entre les poteaux : des potes, autant à cause des poteaux que des “pots” et des pichets.
De l’autre côté de la Manche chez les descendants de la maison d’Anjou depuis toujours versés dans la distribution du cabernet, du chenin et autre chardonnay, couronnés souverains britaniques, la “malle poste” qui transportait les lettres, les messages et les colis, et les fioles, est devenu “mail” et désigne depuis la Guerre de Cent ans et encore aujourd’hui le courrier.
Mais, désormais, on se fait des “potes” sur un internet sans avoir nécessairement besoin de désaltérer ses interlocuteurs, non plus à coups de carafon, mais en émettant un e-mail.

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