Elle avait toujours eu du mal avec les portes d’entrée.
(She has always had problems with doorsteps.)
Elle avait toujours eu du mal avec les portes d’entrée (surtout sur rue). Peu encline à sonner parce qu’elle-même supportait mal la stridence des arrivées quand elle était à l’intérieur, elle s’exécutait malgré tout, espérant en entendre l’écho de l’extérieur… Car trop souvent, les voitures et le bruit ambiant couvraient la confirmation de sa bonne utilisation de la sonnette. Lorsqu’elle n’avait rien perçu et que la porte restait close, elle n’osait appuyer une seconde fois, de crainte de déranger, de paraitre impatiente. Il lui arrivait de temps à autre de frapper, sans grand succès. Fréquemment, elle attendait de longues minutes, angoissée à l’idée du retard en train de se préparer, voire de croître.
Il serait toutefois malhonnête de ne pas reconnaître l’aide précieuse des téléphones mobiles, qui, arrivés à l’orée de sa vie d’adulte, lui sauvèrent bien souvent la mise. Elle pouvait ainsi s’annoncer par un coup de fil ou un message, ce qui augmentait ses chances d’être entendue sans fracas.
Devant la généralisation des interphones, elle constata qu’il était rarement indiqué s’il fallait s’annoncer ou simplement entrer une fois la porte ouverte. Quand la voie se dégageait sans qu’aucune voix ne lui parvienne, la sienne lançait un « merci » au cas où, dans un souci de politesse.
Il était courant que le « clic » de déverrouillage fût si discret qu’il lui demeurait imperceptible. À moins qu’il n’eût pas lieu. Discrètement, pour masquer son trouble et ne pas sembler manquer de civisme, elle tentait donc d’actionner la poignée, qui, assez rarement, bougeait.
D’autres fois, bien que l’ouverture fût tout à fait sonore, elle restait si furtive qu’il lui fallait à plusieurs reprises appuyer sur le générateur de bruit, provoquant, ELLE LE SAVAIT, l’agacement de la personne préposée à l’octroi du sésame. Son cœur lui hurlait « Mais, bordel, quelle gourdasse et quelle emmerdeuse tu fais ! »
Occasionnellement, quelqu’un entrait ou sortait, lui donnant accès au lieu : alors, elle hésitait, craignant de passer pour une malhonnête opportuniste. Ou encore une nouille hésitante. Bref, enfin entrée, elle se sentait déjà comme une nuisance. Ainsi, elle avait toutes les cartes en main pour être en confiance et s’affirmer lors de la prestation qui allait suivre, qu’il s’agisse d’une consultation médicale à quatre-vingt balles ou d’un rendez-vous professionnel crucial.
