J’ai posé mon fardeau d’impostrice il y a pas loin de 4 ans.

Après 15 années émaillées de cumul des mandales professionnelles, de frustration, de fatigue, d’échecs, je venais de me prendre un énième revers, humiliant avec ça.

Oli CLEMENT
About a job
3 min readApr 5, 2021

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De trouille, j’avais exprimé plein de réticences envers le recruteur avant de me laisser charmer et d’entrevoir la possibilité d’une collab. C’est tellement ma signature de sabotage que je me collerais des droites.

Bref, ça devenait sérieux, alors on m’a envoyé passer l’épreuve RH externalisée. En quelques minutes, j’avais non seulement compris que c’était foutu, mais aussi, que le pire de moi-même avait été percé à jour.
Quand, à la tombée de la nuit, le bâtiment m’a recrachée, je me suis sentie crever de rage et de désespoir.

Peu après et c’est lié, j’ai rencontré ma coach. Inspirante, passionnante, dissidente et forte, même si ces adjectifs me semblent bien fades pour la décrire.

J’ai posé mon fardeau d’impostrice il y a pas loin de 4 ans.

Jusque-là, j’avais tenu le coup en me répétant qu’il me manquait telle compétence pour être embauchée, payée et respectée. Bien entendu, dès que je maîtrisais quelque-chose, l’étendue de ce que je ne savais pas faire m’apparaissait plus immense que jamais, m’obligeant à temporiser : « T’es encore trop nullach’, bosse plus dur ! »

J’ai posé mon fardeau d’impostrice il y a pas loin de 4 ans et j’ai ressenti une forme d’ivresse à pouvoir te le dire, à toi qui passais par là.

Je pensais que ça pourrait t’aider, en aider d’autres peut-être. C’est arrivé quand j’ai compris : les compétences, globalement, ça s’acquiert. Chaque personne peut progresser dans ses domaines de prédilection. Avec des conditions pas trop défavorables et de l’entraînement, évidemment. Donc, si je ne trouvais pas ma place professionnellement, ce n’était pas parce que j’étais incompétente, ni paresseuse. Liesse.

J’ai posé mon fardeau d’impostrice il y a pas loin de 4 ans, puis, j’ai pigé.

En tant que prestataire, on louait souvent mon travail, ça me rendait tolérable. Au point de me donner parfois l’audace d’évoquer une candidature avec le retour quasi-immédiat « Oh, non, surtout pas quelqu’un comme toi ici ! ». Les contours de ce « toi » restaient flous, mais nettement indésirables.
Le problème n’était donc pas : « ce que je fais » mais « qui je suis ».
Et à bien y réfléchir, je n’avais jamais été réellement insérée professionnellement. Crois-moi, regarder tout ça en face, c’est bien bien bien dégueulasse.

Fauteuil de bureau tourné vers la droite face à un mur. À l’arrière plan, la vitrine d’un laboratoire de biologie médicale.
Savoir où est sa place ? Credits : Oli CLEMENT

Pour me protéger du rejet et des mauvais castings, j’ai renoncé au salariat pour rester freelance. Avec ma coach, on a bossé sur ce qui coinçait. J’ai tellement grandi et appris que je ne regrette rien. De toute façon, sans ça, je me disloquais.

Assez rapidement, annulations et décalages de projets, retards de paiement, erreurs informatiques, litiges et soucis de santé* se sont succédés. Quand est venue la crise sanitaire, quasi-parfait point d’orgue d’une savante chorégraphie du méta-emmerdement, ma fragile ébauche d’un avenir respirable a fini de voler en éclats.

J’ai posé mon fardeau d’impostrice il y a pas loin de 4 ans et ça ne m’a pas rapproché de l’emploi.

J’avais juste lourdé mon doudou avant d’être prête. Dans un contexte de burn out avec impossibilité de me reposer : fallait payer le loyer. Je te prie de croire qu’aller jouer la comédie de l’entrain en entretien en balançant des bullshit words parce que ma vie en dépendait, ça sonnait plus faux que jamais.

J’ai posé mon fardeau d’impostrice et en fait, c’était juste le FUCKING-MÉTA-BAD.

*une blessure ou une maladie n’ont pas besoin d’être graves pour entraîner des conséquences financières ou sociales dramatiques quand on est freelance.

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Oli CLEMENT
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Accompagnement au changement par l’innovation numérique, sociale et organisationnelle. Neurodivergence, inclusion, tout ça. Aime beaucoup lire et un peu écrire.