Rencontre avec Axel Dauchez, fondateur de Make.org

Aider les citoyens à se réapproprier les institutions et leur permettre de retrouver un sentiment de démocratie permanent par le biais d’une Civic Tech. Une organisation qui établit de nouveaux outils numériques pour permettre à tous de peser dans le débat public. Le choix peut paraître audacieux mais sonne comme une évidence pour Axel Dauchez, fondateur de Make.org. Retour sur son parcours.

Quand Axel Dauchez, ancien étudiant de Polytechnique parle de sa carrière et de son leitmotiv, il parle d’aventure. Pas de challenge. “J’ai une préférence pour le mot aventure qui retrace l’importance du trajet, des combats au quotidien et du collectif, des rencontres que l’on peut faire. En opposition au mot challenge qui instaure davantage la notion de but”, explique Axel Dauchez. Une précision sémantique qui en dit long sur celui qui a été le directeur général de Deezer à son lancement en 2010. Puis président de Publicis France en 2014.

“Pour chacune de ces expériences, je ne savais pas si elles allaient fonctionner mais il y avait la possibilité de construire des choses à grande échelle, avec un trajet semé d’embuche… Des éléments moteurs qui m’ont poussé à accepter à chaque fois.” Des projets intenses qu’il vit comme une drogue. Problème ? Axel Dauchez a besoin de plus notamment en terme d’engagement social. “Jusqu’à présent tout ce que j’avais accompli n’avait pas ou peu d’impact pour aider les gens dans leurs problèmes du quotidien. Or je suis arrivé à un moment de ma vie où j’ai eu envie d’accomplir quelque chose qui ait un sens”, confie Axel Dauchez.

Fervent défenseur de la démocratie, Axel Dauchez décide d’en faire son combat. “En tant que citoyen lambda, j’ai pu constater que le lien été rompu avec les institutions depuis des années. Or la démocratie est le ciment de notre société. C’est sur cela que j’ai décidé d’agir,” commente Axel Dauchez. Avec Alicia Combaz (ex-Deezer) et Samuel Bernard (ex-Criteo), il lance Make.org en 2017. Une plateforme pour concerter les citoyens sur les questions de société qui font débat pour trouver concrètement des solutions et agir rapidement. “Au final, le plus dur a été de trouver un modèle économique fiable et surtout indépendant car on ne peut pas parler de démocratie sans liberté et indépendance”. Des principes auxquels, il était hors de question de déroger. Pour cela, les investisseurs n’ont pas voix au chapitre. Ils permettent le financement mais ne peuvent pas intervenir sur les décisions prises en interne. De plus, un conseil éthique est mis en place avec des utilisateurs de la plateforme ainsi que des instances pour réaliser des contrôles sur le bon fonctionnement de l’entreprise quatre fois dans l’année.

Dans les faits, Make.org ne repose pas seulement sur les consultations de citoyens mais sur trois types d’opérations : les grandes causes, les grands débats et les consultations d’engagement. “On a créé les grandes causes car nous voulions agir concrètement aux problèmes que rencontrent les citoyens, pour transformer directement la Société par la société civile et ce, dès 2017.” Make.org orchestre donc de grandes coalitions réunissant des centaines de milliers de citoyens, des associations, des entreprises, des institutions et des médias autour d’un programme de 3 ans, pour agir sur un sujet d’intérêt général comme lutter contre les violences faites aux femmes.

Les consultations d’engagement, quant à elles permettent de transformer les entreprises et les administrations par leurs collaborateurs et par les citoyens comme par exemple permettre au MIPIM (Marché international des professionnels de l’immobilier) d’imaginer la ville de demain ou encore au G9+ (groupement de professionnels du numérique issus des Grandes Écoles) d’identifier les moyens de faire éclore des champions européens du numérique.

Enfin, les grands débats, clef de voûte du projet, servent à transformer les institutions et la démocratie par les citoyens. Pour cela, les participants répondent à une question ouverte d’intérêt général. Le plus ? Chacun peut faire des propositions et voter sur celles des autres participants. Par la suite, des algorithmes permettent de mesurer l’engagement et l’adhésion des citoyens. “Ce sont ces petits détails qui nous distinguent d’un institut de sondage lambda”, précise Axel Dauchez. Un système ingénieux qui a fait ses preuves puisqu’en 2019, Make.org a lancé la plus grande consultation jamais organisée dans l’Union européenne, WeEuropeans, dans 27 pays, qui a fait émerger les 10 propositions plébiscitées par les citoyens à travers l’Europe. Make.org et plusieurs grands médias ont également mené une consultation lors du Grand Débat National pour révéler les principaux consensus et controverses qui animent véritablement les Français. “Nous espérons par ce biais, réinstaurer le dialogue entre les citoyens et les institutions”, confirme Axel Dauchez.

Depuis son commencement, quatre levées de fonds ont été réalisé avec succès pour Make.org. “Le projet a un réel écho auprès des gens. Il est perçu avec beaucoup de bienveillance, ce qui aide et stimule les équipes qui s’investissent énormément”, s’enthousiasme Axel Dauchez. Ultime preuve de l’engouement, depuis son lancement Make.org rassemble plus de 15 millions de citoyens. Des éléments qui encouragent Axel Dauchez et son équipe à continuer l’aventure. “Pour la suite, nous espérons passer de 30 à 50 projets dit “Grandes Causes”. Comme l’intégration des personnes handicapées dans notre société. On souhaite de plus en plus voir le résultat de notre travail par des actions concrètes. Nous avons aussi l’envie d’ouvrir davantage le dialogue sur l’Europe et aux européens, donc”, s’enthousiasme Axel Dauchez. De quoi, définitivement faire entrer Edgar Morin et son concept “d’intelligence collective” dans l’ère du 3.0 !

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