Comprendre l’investissement responsable

10 termes à connaître

Thibaud Amrane
ActiveSeed
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7 min readNov 24, 2020

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Le 13 septembre 1970, Milton Friedman — considéré comme l’un des économistes les plus influents du XXᵉ siècle — publiait un article intitulé “La responsabilité sociétale de l’entreprise est d’augmenter ses profits” dans le New York Times Magazine [1].

50 ans plus tard, le monde a changé.

Le débat sur la Responsabilité Sociale des Entreprises (RSE) a évolué de sorte que les arguments développés par l’économiste américain sont aujourd’hui réfutés par une large majorité d’acteurs.

Le monde dans lequel on considérait les entreprises comme des acteurs indépendants de leur environnement, est révolu.

Du point de vue des investisseurs professionnels, l’obligation fiduciaire a longtemps été considérée comme un obstacle à la prise en compte des critères Environnementaux, Sociaux et de Gouvernance (ESG). Reflétant le cheminement effectué par les entreprises, l’interprétation moderne de l’obligation fiduciaire reconnaît que l’absence de considération pour les facteurs créateurs de valeur à long terme — dont les critères ESG font indéniablement parti — serait un manquement aux obligations des intermédiaires financiers envers leurs clients.

C’est ainsi que depuis quelques années, les expressions se multiplient pour désigner de nouvelles méthodes d’investissement plus responsables.

Alors l’investissement responsable, c’est quoi ?

L’investissement ESG fait partie d’un concept plus large : celui d’investissement responsable.

Si l’investissement ESG s’intéresse à la manière dont les questions ESG peuvent avoir un impact sur le rendement des actifs à long terme, l’investissement responsable a pour ambition de refléter les valeurs des investisseurs dans leur stratégie d’investissement.

C’est donc un terme générique désignant les différentes façons dont les investisseurs peuvent considérer les enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance dans la sélection d’actifs et la construction de portefeuilles. Dépassant l’analyse financière traditionnelle, le concept combine des éléments financiers et extra- financiers dans une analyse holistique.

A date, il n’y a pas de standard clairement établi, les différents types d’investissements responsables se chevauchent et évoluent continuellement. L’absence de terminologie admise par tous démontre que nous sommes encore au commencement d’une nouvelle ère. Pour l’épargnant, la multitude d’approches peut légitimement prêter à confusion.

Ainsi, il s’avère impératif d’expliciter quelques méthodes d’investissement pour que chacun ait les moyens de prendre des décisions d’éclairées.

1. L’investissement responsable

L’investissement responsable est une pratique visant à intégrer les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions d’investissement. L’investisseur responsable examine à la fois la manière dont les critères ESG peuvent influencer le rendement ajusté du risque d’un actif et la stabilité d’une économie, mais également comment l’investissement dans ces entreprises impacte la société et l’environnement à long terme. C’est donc un terme générique qui regroupe une multitude d’approches.

2. L’investissement socialement responsable

L’investissement socialement responsable (ISR) définit des approches qui appliquent des critères sociaux et environnementaux dans l’évaluation des entreprises. Les investisseurs notent les entreprises en utilisant un ensemble de critères, généralement choisis en conjonction avec des pondérations sectorielles. Un seuil minimal est défini pour la qualification au sein de l’univers d’investissement. Ces informations servent de première sélection pour créer une liste d’entreprises retenues. Ce classement ISR peut ensuite être combiné avec des approches thématiques, des gestions de conviction ou des stratégies quantitatives. Depuis 2016, le label ISR [2] donne une meilleure visibilité à ce type de véhicule d’investissement en France.

3. L’approche “Best-in-class”

L’approche “Best-in-class” vise à privilégier les meilleures pratiques des entreprises quel que soit le secteur d’activité dans lequel elles évoluent. En règle générale, les entreprises sont notées sur une multitude de paramètres qui sont pondérés en fonction du secteur d’activité. En raison de son approche tous secteurs, cette méthode est couramment utilisée dans les stratégies qui tentent de répliquer les caractéristiques d’un indice. La sélection des titres vise alors à maintenir une diversification régionale et sectorielle ainsi qu’un profil similaire à celui de l’indice de référence, tout en ciblant les sociétés qui ont une bonne notation ESG.

A titre d’exemple, l’erreur de réplication — la tracking error — de l’indice MSCI World SRI, dont la méthodologie vise à inclure les titres des sociétés les mieux notées en terme ESG et représentant 25% de la capitalisation boursière de chaque secteur et région de l’indice de référence, n’est que de 1,92% [3].

4. L’investissement durable

L’investissement durable désigne la sélection d’actifs qui contribuent d’une manière ou d’une autre à une économie durable, en ce sens qu’ils minimisent l’épuisement des ressources naturelles et sociétales. Il s’agit d’un terme général qui peut être utilisé pour décrire différentes approches ESG.

Le terme est souvent utilisé pour désigner les entreprises à impact positif ou les entreprises qui bénéficieront de macro-tendances durables. Il peut également être employé pour décrire une stratégie d’exclusion envers les activités considérées comme contraires à la durabilité environnementale à long terme, comme l’exploitation des énergies fossiles.

5. L’investissement thématique

L’investissement thématique consiste à sélectionner les entreprises liées à un thème en particulier comme les technologies propres, l’agriculture durable, ou le changement climatique.

Les fonds thématiques sélectionnent des entreprises dans divers secteurs pertinents pour le thème qu’ils promeuvent. Un fonds « smart city » par exemple, peut investir dans des entreprises proposant des activités liées aux véhicules électriques, aux transports publics, aux énergies renouvelables ou à l’immobilier vert.

Tous les fonds thématiques ne sont pas considérés comme « responsables » mais les initiatives favorisant les entreprises et les entités publiques qui contribuent à la transition se multiplient.

6. L’investissement vert

L’expression investissement vert désigne l’allocation de capitaux sur des acteurs qui visent à relever les défis environnementaux tel que le changement climatique, la perte de biodiversité ou l’utilisation inappropriée des ressources naturelles. Ceux-ci peuvent inclure les technologies qui contribuent à résoudre des problèmes environnementaux particuliers comme la production d’électricité et de véhicules à faible émission de carbone ou la gestion des déchets.

L’investissement vert peut donc être considéré comme une vaste sous-catégorie d’investissement thématique. Les obligations vertes — un type d’instrument spécifiquement destiné à collecter des fonds pour des projets climatiques et environnementaux — en sont un bon exemple.

7. L’investissement social

L’investissement social concerne l’allocation de capital sur des actifs qui répondent exclusivement aux défis sociaux. L’expression “Bottom Of the Pyramid” — en français, la base de la pyramide — a été popularisée par les économistes CK Pralahad et Stuart L. Hart [4] à la fin des années 90 en développant leurs travaux sur l’adaptation du modèle capitaliste pour les 4 milliards d’humains qui vivent avec moins de deux dollars par jour. Il s’agit de promouvoir les initiatives concrètes pour l’accès aux soins ou à l’eau potable par exemple.

L’investissement social peut prendre la forme de projet de microfinance ou d’obligation à impact social, un mécanisme engageant le secteur public pour de meilleurs résultats sociaux.

8. L’impact investing

L’Impact investing — parfois appelé investissement solidaire en français — se distingue des stratégies précédemment citées en ciblant des acteurs non cotés. Il s’agit d’investissements réalisés dans l’intention spécifique de générer un impact social positif et mesurable parallèlement à un rendement financier. Ceux-ci peuvent associer différents instruments tels que la dette privée, le capital-investissement ou l’immobilier.

Le suivi de l’impact convenu est généralement au cœur de la proposition d’investissement. Ce type d’investissement ne concerne pas l’épargne investie sur les marchés financiers de façon diversifiée mais constitue une option complémentaire pour certains investisseurs.

9. L’Investissement éthique

L’investissement éthique s’entend comme étant conforme à certains principes, utilisant un filtre d’exclusion pour éviter d’investir dans des entreprises dont les produits et services sont jugés moralement répréhensibles par certaines religions, déclarations ou conventions internationales.

Les exclusions typiques concernent le tabac, l’alcool, la pornographie, les armes nucléaires et plus généralement toute violation de la déclaration universelle des droits de l’homme ou de la déclaration de l’OIT relative aux principes et droits fondamentaux au travail [5].

10. L’engagement actionnarial

L’activisme actionnarial est une pratique par laquelle les investisseurs cherchent à influencer les décisions des entreprises soit par le dialogue avec les mandataires sociaux, soit en exerçant leur droit de vote lors des assemblées générales.

Cette méthode est complémentaire aux approches précédemment décrites pour encourager les entreprises à agir de manière plus responsable. Son efficacité dépend de plusieurs paramètres dont le poids des actionnaires qui souhaitent mettre en place ce type d’actions.

La pratique est très rependue aux Etats-Unis. La lettre de Larry Fink [6] — CEO de Blackrock, le plus grand gérant d’actifs au monde — aux dirigeants des sociétés cotées : « Vers une transformation fondamentale du secteur financier » publiée début 2020 en est une bonne illustration.

En conclusion,

L’investissement responsable désigne différentes pratiques en constante mutation qui se développent avec l’évolution de la technologie, de la réglementation et des exigences des investisseurs.

Ajoutant à la confusion, certains termes définis dans cet article sont parfois utilisés de manière interchangeables. Au-delà de la terminologie, le degré de maturité de l’industrie financière sur ce sujet comporte encore ses limites.

Depuis le lancement d’ActiveSeed, nous avançons sur le chemin d’un investissement responsable et accompagnons la conversion de l’économie vers des équilibres durables. Pour l’épargnant, cette transformation doit se faire en respectant les principes fondamentaux de diversification et de maitrise des coûts.

Aujourd’hui, nos portefeuilles ISR représentent une solution diversifiée à coût compétitif qui favorise les acteurs responsables. Ils seront continuellement améliorés à mesure que l’accès aux données de meilleure qualité progresse, que les coûts baissent, et que la disponibilité des supports d’investissement responsables s’élargit.

Cette évolution prendra du temps, elle se fera de manière collective.

La transformation sera encouragée par l’augmentation des flux vers ces initiatives. C’est bien là le pouvoir que chacun peut exercer par ces choix d’investissement.

[1] “A Friedman doctrine‐- The Social Responsibility Of Business is to Increase its Profits”, The New York Times Magazine. September 13, 1970 https://graphics8.nytimes.com/packages/pdf/business/miltonfriedman1970.pdf

[2] Pour en savoir plus : https://www.lelabelisr.fr/

[3] MSCI World SRI Index. https://www.msci.com/documents/10199/641712d5-6435-4b2d-9abb-84a53f6c00e4

[4] “Strategies for the Bottom of the Pyramid: Creating Sustainable Development”, Pralahad et Stuart L. Hart. 1999 https://www.researchgate.net/profile/Stuart_Hart4/publication/268425222_Strategies_for_the_Bottom_of_the_Pyramid_Creating_Sustainable_Development/links/555b2b3508aeaaff3bfc0f66/Strategies-for-the-Bottom-of-the-Pyramid-Creating-Sustainable-Development.pdf

[5] Pour en savoir plus : https://www.ilo.org/declaration/lang--fr/index.htm

[6] « Vers une transformation fondamentale du secteur financier » https://www.blackrock.com/fr/intermediaries/larry-fink-ceo-letter

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Thibaud Amrane
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