La copie privée pour lutter contre la piraterie

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3 min readMar 26, 2018

Lors de la dixième édition du Marché des Arts et du Spectacle d’Abidjan (MASA) — qui s’est tenu du 10 au 17 mars 2018 à Abidjan — la question de la protection des droits d’auteurs a été, à nouveau, soulevée face à la contrefaçon devenue monnaie courante en Côte d’Ivoire. La solution, trouvée et vantée au cours de cet évènement est la copie privée. Le ministre de la culture a, de ce fait, fait savoir que cette mesure existe depuis une loi de 1996 et qu’elle fait l’objet d’un processus qui a aboutit en 2016.

La copie privée est l’une des exceptions au droit d’auteur : l’auteur ne peut interdire les copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective. L’article 24 de la loi de 2016[1] dispose, à cet effet, que « Lorsque l’œuvre a été licitement rendue accessible au public, l’auteur ne peut interdire :

-les représentations ou exécutions privées effectuées exclusivement dans un cercle de famille, si elles ne donnent lieu à aucune forme de recette ;

-les reproductions ou copies destinées à un usage strictement personnel et privé, et non affectées à une utilisation collective, à l’exception des copies d’œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée et des programmes d’ordinateur, en dehors des copies de sauvegarde, ainsi que les copies ou des reproductions d’une base de données électronique ; » [2].

Quant à la rémunération de l’auteur de l’œuvre, dans le cadre de la copie privée, elle consiste en une redevance ponctionnée sur les supports d’enregistrement au profit des titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins au titre des copies d’œuvres réalisées sans leur autorisation préalable. Ainsi, l’article 101 de la loi de 2016 prévoit que « l’auteur et l’artiste-interprète des œuvres fixées sur phonogramme ou vidéogramme, ou de fixation audiovisuelle, ainsi que le producteur de ce phonogramme ou vidéogramme ou de fixation audio­visuelle ont droit à une rémunération dite rémunération pour copie privée au titre de Ia reproduction des œuvres destinées à un usage strictement personnel et prive et non destiné à une utilisation collective desdits phonogramme, vidéogramme ou fixation audiovisuelle réalisés dans les conditions mentionnées aux articles 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 32, 33, 34 et 90 de la présente loi ».

Cette solution revient donc à rémunérer les artistes non pas sur leur production, en tant que telle, mais plutôt sur la vente des supports de leurs œuvres. Même si cette solution peut sembler être la plus commode à l’heure actuelle dans le paysage artistique ivoirien où la piraterie connait ses heures de gloire, elle risque, cependant, de transformer une exception en principe. En effet, comme relevée plus haut, la copie privée est une exception au droit d’auteur, et qui, par ailleurs, lui permet d’avoir une rémunération supplémentaire sur les reproductions de son œuvre dont il n’a pas la maîtrise. Elle ne doit, donc, en aucun cas devenir sa rémunération principale.

Les artistes ivoiriens doivent pouvoir vivre des œuvres qu’ils créent et non dépendre de la rentabilité des ventes des supports qui transportent ces œuvres. Cette solution, bien entendue est la bienvenue parce qu’elle fait partie de la protection générale des droits des auteurs. Mais la législation en la matière doit aller plus loin. La pratique judiciaire également doit pouvoir faire appliquer la loi concrètement — car des moyens légaux existent déjà notamment les sanctions civiles et pénales contre les contrefacteurs — afin de permettre aux artistes ivoiriens de véritablement vivre de leur art.

Nelly Assamoi

Source : APANews, http://apanews.net/fr/pays/cote-divoire/news/piratage-et-droits-dauteurs-la-copie-privee-une-alternative-pour-sauver-les-artistes

[1] Loi n° 2016–555 du 26 juillet 2016 relative aux droits d’auteurs et des droits voisins

[2] Voir les articles suivants qui prévoient également des exceptions aux droits d’auteurs

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