Réparer la voiture pendant que le moteur tourne!

Adli Jacobs
African Tax Administration Forum
7 min readOct 3, 2017

Du 26 au 28 septembre 2017, les fonctionnaires africains, les experts et autres acteurs du secteur du fisc se sont retrouvés à Abuja pour se pencher sur comment « bâtir des régimes de fiscalité intérieurs robustes en Afrique. Renforcer la TVA, l’IRP et l’IRS », dans le cadre de la troisième Conférence internationale de l’ATAF sur la fiscalité en Afrique.

Les délégués de la troisième Conférence internationale sur la fiscalité en Afrique posent pour la photo de groupe.

Plus de 500 fonctionnaires de ministères des finances et d’administrations fiscales de 25 pays africains, ainsi que des représentants des parlements, de la société civile, de la CEDEAO, du FMI, des universitaires et des experts en politique fiscale se sont réunis à Abuja, au Nigeria, du 26 au 28 septembre 2017, à l’occasion de la 3ème Conférence internationale de l’ATAF sur la fiscalité en Afrique (ICTA), pour explorer et débattre des moyens de bâtir de fiscalité intérieurs robustes en Afrique. Une emphase particulière a été mise sur le rôle de l’impôt sur le revenu des particuliers (IRP), l’impôt sur le revenu des sociétés (IRS) et la Taxe sur la valeur ajoutée (TVA), dans la mobilisation des ressources intérieures. La conférence avait pour hôte le Service fédéral des impôts du Nigéria (FIRS).

Le VP du Nigéria, Prof. Yemi Osinbajo, s’adressant à l’audience de la 3ème ICTA 2017.

L’Hon. Vice-président de la République fédérale du Nigeria, Professeur Yemi Osinbajo a procédé à l’ouverture de la conférence et a salué cette initiative fiscale africaine d’une importance capitale, dont le but est de se pencher sur les défis auxquels est confrontée l’Afrique dans le cadre de la mobilisation des ressources intérieures. Dans son allocution, le Vice-président a lancé le défi aux participants de trouver un moyen « de dépanner le véhicule pendant que le moteur répond encore » en:

  • intensifiant la transparence et l’échange d’informations entre les administrations fiscales ;
  • s’attaquant à l’évasion fiscale favorisée par le secret bancaire appliqué dans les paradis fiscaux, grâce à la mise en place de mécanismes d’échange automatique de renseignements (EAR) et de registres de propriété bénéficiaire;
  • tirant profit des initiatives internationales telles que les déclarations pays par pays qui ciblent l’érosion de la base et le transfert des bénéfices (BEPS) et le traitement fiscal de l’économie numérique;
  • se servant des mécanismes de déclaration volontaire pour élargir la base, accroitre la discipline et augmenter les recettes.

L’Hon. Ministre, Mme. Kemi Adeosun a fait le constat d’un regain collectif de conscience en Afrique sur la nécessité, pour les africains, de s’affranchir de la dépendance vis-à-vis des ressources naturelles (telles que le pétrole) et d’élargir leurs bases d’imposition, en vue d’améliorer leurs faibles ratios impôt/PIB ; un impératif pour tous les pays africains. Les administrations fiscales doivent faire preuve de responsabilité et de transparence dans la lutte contre le fléau de la corruption afin de redonner l’assurance aux contribuables que l’impôt qu’ils payent est bel et bien l’impôt qu’ils devraient payer.

Le Président exécutif de la FIRS et Président du Conseil de l’ATAF, M. Tunde Fowler, a relevé que l’exploitation de la technologie devrait permettre de faciliter la tâche aux contribuables en matière de discipline et que la recherche devrait se faire de manière à profiter à tous les pays membres. M. Fowler a également insisté sur l’importance d’une vision commune dans la lutte contre les pratiques fiscales néfastes, l’érosion de la base et le transfert des bénéfices.

Femi Adeosun, à gauche, en conversation avec Tunde Fowler et Logan Wort.

Les participants ont estimé que la 3ème Conférence internationale sur la fiscalité en Afrique était une initiative pertinente, qui est arrivée à point nommé, pour renforcer la fiscalité intérieure et bâtir des régimes fiscaux plus robustes, capables de contribuer à la mobilisation des ressources nationales et à l’instauration d’un climat d’affaires plus prévisible en Afrique.

Les participants ont reconnu que la capacité de mobilisation des ressources intérieures du continent pour le financement de son développement passe nécessairement par des politiques fiscales adéquates et bien élaborées, ainsi que des législations efficaces et adaptées à leur époque, appuyées par des administrations fiscales efficientes et efficaces. Les participants ont convenu que le partage des connaissances et l’innovation sont des pièces essentielles à l’édifice de régimes fiscaux plus efficaces.

Les participants ont également reconnu que beaucoup de pays ont des bases fiscales exiguës, des économies informelles aux proportions démesurées, et sont confrontés à des défis liés à la politique fiscale, qui font de la mobilisation des ressources intérieures une tâche intimidante. La résolution de ces problèmes nécessite:

  • une meilleure compréhension de la base fiscale, de sa structure et de la qualité des registres fiscaux afin de s’assurer que les interventions faites sont pertinentes à la période et au contexte concernés. L’élargissement de la base d’imposition exige des stratégies de communication adéquates, la sensibilisation et l’éducation des contribuables, ainsi que l’impartialité dans l’application de la loi fiscale;
  • un service au contribuable de qualité qui contribue à rendre la discipline plus facile et à en minimiser les coûts;
  • la maximisation de l’exploitation de la technologie et des solutions informatiques susceptibles de propulser les administrations fiscales africaines vers un stade plus avancé de développement en matière d’administration. Les dossiers du Panama ont démontré à suffisance, l’importance de l’analyse des données, surtout lorsqu’on a affaire à des millions d’ensembles de données. Par conséquent, les administrations fiscales devraient impérativement se doter de l’infrastructure informatique et des capacités d’analyse approfondie des données requises;
  • la lutte contre l’évasion fiscale, grâce à l’application de mesures visant la sensibilisation adéquate du contribuable sur les conséquences de l’indiscipline fiscale, avec un régime de pénalité clair et proportionné; et
  • la mise en œuvre des politiques appropriées de stimulation de la croissance et le retrait des politiques comportant des mesures telles que les exonérations et les incitations qui entrainent des pertes de revenus et comportent très peu, sinon aucun avantage économique.
Un délégué du Burundi intervenant lors d’une des sessions.

Les participants ont pris note des différentes politiques adoptées par les pays pour relever ces défis et de l’aspect incontournable que revêt l’échange des renseignements, ainsi que des meilleures pratiques entre administrations fiscales, dans la recherche des solutions pour l’ensemble du continent. Les participants ont demandé à l’ATAF d’assumer le rôle de plateforme de promotion de cet échange de renseignements, d’outils d’origine locale et de meilleures pratiques en matière d’administration fiscale.

Les participants ont accueilli favorablement le partenariat entre l’ATAF et le secrétariat du TADAT qui fournit de l’assistance aux membres dans le cadre des évaluations du TADAT. Ils ont demandé qu’un format simplifié de cette évaluation soit mis au point afin que tous les pays puissent s’en servir, au vu de son efficacité avérée en matière d’évaluation du niveau d’efficacité des administrations fiscales. Les administrations peuvent ainsi, s’y référer pour identifier les actions à entreprendre à court, moyen et long termes, ainsi que l’appui requis pour leur réalisation.

Les participants ont reconnu que le chemin de l’efficacité dans la lutte contre l’évasion et l’optimisation fiscale agressive en Afrique passe par une reformulation des politiques fiscales afin qu’elles soient plus en phase avec les défis spécifiques auxquels est confronté le continent, y compris les contraintes de capacités qui existent au sein des administrations fiscales. L’ATAF a déjà entamé la mise au point des outils de politique fiscale tels que le Modèle de convention sur la double imposition et la démarche proposée en matière d’élaboration de législations relatives au prix de transfert, qui ont été inaugurés au cours la réunion.

Les membres ont reporté qu’ils trouvaient ces outils extrêmement efficaces dans la négociation des conventions fiscales et la formulation de nouvelles législations relatives aux domaines complexes de la fiscalité et ont donc exhorté l’ATAF à poursuivre ses efforts de développement d’autres outils similaires. Ils ont également pris note du fait que l’ATAF avait lancé des outils d’administration fiscale tels que l’outil d’évaluation du profil de risque, potentiellement utile aux pays membres dans la lutte contre les abus des prix de transfert.

Les participants ont pris note du rôle prépondérant que les partenaires de développement de l’ATAF ont joué dans le cadre des réformes fiscales en Afrique et de la nécessité de poursuivre ce travail en commun, ainsi que de consolider ces partenariats afin d’asseoir les chances de réussites de ces réformes pour l’ATAF et ses pays membres. Ils ont proposé la mise en place d’un point central par lequel va transiter toute assistance technique provenant des partenaires de développement et il se pourrait bien que ce rôle soit confié à l’ATAF.

Les participants ont mandaté l’ATAF de mener le peloton des efforts consentis dans le domaine de la politique fiscale sur le continent et ont salué son initiative de produire des documents techniques sur diverses thématiques de politique fiscale qui ont une signification particulière pour l’Afrique. L’ATAF devrait intensifier ses échanges avec l’Union africaine et les autres organes régionaux africains pour la mise en place d’une stratégie cohérente et concertée de mobilisation des ressources intérieures en Afrique.

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