Et si nous choisissions de nous transformer plutôt que de nous réformer ?
Cela ne vous bassine pas vous, à la longue, tous ces gens qui veulent nous réformer, réformer le pays, réformer les institutions, réformer l’emploi, la santé, etc. ? Cela fait à peu près 30 ans qu’à chaque échéance électorale, les politiques nous brandissent la nécessité de nous réformer, et la promesse de le faire.
Chaque nouvel arrivant sur le mercato électoral accuse le précédent de ne pas avoir eu le courage de les mener, ces fameuses réformes. Car évidemment elles apparaissent toujours en amont comme une ardente nécessité… et après comme une purge.
La dialectique est la suivante :
• ça va mal, c’est la crise,
• il faut que cela aille mieux,
• il faut faire des nouvelles réformes,
• les réformes que je propose sont les bonnes, tous les autres se trompent,
• certes vous allez devoir faire des sacrifices mais demain, vous verrez ce que vous verrez, tout ira mieux,
• votez pour moi !
Aux échéances électorales suivantes, les impétrants vont alors tout faire pour démontrer que les réformes promises par l’élu en place :
• soit, n’ont pas été mises en œuvre,
• soit, ne servent à rien,
• soit, sont inefficaces,
et que c’est pour cela que :
• ça va mal, c’est la crise,
• etc.
On comprend mieux dès lors pourquoi les élus en mal de mandats, tous bords confondus, ont plutôt intérêt à entretenir l’idée que cela va mal. Plus on dit que ça va mal, plus on glorifie celui qui apporte les solutions — avec du sang, de la sueur et des larmes — , plus on présente le changement comme l’œuvre d’un décideur unique et non comme une avancée collective.
D’où cette boucle rhétorique sans fin entre crise et réforme.
Quel message cela installe-t-il dans l’esprit des citoyens ?
- que rien ne va jamais,
- que nous sommes toujours à la traîne,
- que nous ne pouvons pas nous en sortir sans un sauveur,
- que si nous n’appliquons pas les réformes, nous courrons à la catastrophe,
- que nous allons souffrir, mais que c’est nécessaire.
C’est donc essentiellement et en permanence un message anxiogène, dévalorisant et déprimant.
Et si, au lieu de vouloir sans cesse nous réformer, nous choisissions de nous transformer ?
Réformer, avec son préfixe qui nous renvoie toujours au point de départ, signifie littéralement “rétablir l’ancienne forme ; donner une meilleure forme à une chose”. Il y a donc dans la réforme une nostalgie qui nous tire vers le passé, un processus qui nous représente sans cesse la même copie avec l’injonction de la rendre meilleure. La réforme porte en elle son caractère répétitif. Elle milite pour une pédagogie basée sur la correction, au double sens du terme, sur la rectification de quelque chose qui, à la base, ne convient pas, voire jamais. L’imperfection, et son corollaire l’insatisfaction, sont les moteurs de la réforme.
L’expression “transformer” est beaucoup plus motivante avec son préfixe “trans” — qui nous emporte vers des états nouveaux, et qui signifie “passer d’ici à là, passer à travers…”. Se transformer, c’est “donner à une personne ou à une chose une forme nouvelle”. C’est la chenille qui devient papillon. La transformation donne un et du sens. Elle reconnaît le changement comme une réalité et une nécessité, mais l’inscrit dans une dynamique motivée non par la correction, mais par l’évolution. La transformation n’a pas besoin de la crise, elle est un processus d’adaptation naturelle au changement.
Transformer une institution, ce n’est pas la réformer.
La transformation, comme la réforme, reconnaît la nécessité du changement, mais elle ne porte pas de jugement moral sur la situation actuelle. Elle ne culpabilise pas les personnes d’être ce qu’elles sont aujourd’hui, mais les encourage à évoluer.
La transformation ne joue pas sur la peur du changement mais sur le désir de changer.
La transformation n’impose pas des décisions venues d’en haut, par ceux qui “savent”.
La transformation s’accompagne, elle ne se dicte pas.
La transformation ne fait pas croire qu’un jour tout sera réglé, une fois que nous aurons fait les “réformes nécessaires”. Elle est un processus créatif qui s’adapte sans cesse au changement du monde : la graine se transforme en bourgeon qui se transforme en fleur qui se transforme en fruit qui se transforme en graine, etc.
Dans ce processus de transformation nous avons la conviction, à l’agence Bastille, que la communication peut être un formidable levier si elle est impliquée tout au long de la démarche et non pas juste pour l’habiller. Nommer, révéler, expliquer, informer, accompagner, structurer, relier, partager, rassembler, motiver, faciliter, orienter : bien utilisée, elle aide à prendre soin des humains qu’elle accompagne dans leur transformation.
Ah ça ira !
Si cet article vous a intéressé, merci de le partager.