Peut-on résister au pouvoir du pouvoir ?

Les trois pouvoirs extérieurs dominants sont l’économie, les médias et la politique.

Xavier de Fouchécour
Agence Bastille
Published in
3 min readJan 23, 2016

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Ces trois pouvoirs sont en tension, chacun tentant d’influencer les deux autres. Le pouvoir économique achète les médias et fait pression sur les politiques pour défendre ses intérêts. Le pouvoir médiatique détermine le capital de visibilité nécessaire à ceux qui ont le pouvoir économique ou politique. Le pouvoir politique troque sa légitimité électorale et son influence sur le peuple contre de l’activité ou du pouvoir économique, et de la visibilité. Ces trois pouvoirs ont en commun leur pouvoir conjugué et souvent complice sur le reste de la population dont ils recherchent à la fois, selon les circonstances, l’approbation et/ou la soumission, et qui leur sert de pseudo arbitrage dans leurs jeux d’influence. La classe dominante est composée de ces personnes très peu nombreuses finalement qui ont un rôle dans cette triade ou qui en tire profit, intérêt ou visibilité monnayable. Ces personnes font beaucoup d’effort pour conquérir encore plus de pouvoir ou pour le moins préserver leurs acquis, et vivent dans la peur de les perdre. Tout cela n’est ni un scoop, ni bien nouveau.

La question est de savoir pourquoi il semble impossible d’en sortir ? Pourquoi on se sent impuissant à ce qu’il en soit autrement ? Pourquoi toute tentative de changer un pouvoir en place avec des motifs d’égalité, de liberté, de fraternité et d’équité finit immanquablement par en remettre un autre à la place dont les ressors finissent à plus ou moins longue échéance par redevenir économique, médiatique et politique ?

Car la réponse n’est pas extérieur, elle est en chacun de nous, dans notre incapacité à résister aux pouvoirs et plaisirs que donne le pouvoir.

Derrière les motifs affichés et les discours prononcés, il y a toujours le désir de l’intérêt particulier qui avance le plus souvent masqué. Il est essentiel d’ailleurs qui le soit car le révéler au grand jour, ou en être soupçonné est une marque d’infamie. Les trois pouvoirs ne tirent leur crédibilité apparente que dans la fiction de motifs affichés au service de l’intérêt général.

Ça c’est moi, je le mérite

Toute personne se trouvant en possession de (relativement) beaucoup d’argent, beaucoup d’influence, ou beaucoup de visibilité va en faire immédiatement un point d’identité personnel, un motif de survalorisation, une vanité : “ça, c’est moi. Je le mérite”. Elle s’identifie à cet acquis mais se met ipso facto en situation d’inquiétude de le perdre. Toute sa stratégie personnelle va consister plus ou moins consciemment (plutôt moins, en fait) à préserver cet acquis soit en attaquant celui des autres, soit en le défendant coûte que coûte, et cela quels que soit les motifs qui l’animent, même les plus nobles. Il y a donc ce paradoxe qui fait que plus on a de pouvoir, plus on serait en mesure de servir l’intérêt général, mais que, dans le même temps, plus on a de pouvoir, plus on a des raisons de préserver ses intérêts particuliers. Donc toute personne qui souhaite sincèrement servir l’intérêt général en acquérant du pouvoir se trouve à un moment confronté à ce paradoxe. Le refouler c’est prendre le risque quasi inévitable de produire un double discours faussement justificateur, intérieur et extérieur, et de se retrouver finalement dans la situation banale décrite plus haut. Les personnes sincèrement désireuses de changer le monde, capables dans le même temps de faire ce travail introspectif de discernement et d’identification de leurs motifs égotiques afin de les dépasser ou du moins de ne pas les perdre de vue dans leur ascension, sont très rares. Et très rarement au pouvoir car y accéder sans se perdre en route demande un force de caractère exceptionnelle.

Cette recherche de lucidité sur soi-même, cette résistance à la banalisation de ses désirs, est l’affaire de chacun, le combat intérieur. Il est le chemin vers l’amélioration progressive des conditions extérieures pour tous. La prochaine civilisation ne sera pas le résultat de plus de technologies mais de plus de conscience.

Ready for that ?

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Xavier de Fouchécour
Agence Bastille

Directeur associé de @agencebastille, agence conseil en compublique et d’intérêt général/Co-fondateur de @Publidata_io, plateforme SaaS pour les collectivités