Petite analyse de l’ère du contexte

jonathan bros
AgenceProches
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4 min readFeb 2, 2017

… Et ses conséquences sociologiques sur l’individu et la démocratie.

Nous vivons dans une société où le contexte prend une place considérable. Le développement des réseaux sociaux et des chaînes d’information en continu biaise la pensée et compresse le temps nécessaire au recul et à l’analyse. Cela n’est pas nouveau en soi, mais le phénomène s’accélère depuis quelques années et les conséquences sont nombreuses sur notre société qui vit une révolution sociologique majeure.

La mode, la mode, la mode.

Les champions de notre ère sont ceux qui savent s’adapter le mieux. L’adaptation au sens darwinien prévaut sur l’acquisition du savoir. Les intellectuels ne correspondent pas au valeurs que l’époque promeut. Ils sont trop distancés, pas assez dans le faire, pas assez normatifs et donc font l’objet de procès d’intention de ceux qui ne pensent pas.

L’ère du contexte transforme nos valeurs en promouvant des comportements normatifs. La télé-réalité, instagram et les selfies sont le symbole de l’influence normative qui se cache derrière un hédonisme d’apparence, un plaisir immédiat et contrarié qui empêche la liberté réelle de l’individu. La promesse de bonheur qui est faite constitue à l’instar des religions et des idéologies un opium, une fuite du réel, qui privent les individus de leur liberté. Dans une société obsédée par la norme, le bonheur a aujourd’hui pris le masque de la sécurité. Il est temps de retrouver la liberté de penser, de désirer.

L’ère du contexte fabrique donc de l’imposture, de la médiocrité et du repli sur soi. Ceci a pour conséquence d’élever le niveau des peurs et donc des populismes en tout genre. Le FN par exemple, le choix du Brexit ou bien encore le vote TRUMP en sont l’illustration parfaite. Ceux-ci ont la haine des élites et la xénophobie au cœur de leur proposition de valeurs. La blessure narcissique est telle que si le bonheur passe par la sécurité, l’autre devient un ennemi.

La prédominance de la norme.

La crise économique et l’affaiblissement de l’autorité politique construisent ensemble une légitimité des discours de résignation, résignation à l’inévitable. L’affaiblissement de la loi au profit des normes est une vraie menace sur la citoyenneté comme sur la subjectivité.

« Depuis le XXe siècle et encore aujourd’hui, alors que les sources des règles sociales tendent à se diversifier par le jeu des normes, des recommandations, des déclarations et des standardisations, le droit tend à prendre pour objet l’ensemble des normes. Mais l’autorité qui décrète une loi et l’autorité qui édicte une norme n’ont pas la même origine. C’est ce point que je souhaite souligner : l’évolution constante qui conduit les normes à englober les lois permet leur modification sans véritable débat politique et réflexion sur les principes philosophiques qui les fondent. C’est ainsi que les standards tendent à remplacer l’autorité du politique jusqu’à pouvoir constituer le cheval de Troie d’une logique du marché qui le dépossède de son pouvoir, à l’exception du pouvoir de renoncer au pouvoir sur les marchés. » Roland Gori

Les sirènes de la pensée simpliste

Les nouvelles technologies et les effets d’opinion ont largement contribué à installer un système qui récuse la démocratie, et favorise une pensée simpliste. Limiter le monde à quelques facteurs techniques et financiers à travers un économisme militant appauvrit l’intellectuel collectif. Le temps court participe grandement à l’agitation et au fait de laisser l’urgent pendre le dessus sur l’important.

Nous devons redonner les armes de la critique au plus grand nombre. Seul le savoir critique, la mise en perspective et la prise en compte de la dimension plurifactorielle aideront à redonner du sens au projet de société dans lequel chacun trouvera sa place.

La mercantilisation de la démocratie

La politique semble se résumer aux hommes politiques. La sondocratie nourrit la bête du feuilleton médiatique, totalement déconnecté des attentes du peuple. L’incarnation atteint des sommets. On ne choisit pas un projet de société mais une personnalité incarnant une énergie (Le dynamisme, la jeunesse, la constance, etc.). La forme n’est plus le fond qui remonte à la surface ; la forme devient le fond.

Les idées quant à elles ne sont plus au centre de la vie politique. Les partis politiques eux même « outsourcent » leurs idées auprès de think tanks payés pour les servir. Ce spectacle d’enfumage dissimule les véritables enjeux de ce monde : nourrir la planète avec une population grandissante et des ressources limitées, la création d’un projet de société partagé et respectueux de tous.

Antonio Gramsci dans Les cahiers de prison résumait parfaitement bien cette phase de transition, de crise sociétale : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ».

Dans cette période de destruction créatrice qu’est l’avènement du digital, un système à bout de souffle doit mourir pour laisser place à un véritable intellectuel collectif qui doit encore naître et prendre forme. Un système qui fera cohabiter à force égales, les intérêts individuels et collectifs au profit d’un foisonnement permanent, inconfortable et revigorant. Une nécessité pour remettre du « demos » dans démocratie.

Tout reste à faire. Tout reste à construire.

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jonathan bros
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