Présidentielle 2017 : une personnalisation du politique au sommet

jonathan bros
AgenceProches
Published in
3 min readJan 26, 2017

A moins de 7 mois de l’élection présidentielle, la prolifération d’émissions politiques a vu naître de nouveaux formats qui s’intéressent davantage à l’entourage familial et amical des candidats qu’à leurs idées. Ils sont le reflet de l’attachement des Français à l’image de celui ou celle à qui ils accorderont leur vote, et démontrent l’impact considérable d’une communication politique fondée principalement sur la personnalisation du pouvoir.

L’accélération des temporalités médiatiques, profondément impactées par l’essor du digital, est venue renforcer la puissance de l’incarnation politique. Face à l’instantanéité des chaînes d’info en continu et à l’omniprésence du selfie sur les réseaux sociaux, la tendance égotique des candidats vient répondre à cet impératif de visibilité et de réactivité permanente. En jouant la proximité, les médias misent sur ce levier émotionnel pour capter une audience naturellement réceptive, et offrent aux communicants politiques une fenêtre de tir idéale.

La personnalisation du pouvoir n’est pas nouvelle. Propre à la culture politique française, elle trouve ses racines dans la monarchie et l’empire au travers de la figure du roi. Mais le célèbre « L’Etat, c’est moi » de Louis XIV pourrait tout autant avoir été porté l’un des Présidents de la Ve République, dont les institutions et le fonctionnement, à l’instar du cumul des mandats, viennent accentuer encore davantage cette vision patrimoniale de la fonction politique. C’est elle qui nous pousse naturellement à voter non pas en faveur d’un parti ou d’une institution, mais bien pour une personne.

Cet attachement à un homme ou à une femme est renforcé par un contexte particulier qui, depuis les attentats de Paris et ses conséquences anxiogènes, a encore une fois démontré que le besoin de réassurance trouvait souvent refuge auprès d’une figure particulière, à l’instar du héros ou du sauveur. Chaque arrivée d’un homme providentiel symbolise ce besoin d’incarnation en réponse à l’espoir et aux frustrations du peuple Français. De la même façon, le comeback politique de personnalités un temps décriées et rejetées par l’opinion est une spécificité bien française. Trois des sept candidats de la primaire de la droite et du centre ont d’ailleurs connu une traversée du désert sur fond de scandales judiciaires, et la personnalisation n’y est pas étrangère.

Une étude réalisée en 2013 par la Harvard Business Review révèle que nous avons tendance à interpréter les signes de confiance des dirigeants comme des signes de compétence, et donc à donner notre voix au candidat ou à la candidate qui dégagera le plus de confiance en lui. La communication politique a fait de ce constat un leitmotiv en valorisant avant tout un attribut des candidats : l’énergie pour Nicolas Sarkozy, la sérénité pour Alain Juppé, la singularité pour NKM, la fougue pour Arnaud Montebourg… C’est cet attribut qui fera basculer le vote des français qui sont encore incertains. Et malgré des programmes politiques détaillés, c’est bien l’attachement porté à une personne plus qu’à une autre qui orientera le choix des électeurs.

Portée à son paroxysme, la personnalisation du pouvoir aura bientôt fini d’anéantir le débat d’idées dans notre démocratie. Des voix se sont déjà élevées pour réviser au moins en partie le fonctionnement de nos institutions, grâce au tirage au sort des sénateurs par exemple. Si le cumul des mandats restreint à partir de 2017 viendra en partie atténuer la tendance, la centralisation des pouvoirs porte en elle les prémices des dérives vers lesquelles la communication politique tend un peu plus chaque jour.

--

--

jonathan bros
AgenceProches

Founder and CEO of Belief System #madman #strategies #marketing #AI digital #Influence #compol