12 règles pour une alimentation saine et durable : des principes à la pratique

Duru
Agricultures positives
12 min readJan 24, 2022

Cette note définit 12 règles (R1….R12) pour le choix des aliments et leur combinaison pour constituer un repas.

Elle est suivie de la comparaison d’un menu hebdomadaire courant à un menu bon pour la santé (apports de fibres, oméga 3, antioxydants, pourcentage d’aliments en agriculture biologique) et durable (impacts sur les émissions de gaz à effet de serre, besoins en terre…)

https://www.agenda-2030.fr/a-la-une/mobiliser-pour-le-developpement-durable/article/manger-c-est-agir-sur-l-environnement-et-la-sante?

Alimentation et santé — Les maladies métaboliques (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, cancers), les maladies du cerveau (certaines formes de dépression et d’autisme, Parkinson, Alzheimer ….), ainsi que notre sensibilité aux maladies infectieuses de type grippe (y compris la Covid-19) dépendent essentiellement de notre façon de vivre, puisque la génétique n’en est la cause que dans 20% des cas en moyenne. A côté de l’activité physique et la gestion du stress, l’alimentation joue un rôle majeur sur la santé et les maladies. Mais les effets d’une alimentation non adaptée pour la santé se manifestent généralement sur le long terme.

Alimentation et environnement — Notre alimentation est fortement consommatrice de ressources (terre, énergie, eau) et à l’origine d’importants impacts, notamment les émissions de de gaz à effet de serre (30%, dont les 2/3 en agriculture, le reste entre le champ et l’assiette) et d’azote source d’euthrophisation des eaux par les nitrates et de pollution de l’air par l’ammoniac.

Le principal levier pour consommer durable est de réduire notre consommation de produits animaux, en particulier de viande et spécialement la viande rouge, en les remplaçant par des protéines végétales, principalement des légumineuses (lentilles, pois chiches….). Cela permet de réduire de 30 à 50% le besoin en ressources et les impacts, sans pour autant devenir végétarien.

1- Les principes en 12 règles

Nous montrons comment constituer son repas au prisme de deux approches : une approche analytique et nutritionnelle classique de l’alimentation mais toujours valable (règles 1–5), et une approche holistique et fonctionnelle (règles 6–12) basée sur le rôle du microbiote intestinal (ensemble des micro-organismes — bactéries, virus, parasites et champignons non pathogènes, dits commensaux, vivant dans notre intestin).

En effet, le microbiote intestinal, sous réserve d’être « bien nourri », joue quatre rôles essentiels :

- La fourniture de micro-nutriments d’intérêt (vitamines, par ex la B12),

- Le contrôle de l’inflammation,

- La fourniture de métabolites qui permettent la bonne réplication de l’ADN (ce qu’on appelle l’épigénétique),

- La lutte contre les pathogènes qui provoquent des maladies.

Des précisions sont indiquées selon que le régime alimentaire est omnivore ou végétarien (règle 12). Cette note ne traite pas des 1000 premiers jours, de la conception aux deux ans de l’enfant, du fait de spécificités à cette période.

Des liens hypertexte permettent d’approfondir certains points.

12 règles (R) pour une alimentation saine et durable

Approche nutritionnelle : toujours d’actualité pour la santé et l’environnement

Règle 1 — réduire la consommation de protéines animales

A savoir :

· Les recommandations en protéines sont de 1g/kg de poids corporel dont 30 à 50 % de protéines animales à comparer à la consommation moyenne actuelle qui est de 1,4g/kg de poids corporel avec 60% de protéines animales. Une réduction de la consommation de protéines animales, par exemple ne pas dépasser 500g de viande rouge et 150g de charcuteries par semaine permettrait de réduire le risque de cancer colorectal

· Réduire la consommation de viande est le principal levier pour réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant de l’alimentation (jusqu’à -50%); elle permet aussi de réduire les pertes d’azote dans les eaux (nitrates) et dans l’air (ammoniac), et les besoins en énergie et en eau ; c’est donc une stratégie gagnante pour la santé et l’environnement

En pratique :

· Réduire la consommation de viande suppose de n’en consommer que trois fois par semaine, par exemple un jour de la viande rouge (bœuf, porc) et deux jour de la viande blanche (volaille)

· Pour augmenter la place des protéines végétales, privilégier la consommation de légumineuses, simultanément à des céréales à l’échelle du repas pour un bon équilibre entre différents acides aminés (exemples de mélanges : pois chiche-couscous ; lentille-riz ; haricot-maïs, aliments à base de soja avec avoine). Dans le cas contraire, les protéines végétales sont moins bien valorisées.

· Pour les végétariens, il faut être vigilant sur cet équilibre entre acides aminés et sur le fait que les produits végétaux sont moins concentrés en protéines que la viande et le poisson (excepté le soja). aminés et sur le fait que les produits végétaux sont moins concentrés en protéines que la viande et le poisson (excepté le soja).

Règle 2 — réorienter la consommation de lipides

A savoir : Réduire la consommation des produits très riches en acides gras saturés (viande, fromage, produits contenant de l’huile de palme) et en omega 6 (huile de tournesol)

En pratique : les huiles de tournesol et de palme sont très souvent cachées dans les aliments ultra-transformés ; il faut donc bien regarder les étiquettes !

Règle 3 — modifier la consommation de glucides : privilégier ceux à faible indice glycémique

Règle 4 se complémenter en vitamine D pour : (i) maintenir l’intégrité de la muqueuse intestinale, (ii) renforcer le système immunitaire inné et stimuler le système immunitaire adaptatif, (iii) augmenter les mécanismes d’élimination des pathogènes, (iv) prévenir les infections pulmonaires aiguës

Règle 5réduire la consommation de sel et d’alcool

La plupart de ces règles s’inscrivent dans le Plan National Nutrition Santé

Approche hollistique basée sur le microbiote intestinal afin d’en faire un allié de notre santé

Ces règles sont détaillées dans mon article « Microbiote intestinal et santé : une nécessaire refonte de notre système agri-alimentaire »

Règle 6 — augmenter la consommation de fibres (le « carburant » du microbiote) : 30g/ j (95% des français n’atteignent pas ces recommandations)

A savoir :

- Les fibres peu solubles ou insolubles constituent l’aliment de base des bactéries intestinales

- Les fibres sont apportées par les céréales complètes, les légumineuses, les fruits et les légumes (surtout la peau)

En pratique : atteindre les recommandations est à priori assez facile, mais cela nécessite de consommer toutes les céréales (pain, pâtes….) sous forme complète et bien plus de légumineuses (lentille, pois chice…), soit 10kg/an au lieu de 1,7 actuellement).

Règle 7 — augmenter la consommation de produits riches en oméga 3 qui sont puissamment anti-inflammatoires (95% des français n’atteignent pas ces recommandations de 2 g/j !)

A savoir :

- Les oméga-3 et 6 sont des acides gras poly-insaturés indispensables à notre santé ; ils ont respectivement des fonctions anti- et pro-inflammatoire. Les oméga 3 permettent aussi un bon fonctionnement du microbiote intestinal. Pour que les oméga 3 jouent leur rôle anti-inflammatoire, mais aussi de détoxifiant (par rapport aux métaux lourds et résidus de pesticides), il en faut 2 g/j (95% des français n’atteignent pas les recommandations) ; il faut aussi s’assurer que le rapport oméga 6/oméga 3 soit inférieur à 5 (il est de 10 actuellement)

- On trouve les oméga-3 dans certains produits végétaux (huile de colza, noix…) et dans tous les produits animaux (surtout poissons gras, viande, œufs, laitages) ; les acides gras à très longue chaine (DHA et EPA très importants de par leur rôle anti-inflammatoire) ne sont par contre pas trouvés dans les produits végétaux

En pratique :

- consommer des petits poissons gras (sardine, hareng, maquereau) deux fois par semaine est le moyen le plus simple d’atteindre les recommandations en le DHA et l’EPA, des oméga 3 à très longue chaine jouant un rôle essentiel pour le contrôle de l’inflammation et le fonctionnement du cerveau

- atteindre les recommandations pour un régime omnivore est difficile ; cela suppose de (i) consommer tous les produits animaux issus de modes d’élevage renforçant la teneur en oméga-3 (lait et produits laitiers issus d’une alimentation à l’herbe, comme c’est le cas des produits AB ; porcs et poulets complémentés avec du lin : marque Bleu Blanc Cœur), (ii) changer les huiles (privilégier le colza en plus de l’olive et réduire l’huile de tournesol qui est le plus souvent une huile cachée dans les aliments), (iii) compléter les apports par un condiment de type « linette » (nom commercial du mélange de farines de lin et de céréales). D’autres labels (label rouge…) ou marques n’offrent aucune garantie d’une plus grande concentration en ces micro-nutriments.

Règle 8 — augmenter l’apport en antioxydants, de véritables adjuvants pour un bon fonctionnement du microbiote

A savoir :

- En général, la consommation est très insuffisante en quantité et en diversité, alors que les micronutriments qu’ils contiennent (anti-oxydants, polyphenols) jouent un rôle clef les métabolites utiles à la santé produits par notre microbiote intestinal et plus généralement sur notre métabolisme

- L’apport en micro-nutriments par les fruits et légumes dépend bien plus de la quantité consommée que du mode de cultures (bio vs conventionnel). Préférer le fruit entier aux jus de fruits, même de qualité

En pratique :

- Tendre vers 25 fruits (y compris fruits à coque) et légumes différents par semaine de façon à élargir la gamme de vitamines et de polyphénols consommés ; concrètement un même légume ou fruit de couleur différente (poivron, oignon, pomme….) contribue à diversifier les micro-nutriments

- Choisir des fruits et légumes à forte densité nutritionnelle n’est pas chose facile car la teneur en micro-nutriment dépend de l’espèce, de la variété et des pratiques agricoles. L’agriculture biologique, du fait d’une moindre intensification permet d’avoir des produits en général un peu plus riches en micro-nutriments. C’est sans doute aussi le cas pour d’autres modes de culture (agriculture régénératrice), mais a ce jour il n’y a pas de signe de qualité permettant au consommateur de les reconnaître. D’autres labels (AOC…) ou marques n’offrent aucune garantie. Privilégier des produits de saison généralement plus riches en micro-nutriments

Règle 9 — augmenter l’apport en une diversité de micro-nutriments

A savoir :

- — Apport de bactéries pour enrichir le microbiote ; leur consommation est indispensable après utilisation d’antibiotiques dont l’utilisation correspond à une « déforestation » du microbiote

- Apport de différents micro-nutriments (vitamines et minéraux) ; la glucosamine par exemple contribue à restaurer un microbiote appauvri ou une paroi intestinale poreuse

En pratique :

- Les probiotiques sont surtout contenus dans les aliments fermentés achetés à condition qu’ils ne soient pas pasteurisés (kéfir, choucroute, yaourt…) ou à faire soit même (légumes, kéfir…) ; mais consommer des probiotiques supposent de consommer suffisamment de fibres pour les nourrir.

- Des aliments comme les bouillons d’os sont très riches en différents micro-nutriments d’intérêt pour le microbiote et la paroi intestinale

Règle 10 — réduire les produits ultra-transformés

A savoir :

- Ils sont généralement denses en énergie, riches en sucres, matières grasses ajoutées et sil, ils correspondent à des formulations industrielles qui comportent plus de 4 ou 5 ingrédients appelés marqueur d’ultra-transformation. Les plus repérables pour le consommateur sont les arômes, les additifs dits « cosmétiques » qui modifient la couleur du produit (colorants), le goût (exhausteurs, édulcorants, correcteurs d’acidité…) et la texture (émulsifiants) et aussi les sucres ultra-transformés (amidon, maltodextrines, sucre inverti, sirop de glucose, sirop de glucose-fructose, polydextrose, polyols ou sucres hydrogénés).

- Ce sont des produits souvent très gouteux, souvent peu coûteux, facile à consommer, mais ingérés en trop grandes quantités (actuellement 35% des apports caloriques !), ils perturbent le microbiote et sont un facteur de risque pour les maladies chroniques.

En pratique :

- Nous en consommant à hauteur de 35% des calories ; tous les types d’aliments sont concernés : boisson, viandes, desserts, fruits et légumes….

- Application Siga pour les repérer en scannant le code barre

Règle 11 — réduire l’exposition aux pesticides et aux contaminants

A savoir :

- L’exposition aux pesticides se fait par les aliments, l’eau et l’air. Certains pesticides sont des perturbateurs endocriniens, d’autres affectent le fonctionnement du microbiote et sont des facteurs de risques pour les maladies chroniques. Une alimentation bio permet de réduire fortement l’exposition aux pesticides.

- Les contaminants, en particulier les métaux lourds sont surtout trouvés dans les gros poissons gras : thon, saumon

En pratique :

- les produits végétaux bio à privilégier sont ceux que l’on consomme le plus souvent (pain par exemple) et ceux qui reçoivent le plus de pesticides (pomme par exemple) et parmi eux ceux qu’on n’épluche pas (fraise, raisin, brugnon…) ou qu’on souhaite ne pas éplucher pour conserver les vitamines

- certaines formes d’agriculture sont en capacité de réduire l’apport de pesticides (agriculture régénératrice basée sur la santé du sol) par rapport à l’agriculture conventionnelle. Mais à ce jour, il n’y a pas de signe distinctif permettant de choisir ces produits. Un label « zéro résidu de pesticides » qui est une marque privée permet toutefois des produits exempts de résidus mais en contenant moins que les produits conventionnels. D’autres labels (AOC…) ou marques n’offrent aucune garantie.

Règle 12 — précautions pour les végétariens et les consommateurs de produits bio

- Pour les végétariens : (i) attention à la substitution de la viande par des produits végétaux ultra-transformés ; (ii) sachant que seuls les produits animaux apportent le DHA et l’EPA, il y a nécessité de compléments alimentaires (pour partie vrai pour les omnivores) pour atteindre les 500mg recommandés

- Pour les consommateurs bio : attention à la substitution des produits conventionnels par des produits végétaux ultra-transformés

Conclusion : il importe de passer d’un régime « SMS » à un régime « 3V »

Le régime alimentaire courant est de type SMS correspond à :

Substituts aux protéines animales,

Moins de sucres, acides gras saturés, sel)

Sans : gluten, lactose, résidus de pesticides

Le régime à privilégier est de type « 3V » ; outre les règles 1–5 et 7, il repose sur une alimentation :

Vrai (moins de produits ultra transformés : limiter à 15% des calories (règle 10),

Végétalisé (moins de protéines animales), au moins 85% des calories (règles 1, 6)

Varié (notamment pour les légumes, les fruits, les légumineuses) (règles 7, 8, 9)

…en privilégiant les produits bio (règles 11–12), de saison (règle 8) et locaux pour réduire le transport

Ce régime est aussi meilleur pour l’environnement : moins de surface, d’énergie et d’eau nécessaire pour produire les biens alimentaires, moins de gaz à effet de serre et d’émissions d’azote dans l’environnement !

2- Comparaison d’un menu hebdomadaire courant à un menu sain et durable

Deux régimes alimentaires sont considérés pour une personne pesant 70kg environ :

- Le régime moyen actuel d’après les données d’INCA3 (Evolution des habitudes et modes de consommation, de nouveaux enjeux en matière de sécurité sanitaire et de nutrition)Un régime alternatif, sain et durable, basé principalement sur le scénario Afterres de Solagro (Pointereau) pour lequel nous avons fait quelques modifications : moins de viande rouge, plus de poisson et de fruits à coque.

Le tableau ci-dessous comprend les apports moyens journaliers (donc matin, midi et soir) par catégorie d’aliments, en spécifiant s’ils sont à consommer chaque jour (pain par exemple), ou quelques jours par semaine (viande et poisson en particulier).

Les catégories d’aliments sont spécifiées pour les céréales (raffinées ou complètes), les huiles (l’huile de colza contient bien plus d’omega 3 que les autres), le mode de production : agriculture conventionnelle (conv) ou biologique (AB), notamment pour les produits de ruminants qui contiennent deux fois plus d’oméga 3 car élevés à l’herbe, ou pour la filière Bleu Blanc Cœur (BBC) qui garantit une teneur élevée des produits animaux en oméga 3.

Pour les poissons, on distingue les poissons gras (sardine, maquereau, hareng) qui contiennent bien plus d’omega 3 que tous les autres.

Les deux régimes sont comparés pour :

- La part des protéines végétales qui est un indicateur synthétique simple et fiable de l’impact environnemental de notre alimentation

L’apport de fibres et d’oméga 3, deux nutriments essentiels pour la santé que nous ne consommons pas suffisamment.

(1) bœuf 3 fois sur 4 ; veau ou mouton 1 fois sur 4 par exemple ; en veillant à prendre à tous les types de morceaux à l’échelle de l’année

(2) fréquence de consommation plus élevée pour le poulet (ou autre volaille) que pour le porc, en veillant à prendre à tous les types de morceaux à l’échelle de l’année

(3) AB : 100% pour céréales (pain, pâtes, riz), légumineuses ; pomme de terre, 50% pour fruits, légumes, fromage, toutes viandes

Les nombres en rouge correspondent aux changements les plus importants

La comparaison des deux régimes alimentaires montre que :

- Les apports de fibres et d’oméga 3 sont doublés pour le régime sain et durable, ce qui permet d’atteindre les recommandations

- Les apports en anti-oxydants sont assurées aussi par un quasi doublement de la consommation de fruits et légumes dans le régime sain et durable

- Le régime sain et durable a environ deux moins d’impacts sur l’environnementmissions de gaz à effet de serre et d’azote, besoin en terre, énergie et eau) car la consommation de produits animaux, en particulier de viande rouge, est fortement réduite.

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