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Duru
Agricultures positives
13 min readApr 30, 2017

Je retrace ici mon itinéraire de recherche en agronomie au cours des 20 dernières années pendant lesquelles ont eu lieu des mutations tant dans l’agriculture (remise en cause de l’agriculture industrielle compte tenu de ses impacts) que dans les sciences (approches de plus en plus intégratives supportées par des cadres conceptuels comme les systèmes socioécologiques, et sociotechniques, les systèmes alimentaires durable, une seule santé qui ont permis de fournir des bases solides pour comprendre les systèmes complexes et agir dans un monde incertain. L’agroécologie, un des derniers nés des concepts, est sans doute le plus polysémique et le moins stabilisé. Elle peut être vue comme : (i) une déclinaison des concepts de l’écologie en agriculture : du champ cultivé aux agroécosystèmes ; (ii) un ensemble de méthodes et de pratiques pour une agriculture respectant les ressources naturelles, (iii) un programme interdisciplinaire support d’un développement agricole et alimentaire durable.

Mon itinéraire a été influencé par ces changements de contexte, mais aussi par mes fonctions de Directeur d’une unité de recherche très interdisciplinaires, des opportunités de collaborations avec d’autres disciplines que j’ai saisies ou créées, ainsi que très tôt le choix de centrer mon travail sur ce que j’appelle a posteriori une recherche en ingénierie agroécologique.

En termes de thématiques, mes recherches portent sur la prairie, d’abord comme objet d’étude et comme composante d’un système d’élevage (étape 1), puis comme composante d’un système de production agricole inscrit dans un territoire (étape 2), et finalement comme une des composantes des systèmes alimentaires (étape 3). Au fil de ces évolutions, la prairie ne devenant qu’une composante parmi d’autres des systèmes investigués, j’ai été amené à m’intéresser aux grandes cultures (étape 2), puis aux filières pour leurs composantes amont (approvisionnement) et aval (transformation des produits) de la production (étape 3).

Pour chaque étape, je résume tout d’abord rapidement le contexte dans lequel les recherches s’inscrivent, puis je présente les concepts et cadres d’analyse mobilisés ou construits, en spécifiant quelle facette de l’agroécologie j’ai mobilisée. Je termine par des exemples.

1- Des prairies multiservices

Agroécologie comme (i) une déclinaison des concepts de l’écologie en agriculture : du champ cultivé aux agroécosystèmes ; (ii) un ensemble de méthodes et de pratiques pour une agriculture respectant les ressources naturelles

Contexte

Les prairies représentent une part importante du territoire agricole (>20%). Elles sont très diverses : prairies semées monospécifiques ou multispécifiques, prairies permanentes (semi)naturelles, parcours. Ces recherches ont été conduites à la période où il était question de multifonctionnalité de l’agriculture, puis de services écosystémiques.

Mes recherches ont porté essentiellement sur les prairies permanentes pour lesquelles est souvent mis en avant leur intérêt environnemental, donnant une image positive tant pour les politiques que pour les citoyens. Cependant, les prairies ne fournissent pas toutes les mêmes services. Ma recherche a contribué à ces évaluations en mettant l’effort d’abord sur les services de production puis sur un ensemble de services environnementaux, et ce pour tous types de prairies.

L’écologie fonctionnelle pour caractériser les services fournis par les prairies

L’écologie fonctionnelle vise à identifier les règles générales pour expliquer les relations entre les fonctions des systèmes biologiques et les facteurs du milieu et les pratiques, par une caractérisation des traits des espèces (caractéristiques qui affectent sa réponse aux facteurs et ses effets sur le fonctionnement).

J’ai mobilisé ces concepts de l’écologie fonctionnelle développés par les écologues pour des végétations (semi)naturelles, pour l’adapter à des formations herbacées anthropisées par l’activité d’élevage avec une visée opérationnelle, ce qui constitue un véritable enjeu scientifique. En effet, la gamme de variation des types de végétation et des facteurs écologiques étudiés est beaucoup plus restreinte que celle sur laquelle ont travaillé les écologues. D’autre part, nous disposons d’un cas de figure original où les ressources en nutriments (N, P) et en lumière ne sont pas forcément négativement corrélées comme c’est souvent le cas dans les écosystèmes naturels. En effet, la spécificité des écosystèmes pâturés est de pouvoir faire varier considérablement la compétition pour la lumière par l’intensité et la fréquence de prélèvement (de deux utilisations par an à une dizaine dans le cas d’un pâturage continu), alors que le niveau de nutrition minérale reste inchangé.

Une méthode simplifiée adaptée à l’accompagnement des agriculteurs

Nous avons conçu un ensemble de dispositifs constitués d’expérimentations (en milieu contrôlé et au champ, sur des cultures pures et des communautés), et des suivis de parcelles, pour dans un premier temps classer les communautés prairiales quant à leur valeur d’usage agricole (services fourragers), puis pour une gamme élargie de services écosystémiques.

Nous avons montré l’intérêt de coupler des études sur la croissance et la composition des couverts végétaux à une caractérisation des stratégies adaptatives des espèces aux ressources et perturbations générées par les pratiques. Ce courant de l’écologie développe l’idée de base suivant laquelle les types fonctionnels de plante définis par des traits de vie, ont une valeur beaucoup plus générique que les classifications fondées sur des critères taxonomiques. Ces recherches ont permis de classer la quasi totalité des graminées pérennes selon deux stratégies de croissance (rapide vs lente, précoce vs tardive) pour évaluer leur valeur d’usage (croissance et valeur nutritive). Elles ont aussi permis de modéliser la réponse de ces stratégies à la disponibilité en ressources (nutriments et lumière) et à la défoliation (fauche ou pâturage).

Un deuxième acquis porte sur l’évaluation d’un ensemble de services écosystémiques à partir d’une méthode simplifiée basée sur la diversité des types de graminées. À l’échelle parcelle, nous avons montré une bonne capacité de la méthode à rendre compte de la productivité des prairies, mais aussi de la teneur en carbone du sol et de la diversité spécifique. A l’échelle de l’exploitation agricole, nous avons montré l’intérêt de la méthode pour rendre compte des fonctions des parcelles et de la cohérence des systèmes d’alimentation.

Récemment, ce travail a été étendu à tous types de prairies permanentes et temporaires à base d’associations de graminées et légumineuses), en s’attachant à définir des indicateurs permettant de prendre en comte les complémentarités fonctionnelle et temporelle des espèces pour caractériser les services écosystémique de l’échelle parcelle à celle du paysage.

2- Des systèmes agricoles basés sur la biodiversité

Agroécologie comme (ii) un ensemble de méthodes et de pratiques pour une agriculture respectant les ressources naturelles

Contexte

La spécialisation des exploitations et des régions, ainsi que la simplification des systèmes agricoles ont été permises par l’utilisation massive d’intrants de synthèse et sont à l’origine des pollutions dans le sol et l’air. Dans la quête d’une agriculture plus durable, on assiste à un foisonnement d’initiatives prenant différentes dénominations (écoagriculture, permaculture, agriculture biologique, de précision, intégrée, de conservation …). La plupart de ces termes englobent une grande diversité de pratiques agricoles ou correspondent à des systèmes présentant des performances environnementales et socio-économiques différentes. Certaines se réfèrent plus à la nature des technologies utilisées (par exemple l’agriculture de précision) ou à la nature des intrants (bio). D’autres classifications décrivent les formes potentielles d’agriculture durable par les concepts d’intensification écologique ou durable et d’agroécologie, mais là encore, les principes sur lesquels ils reposent se chevauchent.

Pour traiter de manière plus générique des formes d’agriculture, nous nous sommes appuyés sur les recherches en écologie appliquée à l’agriculture et celles en sciences sociales qui distinguent deux principaux paradigmes sous-tendant l’agriculture durable : «durabilité ou multifonctionnalité faible vs forte ». La modernisation écologique faible correspond à la mise en œuvre de bonnes pratiques et de technologies génériques pour améliorer l’efficience technique d’utilisation d’intrants. La seconde substitue les services rendus par la diversité biologique aux intrants exogènes à l’exploitation (intrants de synthèse ou biologiques).

Cette étape de recherche a donné lieu à une théorisation des façons de produire en agriculture, selon la nature des intrants et à des études empiriques emblématiques d’une agriculture basée sur la biodiversité dans le domaine de l’élevage. Nous en résumons l’une d’entre elle et présentons une courte vidéo pour une autre.

Typologie des façons de produire en agriculture selon la nature des intrants

Systèmes agricoles basés sur les intrants chimiques de synthèse

L’enjeu est d’améliorer la performance économique en se conformant aux réglementations environnementales par des technologies permettant d’accroître l’efficacité d’utilisation des intrants. Il s’agit des technologies de l’agriculture de précision à base de capteurs dans le sol, sur les plantes, les animaux et machines, ainsi que l’utilisation de drones ou satellites permettant la surveillance dynamique de variables. Ces technologies permettent de maitriser les flux, en particulier d’azote, les mauvaises herbes (désherbage par robots) et d’appliquer de manière mieux ciblée les pesticides. Il s’agit aussi de l’utilisation de cultivars et de races animales moins sensibles aux stress (par ex sécheresse, températures) tout en présentant le même niveau ou de meilleurs rendements potentiels. Amortir ces technologies conduit souvent à agrandir les exploitations pour des économies d’échelle.

Systèmes agricoles basés sur les intrants biologiques

Considérant la réticence de la société vis à vis des pesticides, mais aussi pour réduire les émissions d’azote, certains agriculteurs remplacent les intrants de synthèse par des intrants organiques tout en conservant des systèmes de culture et d’élevage simplifiés ; il s’agit seulement d’une substitution. Au-delà de l’utilisation classique des engrais organiques comme substituts aux minéraux, de nouvelles pratiques liées au bio-contrôle se développent. Il s’agit d’ennemis naturels des prédateurs des cultures parfois développés industriellement (par exemple le trichogramme du maïs) ainsi que d’autres organismes comme les azotobacters, les probiotiques, les champignons mycorhiziens et les bio-stimulants du sol. Ces organismes miment ce qui se passe dans certains écosystèmes naturels. Il s’agit aussi de bio-pesticides pour réduire l’éco-toxicité des pesticides chimiques ainsi que de cultivars sélectionnés pour stimuler l’activité biologique du sol.

Systèmes d’exploitation basés sur la diversité biologique

Dans ces systèmes agricoles, l’objectif est de réduire fortement les intrants exogènes à l’exploitation par les services « écosystémiques » que fournir la biodiversité. Ces services « intrants » nécessite de développer une diversité d’espèces / races (par exemple, des cultures intercalaires et associées, des rotations de culture longues avec légumineuses, des prairies, voire de l’agroforesterie), tout en minimisant les perturbations mécaniques du sol. Il peut s’agir aussi de développer et gérer la biodiversité des bordures de champ (par exemple des bandes fleuries) jusqu’au paysage, de façon à avoir une diversité de cultures et d’habitats pour respectivement réduire la sensibilité aux maladies et préserver les ennemis naturels des cultures. Lorsque ces systèmes agricoles utilisent des intrants chimiques ou biologiques pour augmenter le niveau de production au-delà de ce qui est possible par les seuls services écosystémiques, ils doivent les utiliser avec parcimonie pour ne pas réduire les avantages attendus par la biodiversité

Au sens strict, seuls ces derniers systèmes s’inscrivent dans l’agroécologie, considérée alors comme un ensemble de méthodes et de pratiques pour une agriculture respectant les ressources naturelles.

Intégration culture-élevage à l’échelle du territoire : un exemple de recherche empirique s’inscrivant dans la transition écologique de l’agriculture

L’intégration culture-élevage à l’échelle du territoire représente une piste pour la transition agroécologique puisqu’elle permet de relocaliser les productions, rendre plus autonomes les systèmes et favoriser l’échange de connaissances et les capacités d’adaptation des agriculteurs. Elle doit être combinée aux évolutions à l’échelle de l’exploitation et mise en œuvre dans le cadre d’un accompagnement concerté entre structures de développement agricole, recherche et politiques publiques locales et nationales. Elle peut être intégrée dans des projets de territoire et valorisée à travers des filières locales ou des dispositifs de traçabilité.

La démarche recoupe les principes de développement de l’agroécologie: principes biotechniques de recyclage de la biomasse, agro-biodiversité, gestion des sols, etc., principes méthodologiques de pilotage multicritère, participation des acteurs, adaptation des dispositifs, principes « socio-économiques » de gestion des connaissances d’origines diverses et d’amélioration des capacités collectives d’adaptation.

L’intégration culture-élevage, repensée à l’échelle des territoires, soulève cependant des enjeux de conception et d’accompagnement des acteurs. La méthode construite a permis de développer des scénarios d’intégration dans différents contextes en intégrant des changements techniques et organisationnels à l’échelle des parcelles, des exploitations et des territoires. Elle comporte une part de généricité, notamment à travers les outils proposés qui pourront être adaptés dans d’autres cadres d’utilisation. Les dispositifs de terrain soulignent l’importance d’une approche participative, de l’implication des acteurs dans la définition des critères de performance et de la mise en adéquation des solutions proposées aux valeurs et objectifs portés par les acteurs. Les résultats démontrent la possibilité d’une évolution des pratiques et des systèmes de production, lorsqu’imaginée avec les acteurs en cohérence avec leur perception, vers plus de durabilité et d’intégration dans les dynamiques de territoire. Ils montrent aussi la nécessaire implication d’autres acteurs du territoire dans la dynamique de changement.

3- Des systèmes agricoles insérés différemment dans des systèmes alimentaires

Agroécologie comme un programme interdisciplinaire support d’un développement agricole et alimentaire durable

Contexte

La prise de conscience récente des interrelations entre défis alimentaires, environnementaux et sociétaux a incité les politiques à impulser des changements radicaux dans les façons de produire, mais aussi de transformer les produits et de consommer les aliments. Les enjeux de sécurité alimentaire, de qualité de l’alimentation, de préservation de l’environnement conduisent à s’intéresser à la façon dont les systèmes agricoles s’insèrent dans les systèmes alimentaires (mondialisés vs locaux) et dans les dynamiques territoriales.

Typologie des modèles d’agriculture selon l’insertion des systèmes agricoles dans les systèmes alimentaires et les dynamiques territoriales

Les systèmes de production agricoles sont intégrés diversement dans les systèmes alimentaires et les territoires. Les systèmes alimentaires comprennent les entreprises qui collectent et transforment les produits agricoles, et celles qui distribuent et vendent les aliments. En amont, l’élaboration des produits agricoles, et en aval leur consommation, constituent aussi le système alimentaire, de telle sorte que les choix alimentaires des consommateurs influent sur la manière dont les matières premières agricoles sont produites et transformées.

Le système agroalimentaire mondial comprend le marché des intrants agricoles (ex: engrais, pesticides), les aliments pour animaux (ex : tourteaux de soja), les produits peu transformés (par exemple la semoule de blé dur), et de plus en plus, un marché de composés, souvent substituables pour fabriquer des aliments ultra transformés. Le développement rapide des systèmes alimentaires mondialisés a eu un fort impact sur l’homogénéisation des systèmes alimentaires nationaux, ainsi que sur la santé humaine avec le développement des maladies chroniques.

Les systèmes alimentaires locaux prennent une place grandissante auprès de certains consommateurs, offrant ainsi des possibilités importantes de développement rural en termes de valeur ajoutée et de réseau social. Ils peuvent être classés en fonction du type de filière (marché locaux de producteurs, circuits courts, produits avec signes de qualité liés au territoire de production pouvant aller jusqu’au marché d’exportation). D’autres dynamiques territoriales impliquant les systèmes agricoles sont basées sur le développement des économies circulaires pour réduire les pertes de matière et d’énergie, et peuvent recourir à des coordinations pour gérer les paysages. Nous ne décrivons ci-dessous que les systèmes agricoles intégrés dans les dynamiques territoriales.

Un premier modèle correspond à des systèmes intégrés localement dans une économie circulaire. L’objectif est de réduire l’utilisation des ressources naturelles par une meilleure fermeture des cycles de matières et d’énergie (production de biogaz, recyclage, etc.), en échangeant des produits entre agents économiques. C’est le cas des échanges d’organisations collectives pour récupérer divers déchets, agricoles ou non en vu de produire du biogaz dont les sous produits sont utilisés comme fertilisants. Ce modèle se développe dans les élevages de monogastriques, mais aussi dans certaines formes d’associations culture-élevage à l’échelle du territoire. Ce modèle de l’agriculture est fortement encouragé par les pays occidentaux.

Les systèmes agricoles fondés sur la biodiversité (agroécologie) peuvent s’ancrer dans des systèmes alimentaires locaux pour répondre aux attentes de certains consommateurs en termes d’environnement, de bien être animal et de santé humaine. Ceux qui sont les plus enracinés dans les territoires reposent souvent sur des labels (ex label rouge, AOP) et/ou sont basés sur une gestion intégrée du paysage pour fournir des services écosystémiques multiples. Cela nécessite de concevoir des paysages intégrant par exemple la gestion de l’eau, les réseaux bocagers, ou favorisant des régulations biologiques. Dans ce modèle, le défi consiste à développer une gouvernance collective afin de concevoir la distribution spatiale de l’utilisation des terres (cultures, prairies) voire des habitats semi-naturels, pour augmenter les services écosystémiques. Les marchés locaux et mondiaux peuvent être complémentaires et co-exister car des produits avec signes de qualité peuvent aussi être vendus sur le marché mondial.

Ces modèles, combinant des enjeux environnementaux et alimentaires, doivent être évalués au-delà de ce qui est fait habituellement par domaine (environnement, économie, social). A cette fin, nous mobilisons les concepts « d’une seule santé » et de « système alimentaire durable » pour examiner comment la santé dans plusieurs composantes de l’agriculture et l’environnement (les sols, les plantes, les animaux, les écosystèmes) interfèrent avec les systèmes alimentaires, et impactent la santé humaine. Il est ainsi possible d’identifier des leviers pour améliorer la santé dans chaque domaine (les écosystèmes, les hommes…) en tenant compte des interdépendances entre domaines, notamment à des niveaux infra (santé des sols, des plantes, des animaux) au travers des services ou impacts générés par les leviers. L’identification des processus qui relient la santé de ces différents domaines permet alors d’anticiper les effets en cascade suite à des changements dans les politiques et les pratiques concernant l’agriculture, l’environnement et l’alimentation. Les domaines de santé sont interconnectés par exemple par les flux de nutriments et de toxines dans la chaine alimentaire, les émissions dans l’air et le sol, la biodiversité (pour la fourniture de services écosystémiques), les micro-organismes, et les liens structurels dans le système alimentaire (par ex part des protéines végétales et animales). Des changements en cascade peuvent se manifester du local (le sol) au global (la planète) et vice versa, et varier dans leur temporalité, permettant donc de penser aussi les changement d’échelles dans la compréhension des interconnections entre agriculture, environnement et alimentation.

Un exemple de transition agroécologique basée sur l’inter-organisation des filières du végétal et de l’animal pour coupler des enjeux agricoles et de santé humaine

Partant du constat que les nombreux travaux quant à l’effet de l’alimentation des ruminants sur la composition des laits en acides gras (Oméga-6/Oméga-3) étaient dissociés de ceux portant sur l’effet de notre alimentation sur la santé, j’ai examiné l’ensemble de la chaine alimentaire. En effet, l’enjeu est d’importance puisque nous avons en moyenne une insuffisance en oméga 3 (0,9 au lieu de 1,8 g/jour recommandé) et un rapport oméga 6/oméga 3 de 9 au lieu de 4 recommandé alors que ces déséquilibres impactent tout un ensemble de maladies chroniques d’origine inflammatoire (maladies cardiovasculaires, certaines formes d’obésité ou de cancer…). J’ai donc considéré différents leviers pour renforcer la teneur en oméga 3 des produits animaux : d’une part en évaluant l’impact de la consommation de produits animaux uniquement nourris à l’herbe, d’autre part, en analysant la filière de niche, Bleu Blanc Cœur (BBC), qui possède un label reconnu aujourd’hui par le ministère de la santé. La technologie utilisée consiste à complémenter la ration des herbivores avec du lin (riche en oméga-3) extrudé suivant une méthode brevetée pour faciliter son utilisation. Nous avons montré que la filière BBC, au-delà d’apporter une « correction » aux inconvénients de systèmes très intensifiés par une supplémentation en Omégas3, pouvait, par son existence et son succès, permettre d’initier un cercle vertueux de promotion de l’utilisation de la ressource herbe : les éleveurs pourraient avoir intérêt à augmenter la place de l’herbe dans leurs systèmes pour bénéficier de la plus forte rémunération du lait qui serait liée à la reconnaissance de ce ratio d’Omégas6/3 tout en réduisant leurs coûts de production puisqu’ils auraient moins de lin à apporter donc à acheter.

Ce travail a ensuite été étendu à l’ensemble des produits animaux et aux huiles végétales, et nous avons évalué l’impact du choix de produits animaux nourris à l’herbe sur le rééquilibrage de notre assiette, avec écriture d’un guide pratique pour le consommateur, afin qu’il puisse choisir les produits animaux qu’il consomme au delà des produits estampillés BBC.

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