[Playlist] Sélection Alternative Builders, épisode 1

Alexandre Todorovic
Alternative Builders
4 min readFeb 24, 2021

Toutes décennies et styles confondus, les moments où la musique s’est faite porte-parole des dérèglements climatiques, de l’industrialisation des imaginaires et de l’urbanisation démesurée.

L’évocation de la crise climatique dans la musique ne date pas d’hier, et il n’y a pas que de la chanson à texte et sa critique sociale. Nombre d’artistes de tous genres y ont fait référence de manière plus ou moins explicite, qu’ils soient issus de la contre-culture ou au contraire des stars mondiales, que leurs textes soient dénonciateurs ou bien évocateurs, ironiques ou incriminants, sombres ou plein d’espoirs, métaphoriques ou directs…

Voici donc les 5 premières chansons d’une playlist pour casser la baraque !

Playlist complète sur Youtube / Deezer / Spotify

Joni Mitchell — “Big Yellow Taxi” (1970)

“They paved paradise, to put up a parking lot

A l’apogée de l’époque Woodstock, l’icône du songwriting américain sort en 1970 son tube « Big Yellow Taxi », une fable folk où le paradis est pavé pour construire un parking et les arbres sont placés dans un musée payant.

La chanson fait directement écho à la prise de conscience dans la contre-culture américaine des ravages du progrès industriel, notamment après la publication du « Silent Spring » de Rachel Carson (1962), qui devient par la suite pilier du mouvement écologiste en Occident. Le couplet sur le DDT et l’extinction des abeilles semble y faire référence.

« Big Yellow Taxi » rencontre un grand succès à sa sortie, au point d’être traduite en France par Joe Dassin (sous le titre « Le grand parking »). La chanson fait l’objet de plusieurs reprises au cours des années, jusqu’à aujourd’hui où des musiciens de la jeune génération comme Orla Gartland ou Harry Styles rechantent son refrain :

Don’t it always seem to go

That you don’t know what you’ve got ’til it’s gone

Talking Heads — “Nothing But Flowers” (1988)

From the age of the dinosaurs

Cars have run on gasoline

Where, where have they gone?

Now, it’s nothing but flowers

Lorsque David Byrne et son groupe culte des Talking Heads sortent cette chanson en 1988, le monde occidental se trouve à la porte du néolibéralisme et de son goût prononcé pour la non-considération des écosystèmes.

Par-dessus leur funk-rock addictif, David Byrne chante une fable inverse à celle de Joni Mitchell : un monde où toute construction humaine a disparu sous une nature luxuriante, et où les hommes doivent chasser pour leur dîner. Refaisant l’histoire à l’envers, le narrateur rêve de Pizza Hut, de centres commerciaux et de micro-ondes.

« Nothing But Flowers » est autant une critique ironique du lifestyle américain qu’une dénonciation sournoise de l’inaction face au changement climatique. Le clip s’amuse à insérer de rapides messages subliminaux pêle-mêle sur la déforestation et la production de déchets, et la chanson conclut sur un refrain prémonitoire :

And as things fell apart

Nobody paid much attention

Mos Def — “New World Water” (1999)

You can laugh and take it as a joke if you wanna

But it don’t rain for four weeks some summers

And it’s about to get real wild in the half

You be buying Evian just to take a fuckin bath

Alors que George Bush souhaitait au début des années 1990 un « New Word Order » fondé sur une coopération internationale post-guerre froide, Mos Def rappe à la fin de la décennie sur la « New World Water », en métaphore d’une eau internationalement polluée, exploitée et rarifiée.

Le rapper influent de la East Coast construit tout son texte sur le paradoxe d’une ressource abondante et gratuite qui devient une marchandise dans un monde capitaliste, au point d’en devenir le marqueur : la « New Word Water » est utilisée à excès dans les pays riches, polluée ou rare dans les pays pauvres, purifiée et empaqueté par la même industrie qui l’a souillée.

Fluorocarbons and monoxide

Got the fish lookin cockeyed

Used to be free now it cost you a fee

’Cause it’s all about gettin that cash (Money)

Radiohead — “Idioteque” (2000)

Who’s in a bunker, who’s in a bunker?

Women and children first and the children first and the children

Juste avant le passage du millénaire, Naomi Klein publie son bestseller « No Logo », qui devient vite une référence dans les courants altermondialistes. Sa dénonciation du système de consommation à outrance est une source d’inspiration pour Thom Yorke et Jonny Greenwood de Radiohead, qui présentent le livre comme influence principale de leur album culte « Kid A ».

« Idioteque » sonne comme une des prophéties catastrophistes de l’an 2000, à l’exception qu’il s’agit a posteriori plutôt d’une lucide anticipation des décennies à venir. L’utilisation des sonorités électroniques expérimentales augmente le sentiment d’étrangeté et d’urgence de la situation décrite.

Depuis cet album, Thom Yorke est reconnu pour être fervent défenseur de la cause climatique en général, et consacre plusieurs chansons à la thématique.

“Ice age coming ice age coming

We’re not scaremongering

This is really happening happening”

Woodkid — “Goliath” (2020)

Where are you going, boy?

When did you get so lost?

How could you be so blind?”

Après des décennies d’exploitation des ressources et de raffinement des techniques, l’urgence climatique est toujours là et l’absurdité toujours flagrante. « Goliath » prend ainsi pour décor une mine à ciel ouvert, dans laquelle viennent travailler des ouvriers à l’allure quasiment lobotomisée, et met en scène la naissance d’un monstre de minerai.

Woodkid signe une œuvre audiovisuelle très prenante, dans laquelle les sonorités métalliques et saturées font directement écho à la machine et sa destruction méthodique de l’environnement. Qui seront les David pour affronter ce géant de pierre et de feu ?

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