[Synthèse] Découvrir le réemploi avec Rotor

Pierre Navaro Auburtin
Alternative Builders
5 min readFeb 25, 2021

Dans un contexte d’épuisement de ressources et de production de déchets de masse, Rotor publie un ouvrage cernant les problématiques du réemploi allant jusqu’à proposer un plan d’actions.

Un collectif tourné vers le réemploi

ROTOR (1) est un collectif basé à Bruxelles regroupant différents corps de métier. Créée en 2006, l’équipe promeut le réemploi. En 2014,naît la coopérative nommée « Rotor Deconstruction » qui démonte des bâtiments et prépare les matériaux récupérés à la revente.

L’ouvrage

En janvier 2018, dans le sillage du projet BBSM (le bâti bruxellois, source de nouveaux matériaux), Michaël Ghyoot, Lionel Devlieger, Lionel Billiet et André Warnier publient l’ouvrage « Déconstruction et réemploi ».

Cet ouvrage propose une approche intéressante du secteur du réemploi dans la construction par la vision d’ensemble qu’il procure sur le sujet. Il situe temporellement les pratiques du réemploi tout en exposant les possibilités actuelles. Un travail transdisciplinaire est également entrepris, l’ouvrage prenant en compte les dimensions technique, environnementale, culturelle et économique. L’ouvrage dont sont ici présentées les leçons principales constitue un excellent moyen d’aborder la thématique du réemploi. En espérant que celles-ci vous encouragent à sa (re)lecture.

Comprendre le contexte historique du réemploi.

Une leçon importante de cet ouvrage est de comprendre que le réemploi n’est pas une pratique nouvelle. Au fil de l’histoire et des périodes économiques moins favorables, le recours au réemploi a été un moyen de construire malgré un accès réduit aux matières premières et une difficulté de transport de celles-ci. Cette pratique était notamment courante vers entre le 4ème et 5ème siècle sous l’empire romain ou encore lors des grands travaux d’Haussmann. La récupération d’éléments de construction qui servaient ensuite à d’autres chantiers était alors partie intégrante de la phase de démolition.

Cependant, à partir du XXème et notamment après la seconde guerre mondiale pendant laquelle de nouveaux outils et la mécanisation se sont développés, la logique de démolition s’oriente sur la rapidité de production, plus que sur le tri et l’économie de matière. Avec une industrialisation grandissante de la société et des moyens de production, accompagnée du développement du fret et d’une augmentation du coût de la main d’oeuvre, le réemploi s’est progressivement vu reléguer au second plan

Le réemploi comme levier vers le zéro déchet et le zéro carbone

En France, 227.5 Mt soit 70% des déchets sont émis par le secteur de la construction (2), il représente ainsi un levier majeur pour la réduction de ceux-ci. La déconstruction d’un bâtiment étant souvent liée à des raisons de fonctionnalité, il est assez rare que tous les éléments soient obsolètes. Rotor considère le réemploi comme un prolongement de la durée d’exploitation de ces éléments dont la durée de vie n’a pas été atteinte. D’autre part, cela présente l’avantage d’éviter l’extraction et la transformation de nouvelles ressources avec les coûts économiques et environnementaux que cela engendre. Cette économie de matière prend sens et se révélera incontournable dans un monde avec des ressources finies.

Cependant pour réutiliser les éléments, il faut s’assurer de leur bon fonctionnement et donc avoir une trace des interventions qu’ils ont subis. Il est également possible de vérifier leurs capacités sur site à l’aide d’outils qui évoluent chaque jour. Cependant ces évaluations revêtent un coût et celui-ci ne peut être amorti que s’il concerne un grand nombre d’éléments.

La question des assurances peut également présenter un frein. Si la pratique est jugée non courante, c’est aux choix des assureurs d’accepter ou non l’utilisation d’un tel produit. C’est questions sont entre autre traitées dans le guide REPAR#2 (3)

Le réemploi comme préservation et valorisation d’un patrimoine culturel

Une autre branche du réemploi est la préservation d’un patrimoine culturel. Certains éléments, plus fréquemment dans le second œuvre, possèdent une grande valeur de par leur contexte de fabrication (artisan renommé, matériau rare, etc.) mais également de par les traces laissées par le temps. Certains acheteurs sont friands de ce type de produit unique.

Cependant pour être capable de valoriser de tels produits, il faut pouvoir retracer leur historique. Dans certains cas ce travail est rendu aisé par la signature ou le style particulier, dans la majorité des cas cependant, un important travail de documentation est à réaliser.

Aspects sociaux du réemploi

La filière du réemploi peut également être perçue comme porteuse de métiers. En effet, la déconstruction nécessite une main d’œuvre capable de déconstruire sélectivement un bâtiment en préservant ses éléments. Aussi, un travail est nécessaire pour évaluer la valeur des éléments récupérés, organiser leur stockage et leur revente. L’ouvrage suggère ainsi que la majorité des métiers du réemploi nécessiterait un certain niveau de qualification. Le développement de cette filière nécessite donc la mise en place de formations et sera créatrice de nouveaux emplois.

La place du réemploi dans l’économie

Le secteur de la construction regroupe de nombreux acteurs qui possèdent chacun leurs intérêts. Aussi la diversité des acteurs fait qu’il est difficile d’initier un mouvement d’ensemble.

Une des difficultés économiques du réemploi est qu’il est souvent moins coûteux d’acheter des nouveaux éléments de construction plutôt que d’entreprendre tout le travail de vérification des produits déconstruits.

Lancer un tel mouvement nécessite un travail des autorités publiques, d’encouragement dans un premier temps qui peut, dans un second temps, donner lieu à l’établissement de contraintes pour les acteurs du secteur . Début 2021, cet effort est en cours de consolidation par l’évolution et la promulgation de réglementations telles que la RE2020 et son ACV dynamique, le projet de Décret Diagnostic Produits-Matériaux-Déchets (PMD) ou encore le décret définissant la Responsabilité Elargie des Producteurs (REP) pour ne citer que ceux là. Dans tous les cas, un rapprochement entre les différents corps de métier, du concepteur au fournisseur est nécessaire.

Pour aller plus loin

Rotor participe notamment à une initiative européenne nommée “Facilitating the circulation of reclaimed building elements in Northwestern Europe” (FCRBE) (4). Un des objectifs de cette initiative est la réalisation d’un annuaire Opalis (5) recensant les entreprises actives dans le réemploi.

En France, il existe un guide du réemploi : REPAR, réalisé par Bellastock en partenariat avec le CSTB et l’ADEME.

  1. ROTOR. Site web, consulté le 24/02/2021, http://rotordb.org/en
  2. ADEME. OPTIGEDE, Déchets du bâtiment et des travaux publics, consulté le 24/02/2021, https://optigede.ademe.fr/dechets-du-batiment-et-des-travaux-publics
  3. Bellastock, CSTB. REPAR#2 le réemploi passerelle entre l’architecture et l’industrie. Mars 2018
  4. FCRBE — Facilitating the circulation of reclaimed building elements in Northwestern Europe. Site web, consulté le 24/02/2021. https://www.nweurope.eu/projects/project-search/fcrbe-facilitating-the-circulation-of-reclaimed-building-elements-in-northwestern-europe/
  5. Opalis. Site web, consulté le 24/02/2021. https://opalis.eu/fr

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