Qu’est-ce que l’altruisme efficace ?
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Qu’est-ce que l’altruisme efficace ?Merci de nous suivre et au plaisir de vous retrouver sur le nouveau blog !
Cet article est une traduction de What is effective altruism?. L’original a été écrit pour le CEA (Centre for Effective Altruism), une ONG qui vise à soutenir la communauté et les idées de l’altruisme efficace.
Des modifications ont été apportées pour rendre le texte plus pertinent pour un lectorat français.
Introduction
L’altruisme efficace est un projet qui vise à trouver les meilleurs moyens d’aider les autres et à les implémenter.
C’est à la fois un domaine de recherches, dont le but est d’identifier les problèmes les plus urgents dans le monde et les meilleures solutions pour y faire face, et une communauté qui veut se servir de ces recherches pour rendre le monde meilleur.
Ce qui rend ce projet si important, c’est que même si de nombreuses tentatives d’aider les autres échouent, d’autres se révèlent extrêmement efficaces. Un exemple : à ressources égales, certaines organisations caritatives parviennent à aider 100 ou 1000 fois plus de personnes que d’autres.
Ça veut dire qu’en réfléchissant avec attention aux meilleures manières d’aider les autres, nous pouvons affronter les plus grands problèmes mondiaux et obtenir de bien meilleurs résultats.
L’altruisme efficace a été théorisé par des chercheurs de l’université d’Oxford mais aujourd’hui, le mouvement est présent aux quatre coins du monde. Ses principes sont appliqués par des dizaines de milliers de personnes dans plus de 70 pays¹.
Les gens inspirés par l’altruisme efficace travaillent sur des projets très variés : cela va de financer la distribution de 200 millions de moustiquaires pour lutter contre le paludisme à de la recherche universitaire sur l’avenir de l’intelligence artificielle, en passant par des campagnes en faveur de politiques visant à prévenir les prochaines pandémies.
Ce qui rassemble ces gens, ce n’est pas la conviction d’avoir une solution unique aux problèmes du monde : c’est une manière de penser. Ils essaient de trouver des façons d’aider qui fonctionnent remarquablement bien, afin d’obtenir un maximum d’impact avec une quantité de ressources donnée. Voici quelques exemples de ce qu’ils ont déjà réalisé, et les valeurs qui les unissent.
L’altruisme efficace en pratique : quelques exemples
Prévenir la prochaine pandémie
Pourquoi travailler là-dessus ?
Les problèmes que les partisans de l’altruisme efficace s’efforcent d’identifier sont des problèmes qui répondent à trois caractéristiques : ils sont de grande envergure, on peut raisonnablement espérer les résoudre et ils sont injustement négligés². L’objectif est de découvrir les lacunes majeures parmi les efforts actuels, et ainsi déterminer où l’action d’une personne supplémentaire aura le plus d’impact. La prévention des pandémies semble répondre à ces critères.
Dès 2014, des chercheurs du mouvement de l’altruisme efficace affirmaient que compte tenu du grand nombre d’accidents évités de justesse, il était probable qu’une pandémie de grande ampleur se déclare de notre vivant. Pourtant, la prévention des pandémies était, et reste toujours, sous-financée par rapport à d’autres problèmes mondiaux. Les États-Unis, par exemple, investissent chaque année 8 milliards de dollars dans la prévention des pandémies, soit une somme bien inférieure aux 280 milliards de dollars annuels affectés à la lutte contre le terrorisme ces dix dernières années³.
Il est important d’empêcher les attentats terroristes, cela ne fait aucun doute. Mais l’ampleur du problème semble moindre. Prenons par exemple le nombre de morts dus à ces deux fléaux : au cours des 50 dernières années, le terrorisme a fait près de 500 000 victimes mais le Covid-19, à lui seul, a conduit à la mort de plus de 21 millions de personnes⁴ — sans parler des 40 millions de morts causés par le virus du SIDA (VIH)⁵.
Sans compter qu’une future pandémie pourrait être bien pire que le Covid-19 : rien n’interdit d’imaginer une maladie plus contagieuse encore que le variant Omicron, mais aussi mortelle que la variole. (Pour plus de détails sur cette comparaison, voir la note de bas de page 4.)
Au sein de l’altruisme efficace, une fois qu’un problème de grande ampleur et trop négligé a été identifié, la communauté cherche des solutions qui pourraient contribuer à résoudre le problème et qui sont négligées par les autres instances travaillant sur ces questions. Ce qui nous amène à…
Des exemples de ce qui a été fait jusqu’ici
En 2016, la fondation Open Philanthropy — qui s’inspire des principes de l’altruisme efficace — est devenue la principale source de financement du Johns Hopkins Center for Health Security, l’un des rares centres à travailler sur l’amélioration des réponses politiques à apporter aux pandémies. Le Johns Hopkins Center for Health Security a joué un rôle majeur dans la réponse à la crise du Covid-¹⁹⁶.
Quand la pandémie de Covid-19 a éclaté, des membres de la communauté ont fondé 1DaySooner, un organisme à but non lucratif qui milite en faveur d’essais cliniques sur des êtres humains. Ces essais cliniques consistent à infecter des volontaires en bonne santé, ce qui permet de tester les vaccins quasi-instantanément. 1DaySooner a été l’une des seules organisations à militer en faveur de tels essais. Elle a recruté plus de 30 000 volontaires7 et a contribué à lancer le premier essai clinique sur des humains pour lutter contre le Covid-19. Cette démarche pourra être réutilisée lors de la prochaine pandémie à laquelle nous ferons face.
Des membres de la communauté de l’altruisme efficace ont également participé à la création du Apollo Programme for Biodefense, un ensemble de propositions très ambitieuses destinées au gouvernement américain pour prévenir les prochaines pandémies.
Fournir aux pays pauvres du matériel médical essentiel
Pourquoi travailler là-dessus ?
« Charité bien ordonnée commence par soi-même », a-t-on coutume de dire. Mais pour l’altruisme efficace, la charité doit commencer là où elle peut avoir le maximum d’impact. Ce qui implique souvent de concentrer nos efforts sur les personnes les plus délaissées par le système actuel… qui en général sont aussi celles qui vivent le plus loin de nous.
Plus de 700 millions de personnes vivent avec moins de 2 € par jour⁸.
En comparaison, un Français proche du seuil de pauvreté vit avec près de 20 fois plus, et le Français moyen dispose de 50 fois plus. Il se classe ainsi, au niveau mondial, parmi les 3,2 % de personnes ayant les revenus les plus élevés à l’échelle mondiale⁹. (Ces montants sont déjà corrigés pour tenir compte du fait que dans les pays pauvres, l’argent n’a pas la même valeur).
Les inégalités à travers le monde sont considérables. C’est pour ça que transférer des ressources vers les populations les plus pauvres de la planète peut être extrêmement bénéfique. Dans les pays riches comme la France ou les États-Unis, les gouvernements sont prêts à dépenser plus d’un million d’euros pour sauver une vie¹⁰ (trois millions en France). Une vie vaut bien cette somme, mais dans les pays les plus pauvres, sauver une vie coûte beaucoup moins.
GiveWell est une organisation qui effectue des recherches approfondies pour déterminer quels projets, dans le domaine de la santé et du développement, sont les plus étayés et ont le meilleur rapport coût/efficacité. Elle a mis en évidence que de nombreuses interventions d’aide n’ont pas d’effet, mais qu’à l’opposé, d’autres actions, consistant par exemple à distribuer des moustiquaires imprégnées d’insecticide, permettent de sauver la vie d’un enfant pour 5500 € en moyenne. C’est 180 fois moins qu’un million¹¹.
Les soins de base dans le domaine médical sont si efficaces et si peu coûteux que même les plus connus parmi les sceptiques de l’aide internationale sont d’accord pour dire que ces soins médicaux élémentaires valent la peine d’être mis en place.
Des exemples de ce qui a été fait jusqu’ici
Plus de 110 000 donateurs se sont appuyés sur les recherches de GiveWell pour donner à eux tous plus d’un milliard de dollars aux organismes caritatifs recommandés par GiveWell, par exemple la Against Malaria Foundation, qui a déjà distribué plus de 200 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide. Au total, on estime que ces dons ont permis de sauver 159 000 vies¹².
La bienfaisance n’est pas le seul moyen d’aider les populations les plus pauvres : de nouvelles entreprises peuvent également contribuer. Wave est une entreprise créée par des altruistes efficaces, qui permet aux particuliers de transférer de l’argent vers plusieurs pays africains plus rapidement et à un tarif bien inférieur à celui des services existants. C’est un service particulièrement utile aux émigrés qui envoient de l’argent à leur famille au pays, et il est déjà utilisé par plus de 800 000 personnes dans des pays tels que le Kenya, l’Ouganda et le Sénégal. Rien qu’au Sénégal, Wave a permis à ses utilisateurs d’économiser des centaines de millions de dollars de frais de transfert — soit environ 1 % du PIB du pays¹³.
Aider à créer un domaine de recherches sur l’alignement de l’intelligence artificielle (IA)
Pourquoi travailler là-dessus ?
Il arrive souvent que des altruistes efficaces s’intéressent à des causes qui paraissent de prime abord contre-intuitives, obscures ou exagérées. S’ils le font, c’est parce que travailler sur des problèmes négligés (toutes choses égales par ailleurs) a un impact beaucoup plus important ; or si ces questions sont négligées, elles vont sembler (par définition, ou presque) atypiques à la plupart des gens. La question de l’alignement de l’IA en est un bon exemple.
L’intelligence artificielle (IA) connaît actuellement un développement fulgurant. Les systèmes d’IA les plus évolués sont désormais capables de mener des conversations simples, de résoudre des problèmes mathématiques de niveau universitaire, d’expliquer des blagues, de créer des images extrêmement réalistes à partir de texte et de coder des programmes basiques¹⁴. Il y a dix ans, rien de tout cela n’était possible.
L’objectif ultime des principaux laboratoires d’IA est de concevoir une IA aussi performante, voire plus performante, que l’intelligence humaine sur toutes les tâches possibles. Prédire l’avenir d’une technologie est très difficile mais différents arguments et différentes études spécialisées suggèrent qu’il est probable que cet objectif soit atteint au cours du siècle actuel. Et selon des modèles économiques standard, une fois que l’IA sera devenue aussi performante que l’intelligence humaine, le progrès technologique dans son ensemble pourrait connaître une accélération radicale.
Il en résulterait une immense transformation, peut-être aussi importante, voire plus importante que la révolution industrielle du 19ème siècle. Bien gérée, cette transformation pourrait apporter une abondance et une prospérité dont nous bénéficierions tous. Mal gérée, elle pourrait déboucher sur une concentration extrême du pouvoir entre les mains d’une élite.
Et dans le pire des scénarios, nous pourrions perdre le contrôle des systèmes d’IA eux-mêmes. Incapables de gouverner des êtres dotés de capacités bien supérieures aux nôtres, nous ne serions pas plus maîtres de notre avenir que les chimpanzés le sont du leur.
Autant dire que cette question pourrait avoir un impact dramatique non seulement sur notre génération, mais aussi sur toutes les générations à venir. C’est ce qui la rend particulièrement cruciale quand on l’aborde avec une perspective « long-termiste » — le long-termisme étant une école de pensée née de l’altruisme efficace, qui affirme qu’améliorer l’avenir sur le long terme est une priorité morale de notre époque.
Comment s’assurer que les systèmes d’IA continueront à défendre les valeurs humaines, même lorsque leurs capacités deviendront égales (ou supérieures) à celles des humains ? C’est une question qu’on appelle le problème de l’alignement de l’IA (en anglais AI alignement problem), et pour le résoudre, il faudra des avancées conséquentes.
Malgré son importance potentiellement cruciale, seules quelques centaines de chercheurs travaillent sur cette question, alors qu’il y a des dizaines de milliers de chercheurs qui s’efforcent de rendre les systèmes d’IA plus puissants¹⁵.
Il est difficile de résumer en quelques paragraphes tous les défis posés par ce champ de recherche. Pour les personnes intéressées, nous recommandons les lectures suivantes : la série du Plus important des siècles d’Holden Karnofsky, The case for taking AI seriously as a threat to humanity (Vox) et Preventing an AI-related catastrophe (80,000 Hours).
Des exemples de ce qui a été fait jusqu’ici
L’une des priorités est déjà de faire connaître au public l’existence de ce problème. Le livre de Nick Bostrom Superintelligence : chemins, dangers, stratégies, qui explique l’importance de l’alignement de l’IA, a été publié en 2014 et a été classé n°17 sur la liste des best-sellers scientifiques du New York Times.
Une autre priorité est de créer un domaine de recherche consacré à ce problème. Stuart Russell, pionnier de l’IA, a par exemple créé le Center for Human-Compatible AI à l’université de Berkeley, en collaboration avec des personnes inspirées par l’altruisme efficace. Cet institut de recherche s’est fixé pour but d’instaurer un nouveau paradigme dans le domaine de l’IA : rendre la défense des valeurs humaines centrale dans la recherche.
D’autres personnes ont contribué à mettre sur pied des équipes travaillant sur l’alignement de l’IA au sein des principaux laboratoires d’IA, comme DeepMind et OpenAI, et définissent des programmes de recherche pour l’alignement de l’IA dans des ouvrages tels que Concrete Problems in AI Safety.
Mettre un terme à l’élevage industriel
Pourquoi travailler là-dessus ?
Les partisans de l’altruisme efficace s’efforcent d’élargir le cercle de leurs préoccupations morales : ils tentent d’intégrer dans ce cercle non seulement les personnes vivant dans des pays lointains, mais aussi les animaux non-humains.
En France, près de 900 millions d’animaux vivent et meurent chaque année dans des élevages industriels¹⁶. Souvent, ils passent toute leur vie dans des cages exiguës, ou sont castrés sans anesthésie.
Beaucoup sont d’accord pour dire qu’il faut éviter de faire souffrir inutilement les animaux mais leur attention se porte plutôt vers les refuges pour animaux de compagnie. Pourtant, aux États-Unis par exemple, il y a environ 1400 fois plus d’animaux qui passent par les élevages industriels que par les refuges¹⁷.
Malgré cela, les refuges pour animaux reçoivent près de 5 milliards de dollars de financement aux États-Unis, alors que les actions qui visent à abolir l’élevage industriel reçoivent 97 millions de dollars¹⁸ seulement.
Des exemples de ce qui a été fait jusqu’ici
Une première stratégie consiste à militer contre l’élevage industriel. L’association Open Wing Alliance, largement subventionnée par des donateurs inspirés par l’altruisme efficace, a organisé une campagne encourageant les grandes entreprises à s’engager à arrêter d’acheter des œufs de poules en cage. À ce jour, elle a obtenu plus de 2200 engagements et a donc évité à plus de 100 millions de volailles de passer leur vie en cage¹⁹.
Une autre stratégie consiste à créer des protéines alternatives, qui se substituent à la viande. Si ces protéines étaient moins chères et meilleures que la viande issue des élevages industriels, la demande pour la viande pourrait disparaître, et les élevages industriels n’auraient plus de raison d’être. Le Good Food Institute promeut l’industrie des protéines alternatives en participant à la création de sociétés comme Gourmey en France ou Dao Foods en Chine, en incitant de grandes entreprises à entrer sur ce segment (notamment JBS, la plus grande multinationale de la viande) et en obtenant des dizaines de millions de dollars d’aides gouvernementales²⁰.
La fondation Open Philanthropy a été l’un des premiers investisseurs dans l’entreprise Impossible Foods, dont un produit phare est l’Impossible Burger, un burger entièrement végane qui reproduit le goût de la viande et qui est désormais vendu chez Burger King aux États-Unis.
Améliorer la prise de décision
Pourquoi travailler là-dessus ?
Les personnes qui veulent avoir un impact positif sur le monde ont tendance à vouloir s’attaquer directement à un problème, car voir les résultats concrets de leurs actions est bien plus motivant. Mais ce qui compte, c’est que le monde progresse, peu importe que ce soit grâce à vous personnellement ou non. Cette réflexion conduit les partisans de l’altruisme efficace à essayer plutôt d’aider indirectement, en permettant à d’autres d’agir mieux.
Améliorer la prise de décision en est un bon exemple. Plus précisément : si des acteurs clés (hommes et femmes politiques, leaders du secteur secondaire ou tertiaire, décideurs dans des organismes de financement) savaient prendre de meilleures décisions, la société serait en bien meilleure posture pour affronter les futurs problèmes mondiaux, quels qu’ils soient.
Par conséquent, si nous trouvions de nouvelles manières d’améliorer la prise de décision par ces acteurs cruciaux, nous pourrions avoir un impact décisif. Or il existe quelques solutions très prometteuses pour y parvenir.
Des exemples de ce qui a été fait jusqu’ici
De nombreux problèmes mondiaux sont aggravés par un manque d’informations fiables. Le site Metaculus est une plateforme de prédictions qui identifie des questions importantes (comme la probabilité d’une invasion de l’Ukraine par la Russie), agrège les prédictions faites par des centaines de participants et les pondère en fonction de leur pertinence passée. Selon Metaculus, la probabilité d’une invasion de l’Ukraine par la Russie était de 47 % à la mi-janvier 2022 et de 80 % juste avant l’invasion le 24 février²¹ — alors qu’un grand nombre d’experts et de journalistes continuaient à affirmer qu’elle n’aurait pas lieu.
Le Global Priorities Institute à l’université d’Oxford se consacre à la question fondamentale suivante, au croisement de la philosophie et de l’économie : comment les décideurs clés peuvent-ils identifier les problèmes les plus urgents à travers le monde ? Il a contribué à créer un nouveau champ de recherches universitaire : la recherche sur les priorités globales. Il a aussi mis en ligne son programme de recherche, publie des dizaines d’articles et a inspiré de grandes universités telles que Harvard, New York, Austin, Yale et Princeton à orienter leurs recherches dans cette direction.
Quelles sont les valeurs qui unissent l’altruisme efficace ?
L’altruisme efficace ne se définit pas par les projets évoqués ci-dessus, et les problématiques les plus importantes au sein du mouvement pourraient très bien changer. Ce qui définit l’altruisme efficace, ce sont les valeurs qui sous-tendent sa recherche des meilleurs moyens d’aider les autres.
- Hiérarchisation des priorités, ou priorisation : nos intuitions quant au bien que nous pouvons faire ne prennent généralement pas en compte l’ampleur des résultats obtenus : que nous ayons aidé 100 personnes ou 1000, nous éprouvons souvent la même satisfaction. Pourtant, vu que certaines démarches permettent d’obtenir des résultats radicalement supérieurs, il est essentiel de s’appuyer sur des données chiffrées pour comparer l’impact de différentes actions. L’objectif est de déterminer les meilleures manières d’aider les autres, pas seulement d’essayer de faire une différence, quelle qu’elle soit.
- Impartialité : nous pensons que chaque personne compte autant que les autres. Bien entendu, il est normal de se préoccuper en priorité de sa propre famille, de ses amis et de sa vie. Mais quand nous essayons d’avoir l’impact le plus positif possible sur le monde, nous accordons la même importance à chaque personne, quels que soient le lieu ou l’époque où elle vit. Ce qui implique de concentrer nos efforts sur les groupes les plus négligés, qui sont en général ceux qui n’ont pas suffisamment de pouvoir pour défendre leurs propres intérêts.
- Recherche ouverte de la vérité : plutôt que de partir d’un engagement pour telle ou telle cause, communauté ou approche, il est nécessaire d’examiner de nombreuses manières d’aider afin de déterminer laquelle est la meilleure. Cette démarche demande de passer du temps à réfléchir à ses propres croyances et à les remettre éventuellement en question, en restant curieux, ouvert à de nouvelles données probantes, réceptif à de nouveaux arguments, et prêt à changer d’opinion — parfois radicalement.
- Esprit de collaboration: on peut aller beaucoup plus loin quand on travaille avec d’autres, et pour y parvenir, il faut faire preuve d’honnêteté, de bienveillance et d’un grand sens du collectif. L’altruisme efficace ne veut pas dire que « la fin justifie les moyens », il s’agit plutôt de se demander comment être un bon citoyen, tout en faisant le maximum pour rendre le monde meilleur.
Toutes celles et tous ceux qui partagent ces valeurs et qui cherchent les meilleurs moyens d’aider les autres participent à la démarche de l’altruisme efficace, quels que soient le temps ou la somme qu’ils y consacrent — et quelle que soit la cause qu’ils choisissent de défendre.
L’altruisme efficace peut être comparé à la méthode scientifique. La science consiste à s’appuyer sur les faits et sur la raison pour aboutir à la vérité, même quand les résultats de cette démarche sont contre-intuitifs ou vont à l’encontre des traditions. L’altruisme efficace consiste à s’appuyer sur les faits et sur la raison pour trouver les meilleurs moyens d’avoir un impact positif sur le monde.
La méthode scientifique repose sur des principes simples (par exemple, que nous devons tester nos hypothèses) mais elle aboutit à une vision radicalement différente du monde (comme la mécanique quantique). De même, l’altruisme efficace repose sur des principes simples (que nous devons traiter tous les êtres humains de la même façon, qu’il vaut mieux aider beaucoup de gens que peu) mais il aboutit à une vision de la bienfaisance non conventionnelle et en perpétuelle évolution.
Comment agir ?
Les personnes intéressées par l’altruisme efficace essaient généralement de mettre en pratique ces idées dans leur vie. Voici quelques-unes des voies qui s’offrent à elles :
- Choisir des carrières qui aident à lutter contre les problèmes les plus urgents, ou trouver des façons d’utiliser leurs compétences pour contribuer à résoudre ces problèmes, par exemple en suivant les conseils de 80 000 Hours.
- Faire des dons à des organisations caritatives efficaces, par exemple en s’appuyant sur les études de GiveWell ou de Giving What We Can.
- Créer de nouvelles organisations pour lutter contre les problèmes les plus urgents.
- Participer à la création de communautés qui s’attaquent aux problèmes les plus urgents.
Pour en savoir plus, voici d’autres moyens d’agir.
Cette liste n’est pas exhaustive. Vous pouvez appliquer les principes de l’altruisme efficace quel que soit votre niveau d’implication, et ce dans tous les domaines de votre vie : ce qui compte, ce n’est pas à quel point vous voulez contribuer, mais le fait que vos efforts soient guidés par les quatre valeurs ci-dessus et que vous vous efforciez de les rendre aussi efficaces que possible.
Généralement, cela implique d’essayer d’identifier les problèmes les plus cruciaux et les plus négligés à travers le monde, les solutions les plus efficaces pour résoudre ces problèmes, et les manières dont vous pouvez contribuer à les résoudre, quel que soit le temps ou l’argent que vous voulez donner.
En procédant ainsi et grâce à une analyse attentive, vous pourriez vous rendre compte qu’il est possible d’avoir bien plus d’impact avec les mêmes ressources. Sauver des centaines de vies au cours de votre carrière : c’est possible ! Et en faisant équipe avec d’autres altruistes efficaces, vous pourriez jouer un rôle dans la résolution de certains des plus grands problèmes que notre civilisation affronte aujourd’hui.
FAQ
Quelle est la définition de l’altruisme efficace ?
L’altruisme efficace est un projet qui vise à déterminer les meilleurs moyens d’aider les autres et à les mettre en pratique.
Pour faire simple, on peut diviser le projet de l’altruisme efficace en un champ de recherches, d’une part, qui vise à identifier les manières les plus efficaces d’aider les autres, et d’autre part une communauté concrète de personnes qui souhaitent utiliser les résultats de ces recherches pour rendre le monde meilleur.
Toute personne qui s’implique dans l’un de ces deux domaines, c’est-à-dire qui essaie de trouver des moyens plus efficaces d’aider les autres ou qui consacre une part de ses ressources aux moyens les plus efficaces ayant été découverts jusqu’ici, pratique l’altruisme efficace.
Ainsi défini, l’altruisme efficace ne dit rien de la somme qu’un individu doit donner. Ce qui compte, c’est qu’il utilise le plus efficacement possible le temps et l’argent qu’il veut dédier.
« Le plus efficacement possible » signifie qu’il ou elle s’efforce d’appliquer les quatre valeurs de l’altruisme efficace que nous avons détaillées plus haut : (i) hiérarchisation des priorités — essayer d’évaluer l’ampleur de l’impact de ses actions, (ii) impartialité — traiter les autres de façon équitable, (iii) recherche de la vérité — chercher en permanence de nouveaux faits, de nouveaux arguments, et (iv) esprit collaboratif — agir avec honnêteté, bienveillance et sens du collectif.
Au sein de l’altruisme efficace, qu’entend-on par « aider les autres » ou « faire le bien » ? Réfeerez-vous à la question suivante.
Pour une définition plus précise de l’altruisme efficace, consultez The Definition of Effective Altruism.
Qu’entend-on par « faire le bien » ou « aider les autres » dans l’altruisme efficace ?
Ce que signifie « faire le bien » fait l’objet de vifs débats et de nombreuses recherches dans la communauté de l’altruisme efficace, qui réunit des personnes dont les positions morales diffèrent.
Cela étant, les altruistes efficaces considèrent généralement que « faire le bien » signifie permettre à d’autres de mener une vie saine, heureuse, épanouie, conforme à leurs souhaits, et exempte de souffrances évitables — c’est-à-dire de mener une vie pleine de bien-être.
L’altruisme efficace se concentre sur cet objectif car développer le bien-être est un objectif important aux yeux de nombreuses personnes. Il ne s’agit pas de dire que c’est le seul but qui compte, et en pratique, les altruistes efficaces ont de nombreuses autres valeurs.
Comme ce qui compte moralement est quelque chose de très incertain, les personnes impliquées dans l’altruisme efficace attachent de l’importance au respect des valeurs morales communes dans nos sociétés — les valeurs qui font de quelqu’un un bon citoyen. L’altruisme efficace n’a rien à voir avec l’idée que « la fin justifie les moyens ». Il consiste à se demander comment être un bon citoyen et à faire le maximum pour rendre le monde meilleur.
Découvrez ici comment 80 000 Hours, un organisme à but non lucratif qui fait partie du mouvement, définit l’expression « faire le bien ».
Pour consulter une définition plus précise de « faire le bien » tel que l’altruisme efficace le conçoit, voir The Definition of Effective Altruism, un texte du philosophe William MacAskill, cofondateur de l’altruisme efficace.
Comment l’altruisme efficace a-t-il vu le jour ?
L’altruisme efficace s’est formé à l’interface de plusieurs mouvements à travers le monde, parmi lesquels Giving What We Can et le Future of Humanity Institute (Oxford), la communauté rationaliste de la Bay Area (Californie), et l’évaluateur d’ONG GiveWell (alors à New York).
Le terme anglais d’« effective altruism » a vu le jour à Oxford en 2011 quand il a fallu nommer le Centre for Effective Altruism, puis s’est popularisé comme nom du mouvement dans son ensemble.
L’altruisme efficace trouve certaines de ses inspirations dans l’evidence-based medecine et l’evidence-based policy, dans l’utilitarisme appliqué, et dans les recherches sur les heuristiques et les biais qui jouent dans le raisonnement humain.
Voici une allocution de Toby Ord (en anglais) sur l’histoire intellectuelle de l’altruisme efficace et une histoire du terme d’altruisme efficace.
Quels sont les textes qui ont pu inciter des personnes à s’impliquer dans l’altruisme efficace ?
Voici quelques sources ayant inspiré des personnes qui se sont impliquées dans l’altruisme efficace (même si ces sources qui n’en représentent pas forcément la forme actuelle).
- Doing Good Better, livre de Will MacAskill
- Guide de 80,000 Hours pour mener une carrière à fort impact, de Benjamin Todd (traduit par Thomas Beuchot)
- The Precipice, livre de Toby Ord
- Taking Charity Seriously, de Toby Ord
- Our top charities, de GiveWell
- Rationality: A-Z, d’Eliezer Yudkowsky
- Doing Good — A conversation with William MacAskill, de Sam Harris
- The why and how of effective altruism, conférence TED de Peter Singer
- The Drowning Child and the Expanding Circle, de Peter Singer
- On Caring, de Nate Soares
- la série du Plus important des siècles de Holden Karnofsky
- 500 millions, mais pas un de plus, de Jai Dhyani (traduit par Jérémy Perret)
- An introduction to effective altruism, d’Ajeya Cotra
- Solidarité animale, livre d’Yves Bonnardel et Axelle Playoust-Braure
- La libération animale, livre de Peter Singer
- Effective altruism : an introduction, podcast de 80 000 Hours
Pourquoi l’altruisme efficace est-il important ?
En bref :
- Beaucoup de gens veulent avoir un impact positif sur le monde.
- Certaines manières de s’y prendre permettent d’obtenir des résultats bien supérieurs à d’autres (à ressources égales).
- Cette information n’est pas assez connue ni mise en pratique.
Ce qui veut dire qu’en cherchant les moyens les plus efficaces d’agir positivement, en les popularisant et en les mettant en œuvre, on permet aux personnes qui le souhaitent de faire bien plus pour résoudre les problèmes les plus urgents à travers le monde.
Qui plus est, on pourra y parvenir même si la quantité de ressources consacrées à ces causes n’augmente pas.
En pratique, sur quoi travaillent les personnes intéressées par l’altruisme efficace ?
Les personnes intéressées par l’altruisme efficace travaillent sur des causes et des projets très divers.
Benjamin Todd a estimé par exemple qu’en 2019, la répartition du financement parmi différentes causes était la suivante. Pour un total de 416 millions de dollars dépensés par an (en 2019) :
- Santé dans le monde : 185 millions de dollars par an (44% du total)
- Réduire la souffrance des animaux d’élevage : 55 millions (13%)
- Biosécurité : 41 millions (10%)
- Risques potentiels liés à l’AI : 40 millions (10%)
- Politique des Etats-Unis à court terme : 32 millions (8%)
- Altruisme efficace/rationalité/priorisation des causes : 26 millions (6%)
- Recherche scientifique : 22 millions (5%)
- Autres risques catastrophiques mondiaux (y compris risques climatiques extrêmes) : 11 millions (3%)
- Autres problèmes à long terme : 1,8 millions (~0%)
- Autres problèmes à court terme (changement climatique à court terme, santé mentale) : 2 millions (~0%)
Quant à la manière de s’engager, de nombreuses personnes choisissent un travail qui leur permet de s’attaquer aux problèmes les plus urgents. Ces emplois relèvent de tous les secteurs, par exemple les organisations à but lucratif ou non lucratif qui visent à lutter contre ces problèmes, la recherche universitaire, ou encore l’action politique ou administrative.
Plus de 5000 personnes se sont engagées à donner plus de 10 % de leurs revenus aux organismes caritatifs jugés les plus efficaces par le biais de Giving What We Can, et plus de 100 000 personnes ont fait au moins un don en s’appuyant sur les recommandations de GiveWell.
On pense parfois que l’altruisme efficace consiste uniquement à donner de l’argent à des organismes caritatifs œuvrant pour la santé dans le monde, ou à « gagner pour donner ». C’est faux. Les altruistes efficaces soutiennent de nombreuses causes, pas seulement la santé dans le monde, et une minorité seulement donne la priorité au principe « gagner pour donner ». L’altruisme efficace ne vise pas seulement à utiliser son argent efficacement, mais aussi son temps. L’organisation 80 000 Hours affirme d’ailleurs que dans de nombreux cas, les décisions de carrière de quelqu’un comptent davantage que leurs donations pour avoir le plus grand impact positif. Pour en savoir plus : Idées fausses sur l’altruisme efficace (en anglais).
L’altruisme efficace dit-il que mon seul objectif dans la vie doit être de rendre le monde meilleur ?
Non. Axer sa vie sur un tel objectif est une décision personnelle.
L’altruisme efficace se demande comment utiliser au mieux les ressources que vous choisissez de consacrer à cet objectif, et ne dit pas si aider les autres doit devenir votre préoccupation prioritaire.
Souvent, l’altruisme efficace donne envie aux gens d’aider davantage les autres car ils réalisent qu’ils peuvent avoir plus d’impact que ce qu’ils imaginaient.
Mais pour la plupart de ses partisans, aider les autres n’est qu’un objectif important parmi plusieurs objectifs éthiques et personnels. De même, si certains donnent plus de 50 % de leurs revenus à des organismes caritatifs, d’autres ne donnent que 1 %.
Votre décision personnelle reposera d’une part sur vos partis pris éthiques, et d’autre part sur vos circonstances. Pour beaucoup de personnes, aider les autres n’est tout simplement pas quelque chose dont ils puissent faire une priorité.
Même si vous voulez qu’aider les autres soient une de vos priorités, il peut être contre-productif de vouloir en faire votre seule et unique priorité. Déjà parce que ce qui compte sur le plan moral est très incertain, et se focaliser sur un seul objectif moral mal défini, en excluant tous les autres, peut facilement avoir des effets secondaires négatifs. Ensuite parce qu’avoir un unique objectif dans la vie n’est pas sain pour la plupart des gens et peut mener au burn-out — ce qui à long terme peut, paradoxalement, diminuer votre impact positif.
Pourquoi les partisans de l’altruisme efficace ne choisissent-ils pas de défendre des causes plus conventionnelles ?
L’une des questions les plus importantes à se poser pour sélectionner les causes à défendre est : à quels domaines la société alloue-t-elle déjà des ressources ? Si un problème important est déjà largement reconnu comme tel, alors il est probable que de nombreuses personnes essaient déjà de le résoudre. Ça veut dire que si quelques personnes supplémentaires décident de travailler sur cette question, il sera plus difficile pour elles d’avoir un fort impact. Toutes choses égales par ailleurs, on aide les autres bien plus efficacement quand on se concentre sur un domaine qui ne reçoit pas assez d’attention.
On peut visualiser cette situation sous la forme d’un « portefeuille caritatif mondial ». Quelle est la répartition idéale des ressources entre toutes les causes qui comptent ? Et pour quelles causes la répartition actuelle est-elle la plus éloignée de cet idéal ?
Voilà pourquoi les causes auxquelles les partisans de l’altruisme efficace donnent la priorité peuvent sembler surprenantes, ou limitées. Ils choisissent les causes les plus négligées.
Ça veut dire que les causes défendues changeront au fil du temps. Si l’altruisme efficace intéresse de plus en plus de personnes, alors les causes sélectionnées aujourd’hui ne seront plus négligées à l’avenir, et d’autres causes pourront être défendues et financées.
Quelles objections fait-on fréquemment à l’altruisme efficace ?
Les liens de cette liste mènent vers des articles en anglais. Ils ont été traduits pour plus de clarté.
- Les projets décrits dans cet article sont-ils vraiment efficaces ? Et si je ne suis pas d’accord ?
- L’altruisme efficace consiste-t-il uniquement à gagner de l’argent pour le reverser à des organismes caritatifs ?
- Altruisme efficace et utilitarisme : est-ce la même chose ? Et si je n’adhère pas à l’utilitarisme ?
- L’altruisme efficace néglige-t-il le changement systémique ?
- Si tout le monde suivait les conseils de l’altruisme efficace, est-ce que cela ne conduirait pas à une mauvaise allocation des ressources ?
- L’altruisme efficace est-il calculateur et impersonnel ?
- L’altruisme efficace n’en demande-t-il pas trop ?
- « Charité bien ordonnée commence par soi-même », non ?
- L’action caritative et l’aide internationale fonctionnent-elles vraiment ?
- Comment les personnes que vous essayez d’aider participent-elles aux décisions ?
- L’altruisme efficace néglige-t-il des démarches efficaces dont l’impact ne peut être mesuré ?
- L’altruisme efficace n’est-il pas une évidence ?
- Le mouvement de l’altruisme efficace n’est-il pas trop homogène ?
Notes et références
- Pour consulter la localisation des groupes locaux consacrés à l’altruisme efficace, qui sont répartis dans plus de 70 pays, allez sur l’Effective Altruism Forum.
- Si une cause est négligée, les meilleures opportunités auront déjà été saisies, et il sera difficile pour une personne supplémentaire d’avoir un impact.
D’ailleurs, on a de bonnes raisons de penser que le retour sur investissement, pour des actions centrées sur une même cause, suit une répartition logarithmique.
La loi des rendements logarithmiques implique que si une cause a bénéficié de 10 fois plus d’investissements qu’une autre, alors des ressources supplémentaires ne permettront d’obtenir qu’un dixième de progrès en plus.
Si les deux causes présentent une importance égale, une personne supplémentaire travaillant sur la plus négligée des deux aura dix fois plus d’impact. - De 2010 à 2019, on estime que le gouvernement américain a dépensé 141 milliards de dollars pour la sécurité sanitaire. Nous estimons que 55 % de ces fonds ont été dépensés pour des actions susceptibles de prévenir de futures pandémies. Exemple : 4 % ont été dépensés pour lutter contre l’épidémie actuelle d’Ebola et mettre en place des infrastructures permettant de réagir à d’autres pandémies potentielles. Cependant, 17 % ont été consacrés aux menaces de radiations chimiques et nucléaires, ce qui a peu de chances d’avoir une influence sur la propagation de futures pandémies.
141 milliards * 0,55 = 79 milliards
Ce qui correspond, sur dix ans, à 8 milliards de dollars par an.
Federal funding for health security in FY2019 Watson, Crystal, et al., Health security 16.5 (2018): pages 281–303. Lien archivé, consulté le 5 mars 2020.
Open Philanthropy identifie aussi d’autres fondations et philanthropes qui travaillaient sur ce sujet avant la pandémie de Covid, et qui, selon nous, totalisent moins de 100 millions de dollars de financement.
Crawford, directeur du projet Costs of War, estime que les États-Unis ont dépensé 5800 milliards de dollars pour lutter contre le terrorisme entre 2001 et 2022.
5800 milliards/20 ans = 290 milliards par an.
United States budgetary costs of Post-9/11 wars Crawford, Neta C., Watson Institute for International & Public Affairs, Brown University, 2021. Lien archivé, consulté le 26 juillet 2022. - Entre 1970 et 2020, le terrorisme a fait environ 456 000 morts. C’est ce qu’indique la base de données sur le terrorisme mondial (Global Terrorism Database) 2020, consultée le 11 août 2022.
Notons que selon l’ONG Our World in Data, « La base de données sur le terrorisme mondial est la banque de données sur les attaques terroristes la plus large dont on dispose, et les données récentes sont complètes. Néanmoins, nous estimons, à partir de nos analyses, que les données plus anciennes sont incomplètes (sauf pour les États-Unis et l’Europe). Nous ne recommandons donc pas cette banque de données pour inférer des tendances à long terme concernant la prévalence du terrorisme à l’échelle mondiale. »
Ce qui signifie que la source ci-dessus sous-estime sans doute le nombre de décès dus au terrorisme. Cela dit, même en supposant que ce nombre soit du même ordre que pendant la décennie où les chiffres étaient les plus élevés, le total serait tout de même de 1,2 million seulement, soit bien inférieur au nombre de décès dus aux pandémies.
Décès dus au Covid-19 : The Economist a estimé que la surmortalité cumulée imputable au Covid-19 était de 21,47 millions en juin 2022, et ce bilan ne cesse de s’alourdir.
Vous pouvez retrouver ces données et leur modélisation sur Our World in Data (page archivée, consultée le 28 juillet 2022).
Pour nous, il s’agit là de la meilleure estimation actuelle du nombre total de décès dus au Covid-19. Le nombre de décès confirmés est inférieur (environ 6 millions), mais il exclut les décès qui ont été causés indirectement, ou qui n’ont pas été déclarés. La méthodologie employée par The Economist a consisté à comparer le nombre de décès total à la moyenne saisonnière, à en déduire la surmortalité, et à effectuer quelques ajustements pour tenir compte du phénomène de sous-déclaration.
Les décès dus aux pandémies et au terrorisme connaissent des évolutions « à queue lourde », ce qui fait que les taux de mortalité passés sous-estiment généralement l’ampleur du risque.
Il est possible, par exemple, que des terroristes lancent un missile nucléaire sur une grande ville et fassent plus d’un million de victimes. Cela ne s’est jamais produit au cours des cinquante dernières années, mais si c’était arrivé, un tel événement aurait été absolument déterminant dans le calcul du nombre total de décès. De même, on aurait pu connaître une pandémie bien plus grave que celle du Covid-19 ou du SIDA (VIH) au cours des 50 dernières années.
La question clé, alors, est de savoir si la sous-estimation est plus importante dans le cas du terrorisme ou des pandémies (c’est-à-dire si les décès dus au terrorisme connaissent une évolution « à queue lourde » plus prononcée que les décès dus aux pandémies).
Il semble plausible que le scénario le plus pessimiste envisageable pour les pandémies soit encore pire que celui pour le terrorisme. Rien ne permet d’écarter radicalement l’émergence d’une pandémie encore plus contagieuse que celle de Covid-19, mais qui aurait un taux de mortalité de 10 à 50 %, voire plus. Par ailleurs, il semble qu’il y ait eu plus d’accidents évités de justesse au fil de l’histoire.
L’avènement possible d’événements encore plus graves, non répertoriés dans l’échantillon, pourrait donc être plus aigu pour les pandémies que pour le terrorisme. En outre, la manière la plus plausible, pour des terroristes, de tuer plus d’un milliard de personnes est sans doute de causer une pandémie.
Étant donné que la lutte contre le terrorisme reçoit près de 100 fois plus de fonds que la prévention des pandémies, alors que les pandémies ont apparemment causé 10 à 100 fois plus de décès au cours de l’histoire, les sommes allouées à la lutte contre le terrorisme devraient être sévèrement corrigées pour rééquilibrer l’allocation actuelle des ressources.
L’analyse qui précède repose uniquement sur le nombre de décès, car il s’agit d’une donnée importante et qui peut être mesurée assez facilement. Les décès dus aux pandémies et au terrorisme entrainent également des coûts indirects élevés, et une comparaison plus complète devrait essayer de les évaluer et de les prendre en compte. - « 40,1 millions [33,6 millions–48,6 millions] de personnes sont décédées de maladies liées au SIDA depuis le début de l’épidémie. » Fiche d’information — Dernières statistiques sur l’état de l’épidémie de SIDA ONUSIDA, 2022. Lien archivé, consulté le 11 août 2022.
- Open Philanthropy est une fondation inspirée par l’altruisme efficace. Elle a financé le Johns Hopkins Centre for Health Security (CHS) pour la première fois en 2016. D’autres subventions importantes ont suivi, dont une de 16 millions de dollars en 2017 et une autre de 19,5 millions de dollars en 2019.
- 38 659 volontaires au 7 juillet 2022. 1Day Sooner
- Avant la pandémie de Covid-19, le nombre de personnes vivant avec moins de 1,90 dollar par jour avait diminué pour atteindre 689 millions en 2017. Mais les estimations montrent une augmentation du taux d’extrême pauvreté, la première depuis 1998, et on estime aujourd’hui que 731 millions de personnes vivent avec moins de 1,90 dollar par jour.
ONU ODD 1 — Éliminer la pauvreté sous toutes ses formes. Statistiques de l’ONU, 2022. Lien archivé, consulté le 26 juillet 2022.Ces estimations sont déjà corrigées pour tenir compte du fait que dans les pays pauvres, on peut aller plus loin avec la même somme (parité de pouvoir d’achat). Elles sont complexes, mais il est clair que des centaines de milliers de personnes vivent avec des revenus qui leur permettent tout juste de survivre. Pour en savoir plus, voir How accurately does anyone know the global distribution of income?. - Le seuil de pauvreté en France est fixé à 1090 euros de revenus mensuels. 1090/30 = 36.3€ par jour. Ce qui est 19 fois supérieur au seuil de pauvreté international, fixé à 1,90 dollar par jour, en tenant compte de la parité de pouvoir d’achat. Selon l’INSEE, les Français étant titulaires d’un Bac +3 ou plus gagnent en moyenne 37 210 euros par an. 37210/365=101,94€ par jour. 101,94€/1,9$=52x. 37 210 euros fait 26 279 euros après impôt.
Selon le calculateur de Giving What We Can, une personne disposant de revenu après impôt de 26 279 euros fait partie des 3.6% de personnes ayant les plus hauts revenus dans le monde.
Le seuil de pauvreté aux États-Unis est fixé pour une personne à 13 590 dollars de revenus annuels. 13 590/365 = 37,23 $ par jour. Ce qui est 20 fois supérieur au seuil de pauvreté international, fixé à 1,90 dollar par jour pour tenir compte de la parité de pouvoir d’achat.
Selon le recensement de 2019, les personnes âgées de 25 à 65 ans travaillant à temps plein, et titulaires d’un diplôme du supérieur gagnaient un revenu médian de 74 000 $ par an.
74 000/365 = 202,70 $ par jour
202 $/1,9 = 107x.
Selon SmartAsset, un ménage d’une personne gagnant 74 000 $ avant impôts et vivant à New York dispose de 53 000 $ après impôts.
Selon le calculateur de Giving What We Can, une personne disposant d’un revenu après impôt de 53 000 $ fait partie des 1,3 % de personnes ayant les plus hauts revenus au monde. - Le National Institute for Health and Care Excellence du Royaume-Uni recommande de dépenser jusqu’à £30 000 par année de vie pondérée par la qualité (quality-adjusted life year) gagnée si l’intervention est fiable.
« Au-dessus d’un RCED plausible de £30 000 par QALY gagnée, les organismes consultatifs auront besoin de beaucoup plus d’arguments pour affirmer que l’intervention représente une utilisation efficace des fonds du National Health Service (NHS). » Methods for the development of NICE public health guidance. National Institute for Health and Care Excellence (Royaume-Uni), septembre 2012. Lien archivé, consulté le 28 juillet 2022.
Dans le domaine de la santé mondiale, on dit généralement que sauver une vie équivaut à 30 QALY. Source : Banque mondiale (encadré 1.1)
Sauver une vie revient ainsi à 30 x £30 000 = £900 000 = 1,03 million d’euros.
Aux États-Unis, différentes agences mondiales procèdent à des estimations de la « valeur d’une vie » et utilisent ces chiffres pour classer différents projets de dépenses par ordre de priorité. L’Agence fédérale des situations d’urgence (Federal Emergency Management Agency) a estimé la valeur d’une vie à 7,5 millions de dollars en 2020. Cette estimation a fluctué en fonction du contexte. Le Département américain des Transports, par exemple, estimait la valeur de la vie entre 5,2 et 13,0 millions de dollars en 2014.
En France, les différentes agences administratives utilisent une valeur proche de 3 millions d’euros. - Les estimations réalisées par GiveWell de ce que cela coûte de sauver une vie ont varié au fil du temps (selon leurs recherches, et les opportunités disponibles), mais se situent généralement entre $2500 et $7500. En 2021, GiveWell a estimé que dépenser $5500 pour distribuer des moustiquaires imprégnées d’insecticide permettait de sauver une vie.
Leurs toutes dernières estimations peuvent être consultées dans leur analyse coût/efficacité complète : Comment nous réalisons nos estimations d’impact GiveWell, juillet 2022. Lien archivé, consulté le 28 juillet 2022. - « Plus de 110 000 donateurs ont fait confiance à GiveWell et suivi nos conseils de dons. Au total, ils ont donné plus d’un milliard aux organisations que nous recommandons. Ces dons vont permettre de sauver plus de 150 000 vies et de donner plus de 175 millions de dollars en espèces aux pauvres dans le monde. »
À propos de GiveWell, GiveWell, juillet 2022. Lien archivé, consulté le 28 juillet 2022. - « Quand Wave a été lancé au Sénégal, le transfert moyen coûtait 3 à 5 fois plus que s’il était fait par le biais du plus grand système de transfert d’argent existant. En multipliant la somme économisée par les millions de personnes qui utilisent le système chaque mois, on aboutit à plus de 200 millions de dollars économisés chaque année, soit 1% du PIB du Sénégal. »
Working at Wave is an extremely effective way to improve the world. Ben Kuhn, 8 juillet 2021. Lien archivé, consulté le 26 juillet 2022. - Conversation : « Notre meilleur modèle, Meena, entraîné de bout en bout, atteint un… score SSA [Sensibleness and Specificity Average — moyenne de sensibilité et de spécificité] de 72%… ce qui n’est pas loin du SSA de 86% atteint par une personne moyenne. » Towards a Conversational Agent that Can Chat About…Anything (Vers un agent conversationnel capable de parler de… n’importe quoi). Adiwardana et. al., Google, 28 janvier 2020. Lien archivé, consulté le 28 juillet 2022.
Maths : les graphiques de l’article joint montrent que Minerva, l’IA créée par Google, est capable de répondre correctement à plus de 50% des « problèmes de niveau de compétition de mathématiques au secondaire ». D’autres modèles de pointe obtenaient moins de 10% de réponses correctes.
Minerva : Solving Quantitative Reasoning Problems with Language Models. Dyer et. al, Google, 30 juin 2022. Lien archivé, consulté le 28 juillet 2022.
Plaisanteries : PaLM, une IA de Google, peut expliquer des plaisanteries inédites, y compris des plaisanteries introuvables sur Internet. Exemple (laissé en anglais car intraduisible) :
« Joke : Did you see that Google just hired an eloquent whale for their TPU team? It showed them how to communicate between two different pods!
Explanation: TPUs are a type of computer chip that Google uses for deep learning. A ‘pod’ is a group of TPUs. a ‘pod’ is also a group of whales. The joke is that the whale is able to communicate between two groups of whales, but the speaker is pretending that the whale is able to communicate between two groups of TPUs »
Pathways Language Model (PaLM): Scaling to 540 Billion Parameters for Breakthrough Performance. Narang et. al., Google, 4 avril 2022. Lien archivé
Images : des exemples d’images créées par OpenAI’s Dall-E 2 sont disponibles ici.
Programmation: la section 3.1 du document de recherche « A Conversational Paradigm for Program Synthesis » de Salesforce sur CodeGen, leur système d’IA qui transforme les instructions humaines en code, souligne que CodeGen obtient un score HumanEval de 75 %, ce qui signifie qu’il peut résoudre 75 % des défis de programmation décrits en langage humain normal dans l’ensemble test HumanEval. - Il est difficile d’estimer le nombre de chercheurs se consacrant à un sujet précis : 1. il est compliqué de définir le sujet de recherche d’un chercheur, 2. de nombreux chercheurs travaillent sur des sujets multiples, et 3. à partir de quand peut-on dire que quelqu’un est « un chercheur » ? (Par opposition à un amateur intéressé par un sujet). Ces chiffres doivent donc être compris comme des estimations pouvant aller du simple au triple, et ils pourraient même varier du tout au tout selon certaines interprétations de la question.
En 2020, 87 000 auteurs ont publié des résultats de recherche sur l’IA sur arXiv. Le Rapport mondial 2020 sur les talents en IA (2020 Global AI Talent Report) d’Element AI estime que le nombre de personnes travaillant dans le monde au développement de l’IA est encore supérieur, avec 155 000 personnes identifiées sur les réseaux sociaux comme travaillant dans la recherche ou l’ingénierie en IA. Toutefois, nous partons du principe que certaines personnes travaillant dans le domaine de l’ingénierie en IA ne s’occupent pas d’élaborer de nouvelles avancées en matière d’IA. Nous avons donc pris l’estimation la plus basse (87 000), et nous l’avons divisée par deux, ce qui donne un chiffre approximatif de 40 000.
En 2021, Gavin Leech estimait que 270 à 830 personnes (en équivalent temps-plein) travaillaient sur la sécurité de l’IA. Cependant, le haut de cette fourchette repose sur une définition à nos yeux trop large de la recherche sur l’alignement de l’IA, et ce nombre a été en grande partie obtenu en prenant en compte de nombreux chercheurs consacrant une petite fraction de leur temps à la recherche sur la sécurité de l’IA, alors que notre objectif est de quantifier le nombre de chercheurs axant leur travail sur la sécurité de l’IA.
AI Watch a entrepris de dénombrer le nombre de chercheurs travaillant sur la sécurité de l’IA, et a abouti à un total de 160 chercheurs notables. Ce chiffre comprend de nombreuses personnes n’ayant rien publié sur la sécurité en IA depuis plus d’un an, alors que pour l’estimation de 87 000 personnes donnée plus haut, toutes avaient publié au cours de l’année écoulée. D’un autre côté, il ne suffit peut-être pas de publier sur arXiv pour être qualifié de « chercheur notable ».
Notre estimation finale est de 300 chercheurs consacrant leurs recherches à la sécurité de l’IA. - En 2019, 860 millions d’animaux d’élevage (hors animaux aquatiques) ont été abattus en France pour leur viande.
Source : tableau de L214.
Pour les animaux aquatiques, les estimations sont entre 20 et 66 millions (source : Fishcount). Nous avons choisi le chiffre de 40 millions, pour un total de 900 millions d’individus. - En 2021, environ 6,5 millions d’animaux ont été accueillis dans des refuges aux États-Unis. En 2011, ce nombre s’élevait à 7,2 millions. Si l’on suppose que cette diminution est constante, on peut estimer qu’en 2018, environ 6,7 millions d’animaux ont transité par un refuge.
9,56 milliards/6,7 millions = 1427 fois plus d’animaux dans les élevages industriels.
Statistiques sur les animaux domestiques. Société américaine pour la prévention de la cruauté envers les animaux (ASPCA), 2021. Lien archivé, consulté en août 2021. - Dons aux refuges pour animaux : Andrew Roman a calculé que les 3000 organisations principales gérant des refuges pour animaux aux États-Unis avaient reçu 5 milliards de dollars de fonds en 2018. Voir son article Cat Demographics & Impact on Wildlife in the USA, the UK, Australia and New Zealand: Facts and Values Rowan et. al. (2020), Journal of Applied Animal Ethics Research, pages 7–37.
Contacté, Andrew Roman a confirmé les données sur lesquelles reposent ces calculs.
Dons pour la défense des animaux d’élevage : Des recherches effectuées par Open Philanthropy, publiées ici, évaluent les dons aux organisations défendant les animaux d’élevage aux montants suivants en 2018 :
- 32,3 millions de dollars donnés à des organisations américaines établies (PETA, PCRM, HSUS, ALDF, ASPCA)
- 32,6 millions de dollars donnés à de nouvelles organisations, majoritairement basées aux États-Unis (CIWF, WAP, RSPCA, HSI)
- 32,2 millions de dollars donnés à toutes les autres organisations américaines
Donc 32,3 + 32,6 + 32,2 = 97,1 millions de dollars - Selon le USDA Egg Markets Overview, 106,5 millions de poules sont désormais élevées hors cage rien qu’aux États-Unis en mai 2022, contre 17 millions en 2016. Nous pensons que 100 millions d’autres poules sont désormais élevées au sol en Europe suite au travail de l’organisation Open Wing Alliance, même s’il est plus difficile de leur attribuer ce résultat spécifiquement.
En outre, les défenseurs de la cause ont obtenu des engagements de la part d’entreprises qui, s’ils sont mis en œuvre, devraient concerner plus de 500 millions de poules vivantes en permanence. - Suite à un engagement auprès de GFI, le gouvernement américain a annoncé une subvention de 10 millions de dollars pour créer un centre d’excellence en agriculture cellulaire à l’université de Tufts. Le National Food Strategy, structure indépendante britannique, recommande d’investir 125 millions de livres dans la recherche et l’innovation sur les protéines alternatives. Source : GFI Year in Review 2021 (page 3)
- La totalité des prévisions peut être consultée sur Metaculus.