Innovation managériale : les startups sont-elles des entreprises libérées ?

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6 min readJan 20, 2017

Article initialement publié sur L’Express

Agilité, confiance, autonomie, résilience, liberté de parole…Avez-vous remarqué à quel point le champ lexical des entreprises libérées emprunte ces mots au monde des startups ?

Si la sémantique semble être la même, quels parallèles pouvons-nous vraiment établir entre startup et entreprise libérée ? Une startup n’est-elle d’ailleurs pas libérée par essence ?

Cette question mérite qu’on s’y attarde quelque peu. Les similitudes entre startups et entreprises libérées sont en effet nombreuses, mais la génération de leaders et dirigeants de startups est-elle vraiment innovante managérialement parlant ? Le quotidien des salariés en startups actuellement est-il similaire à celui d’un salarié d’une entreprise libérée ?

Une entreprise libérée peut se définir comme une organisation où la majorité des salariés peuvent contribuer aux décisions stratégiques et entreprendre des actions qu’ils jugent les plus appropriées pour l’entreprise sans que ces actions soient nécessairement dictées par les décideurs de l’entreprise. La hiérarchie y est peu existante, les organigrammes sont extrêmement plats, le contrôle et le reporting quasi absents.La France compte plusieurs entreprises ayant adopté ce mode de fonctionnement : FAVI, Poult, Chronoflex, Lippi et d’autres.

Autonomie et confiance

L’entreprise libérée fonctionne grâce à un management basée sur la confiance. Elle s’appuie sur la responsabilisation des collaborateurs et leur autonomie (définition de leurs activités, du moment, du lieu, de la manière de les réaliser, des collaborateurs avec lesquels ils travaillent). A titre illustratif, les objectifs ne sont plus donnés par la direction, ce sont les salariés qui fixent leurs propres objectifs, le budget n’est plus la pierre angulaire du pilotage de la performance, il n’y a plus de rémunération variable individuelle, la transparence est totale sur les résultats, la stratégie est partagée, les réunions internes sont accessibles à tous les salariés, le contrôle et le reporting ont largement disparu,…

La startup, quant à elle, ne peut véritablement fonctionner sans autonomie et une totale confiance entre ses membres, surtout dans les premiers temps de son existence. Les ressources limitées de la startup induisent certainement ce type de comportement, de là à dire que l’autonomie et la confiance sont une volonté et non une nécessité…il n’y a qu’un pas que je me garderai de franchir ici. Toutes les startups remettent elles en cause les principes fondateurs du management moderne ? Certainement pas.

Agilité

L’agilité est un terme qui revient très fréquemment dans les entreprises libérées. En effet, ces entreprises ont fait en sorte de replacer le client au centre de leur fonctionnement et d’avoir des équipes au plus près du terrain. Ces équipes souvent pluridisciplinaires sont en mesure de capter des signaux faibles, d’innover rapidement et efficacement face à l’évolution des besoins clients et de leur environnement. Les chaînes de décision sont réduites grâce à l’autonomie laissée aux équipes et l’élimination de nombreuses strates hiérarchiques.

L’agilité est également une préoccupation majeure de la startup, notamment avec la mise en place de méthodes agiles (lean startup, scrum, Kanban…) pour en faire une entreprise flexible, adaptable et anticipatrice. Ces méthodes et leur réussite sont étroitement liées au fonctionnement en équipes auto-organisées et à leur aptitude à évoluer dans l’environnement incertain de la startup, la rendant ainsi beaucoup plus résiliente. L’agilité est indéniablement partagée aussi bien par les startups que les entreprises libérées. Néanmoins, un des points importants sous jacent au concept d’agilité est la capacité à identifier les signaux faibles de l’environnement concurrentiel au sens large . Dans une entreprise libérée, les cadres, libérés de leur temps de contrôle et de reporting, peuvent ainsi davantage se consacrer à cette partie essentielle de leur travail : passer du temps à l’extérieur de l’entreprise, identifier les zones de risques et d’opportunités induites par l’évolution de l’industrie, construire un écosystème dynamique et in fine en faire bénéficier l’entreprise.

Si on ne peut contester l’agilité de la plupart des startups au sens où les décisions sont prises rapidement, beaucoup plus rapidement que dans la plupart des autres entreprises y compris celles dites “ libérées “, elles doivent rester vigilantes sur l’évolution de leur environnement. Il est toujours vital de pouvoir faire évoluer sa stratégie rapidement. Au bout du compte, il faut avoir en permanence plusieurs options stratégiques possibles. Très peu d’entreprises, libérées ou non, startup ou non ont cette faculté.

Finalité

L’entreprise agile (startup comme entreprise libérée) est obsédée par la question de sens, la recherche de la finalité du travail de chacun et de l’organisation plus largement. L’importance accordée aux questions de vision, de culture et de valeurs témoigne de cette recherche incessante.

Ces composantes sont souvent traitées de façon collaborative dans les entreprises libérées, y compris celles de taille importante. ll est en effet fondamental d’avoir un projet commun, une “ raison d’être “ partagée par tous et des valeurs qui soient portées et incarnées par les salariés au quotidien.

Dans les deux cas, la startup et l’entreprise libérée tendent à se défaire de modèles managériaux pyramidaux et à adopter des configurations en réseaux pour que chacun ressente le sens de son travail…facile me direz-vous quand on est seulement une poignée de collaborateurs comme c’est souvent le cas en startup !

Les compétences plus que les titres

Au-delà de cet aplatissement de la pyramide managériale traditionnelle, l’emphase est mise plutôt sur les rôles, les compétences et les comportements de chacun plutôt que sur les titres donnés aux uns et aux autres. La transversalité et le désilotage sont recherchés aussi bien par la startup que par l’entreprise libérée. Et le fait d’être une équipe réduite ne semble pas diminuer les difficultés et obstacles à la transversalité, la transparence de l’information et le travail désiloté.

L’innovation est l’affaire de tous

En startup comme en entreprise libérée, l’innovation est considérée comme étant l’affaire de tous. En effet, la créativité, la liberté de parole, l’approche test & learn, le partage d’idées sont favorisés et encouragés dans les deux cas.

Cette approche semble néanmoins plus difficile dans des entreprises de taille significative. Comment faire participer et donc donner du temps à tous les salariés y compris ceux affectés à des outils de production sans perturber le fonctionnement normal des entreprises ?

Et pourtant…

Il apparaît assez clairement que startup et entreprise libérée partagent un socle commun…et pourtant toutes les startups sont loin d’adopter des modèles managériaux innovants !Le risque est réel lorsque l’entreprise grandit que de vieux réflexes reviennent au galop : la pyramide managériale repointe rapidement le bout de son nez, les process combinés à l’approche command & control refont surface assez rapidement.

Impulsion réelle du top management

La mise en place d’un modèle managérial libéré est nécessairement impulsé par le top management pour s’inscrire dans la durée…et bien souvent ça n’est pas le cas en startup. Les dirigeants et fondateurs peuvent rencontrer des difficultés lorsqu’il s’agit de lâcher prise, partager les décisions stratégiques de “leur bébé” et laisser les équipes entamer des actions en toute autonomie sans systématiquement contrôler ce qui est fait.

Décisions peu transparentes et collaboratives

Ensuite, les cycles de décision des startups sont très courts et les décisions stratégiques peuvent être prises de manière peu transparente pour l’équipe et faiblement collaborative au motif qu’il fallait décider vite pour réagir rapidement à un changement.

Créativité tronquée

La créativité est effectivement omniprésente en startup, néanmoins la capacité à ne pas tuer les idées dans l’oeuf et à explorer des voies multiples reste faible en raison des ressources très limitées de la startup.

Faible partage de la valeur créée

Enfin, je rappellerai la difficulté que les startups rencontrent dans le partage entre collaborateurs de la valeur créée collectivement. Les modèles de rémunération et le partage de la valeur notamment au moment de la revente éventuelle d’une startup sont encore peu alignés sur les modèles adoptés dans les entreprises libérées.

En conclusion, bien que se servant d’un même vocabulaire pour les décrire, startups et entreprises libérées ne sont pas encore des jumelles, et peu de startups deviendront des entreprises libérées ! La génération actuelle de managers et de leaders à la tête de ces startups est encore relativement conservatrice, attachée aux modes de management traditionnels pyramidaux. Le travail à accomplir, notamment de la part de cette génération de dirigeants sera long et intense, la tentation d’adopter des modèles pyramidaux quand il s’agit de “ structurer et mettre en place des process “ en startup est très forte. Nous entamons tout juste ce travail chez LearnAssembly et voyons combien la route est encore longue et semée d’embûches !

Article publié par Sophie Cohendet

Sophie a travaillé pendant 3 ans en tant que consultante en innovation ouverte au sein du cabinet bluenove avant de rejoindre LearnAssembly en tant que Directrice Associée. LearnAssembly est une startup qui conçoit des parcours de formation en présentiel et en ligne (de type MOOCs) pour aider les entreprises à développer une culture plus digitale et plus entrepreneuriale. Sophie est diplômée de l’ESSEC Grande Ecole et est également Ingénieur en Génie des Systèmes Industriels diplômée de l’INSA.

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Learn Assembly est une entreprise innovante spécialisée dans les nouvelles modalités d’apprentissage dans la Formation Continue à l’heure du digital.