NUMÉRIQUE & TECHNOLOGIE
LECTURES ANTHROPOCÈNES #2019-2023
Revue Hérodote, « Géopolitique de la datasphère » (n°177–178, 2ème et 3ème trimestres 2020).
Une analyse des bouleversements de la révolution numérique provoquée par l’adoption massive des technologies numériques et l’interconnexion mondiale des systèmes d’information et de communication : économies, modes de vie, relations stratégiques et rivalités entre les grandes puissances. La notion de datasphère permet d’englober dans un même concept les enjeux stratégiques liés au cyberespace et, plus généralement, à la révolution numérique, pour mieux appréhender les défis présents et à venir de la dépendance croissante aux technologies et aux données numériques dans un monde de plus en plus gouverné par les algorithmes et l’intelligence artificielle.
Laurence ALLARD, Alexandre MONNIN, Nicolas NOVA (dir.), Ecologies du smartphone (Le bord de l’eau, 2022).
Géo-physiciens, artistes, philosophes, designers, sociologues, architectes et juristes analysent l’empreinte écologique du smartphone, tant dans sa fabrication que dans ses usages, « avec un positionnement mélioriste qui cherche à dépasser un positivisme technologique béat et un pessimisme techno-critique simpliste ».
Emeline BAILLY, Dorothée MARCHAND, Ville numérique. La qualité urbaine en question (Mardaga, 2021).
« Comment la ville numérique affecte-t-elle la qualité, l’attractivité et la vitalité des territoires ? Comment les objets connectés urbains sont-ils appréhendés ? Remettent-ils en cause nos représentations de la ville et nos perceptions des paysages urbains ? Dans le contexte de la promotion de la ville numérique, prenant appui sur une recherche empirique interdisciplinaire, Emeline Bailly et Dorothée Marchand interrogent les implications de son essor sur la qualité urbaine. L’enjeu ne serait-il pas alors de mieux considérer ces dimensions dans la création des lieux ? ».
Sylvie BAUER, Claire LARSONNEUR, Hélène MACHINAL, Arnaud REGNAULD (dir.), Subjectivités numériques et posthumain (PUR, 2020).
Une approche interdisciplinaire pour penser les devenirs de l’humain et la définition de son identité à l’heure du posthumain. Un humain augmenté de toutes sortes d’objets connectés, un humain quantifié à travers toutes ses traces numériques volontaires ou collectées à son insu.
Miguel BENASAYAG, La Tyrannie des algorithmes (textuel, 2019).
Le philosophe nous alerte sur la colonisation du vivant par les machines qui, insidieusement, prennent en charge la vie collective quotidienne. Il estime que la résistance doit passer par une recherche d’hybridation : ni refuser l’intelligence artificielle ni se laisser dominer par elle, mais savoir tirer les conséquences politiques et démocratiques de cette nouvelle forme de domination. Comment les individus peuvent-ils retrouver une puissance d’agir dans ce monde postdémocratique ?
Yaël BENAYOUN, Irénée REGNAULD, Technologies partout, démocratie nulle part. Plaidoyer pour que les choix technologiques deviennent l’affaire de tous (FYP, 2020).
Pour sortir de la confiscation du progrès, les auteurs appellent à replacer le débat démocratique et les revendications citoyennes au cœur du développement technologique. Ils rappellent « que la numérisation du monde ne s’est pas écrite grâce à la délibération collective, et qu’il est encore possible d’opérer un tri parmi les technologies que nous souhaitons et celles dont nous ne voulons pas » (Usbek & Rica, 09/10/2020).
James BRIDLE, Un nouvel âge des ténèbres. La technologie et la fin du futur (Allia, 2022). Traduction par Benjamin Saltel.
« Aux antipodes d’une critique réactionnaire de la technologie, Bridle démontre comment la technologie échoue à répondre aux grands défis de notre modernité et nous enferme dans des schémas de pensée qui brident notre intelligence et notre créativité. Alors que nous disposons d’un savoir immense à portée de clic, nous sommes, paradoxalement, incapables de penser ».
James BRIDLE, Ways of Being. Beyond Human Intelligence (Allen Lane, 2022).
« Après le constat dans New Dark Age de la faillite d’un certain imaginaire technicien, Ways of Being se propose d’explorer de façon nouvelle les technologies de l’information et de la communication. Développant un propos fort, l’ouvrage emprunte au très fécond courant de pensée de Santa Cruz nombre de méthodes, cadrages et concepts destinés à déciller nos yeux sur le tort immense causé au vivant : lui refuser l’intelligence » (AOC, 18/06/2022).
Antonio A. CASILLI, En attendant les robots. Enquête sur le travail du clic (Seuil, 2019).
Le sociologue analyse les coulisses du travail numérique loin du mythe de l’intelligence artificielle libérant l’espèce humaine du labeur. Il dévoile l’exploitation des petites mains de l’intelligence artificielle, ces myriades de tâcherons du clic soumis au management algorithmique de plateformes en passe de reconfigurer et de précariser le travail humain.
Gérard DUBEY, Alain GRAS, La Servitude électrique. Du rêve de liberté à la prison numérique (Seuil, 2021).
Le sociologue et le socio-anthropologue retracent l’histoire de l’électricité d’Ampère à Bill Gates, décryptent le mythe électrique et pointent la numérisation de nos existences. « En reparcourant l’histoire de l’électricité et en analysant la manière dont cette énergie est aujourd’hui pensée, Gérard Dubey et Alain Gras offrent un recul critique salutaire sur les promesses soi-disant fabuleuses de notre présent » (Terrestres, 17/05/2021).
Cédric DURAND, Technoféodalisme. Critique de l’économie numérique (La Découverte, 2020).
« La thèse de ce livre est qu’avec la digitalisation du monde se produit une grande régression. Retour des monopoles, dépendance des sujets aux plateformes, brouillage de la distinction entre l’économique et le politique : les mutations à l’œuvre transforment la qualité des processus sociaux et donnent une actualité nouvelle au féodalisme ».
Valentyna DYMYTROVA, Isabelle HARE, Valérie LARROCHE, Françoise PAQUIENSEGUY, Marie-France PEYRELONG (dir.) Données urbaines et smart cities. Entre représentations et pratiques professionnelles (Editions des archives contemporaines, 2020).
Une enquête dans l’univers des open data-données ouvertes métropolitaines auprès de celles et ceux qui les produisent, les gèrent, les réutilisent ou les médiatisent. L’analyse révèle « l’importance d’impliquer l’ensemble des acteurs de la métropole dans des projets concrets accompagnés par les collectivités locales autour de l’ouverture, du partage et de la valorisation des données ».
Guillaume ETHIER, La ville analogique. Repenser l’urbanité à l’ère numérique (Editions Apogée, 2023).
« L’avènement de l’univers numérique a mis à mal notre rapport à la ville tangible, que nous avons désertée au profit d’une hyperconnectivité qui n’est pas sans conséquences sur l’espace public en tant que lieu de sociabilité. Et l’arrivée annoncée d’un soi-disant « métavers » ne fera qu’amplifier ce phénomène. La dépersonnalisation des relations interpersonnelles et le transfert des décisions humaines à des machines menacent, à terme, la part d’humanité qui nous relie les uns aux autres ».
Fabrice FLIPO, La Numérisation du monde. Un désastre écologique (l’échappée, 2021).
« Le mythe de l’immatérialité du numérique est enfin en train de s’effondrer. En s’appuyant sur une étude exhaustive des rapports scientifiques sur le sujet, Fabrice Flipo définit avec précision les enjeux de la numérisation du monde et ses implications écologiques — énergétiques, climatiques et matérielles. Il rapproche le numérique de la logistique et explique ce qu’il faut comprendre lorsqu’il est question de « plateformes ». Il décrit comment les modes de vie ont évolué, sous la pression conjointe des entreprises et de l’État ».
Clément GAILLARD (dir.), Une anthologie pour comprendre les Low-Techs (T&P Work Unit, 2023).
« Quel est le point commun entre un four solaire, la construction en brique de terre crue et un système de récupération et de filtration des eaux de pluie ? Toutes ces techniques ont été présentées comme des « technologies appropriées » à partir des années 1970 et nombre d’entre elles sont aujourd’hui reprises et diffusées par le mouvement low-tech. Cette anthologie rassemble et présente un ensemble de 29 textes publiés entre le début des années 1960 et aujourd’hui consacrés aux technologies appropriées et au low-tech, pour la plupart inédits en français ou devenus introuvables. L’anthologie est décomposée en quatre parties qui traitent respectivement des technologies appropriées et de leur histoire, des méthodes pour concevoir low-tech, des applications directes de l’énergie solaire et des techniques alternatives pour capter et économiser l’eau dans un contexte de sécheresse grandissante ».
Arthur GRIMONPONT, Algocratie. Vivre libre à l’heure des algorithmes (Actes Sud, 2022).
« « L’histoire de l’humanité ressemble de plus en plus à une course entre l’éducation et la catastrophe », remarquait en 1920 l’écrivain britannique H. G. Wells. En 2022, jamais l’humanité n’a atteint un tel niveau d’interconnexion, l’information n’a irrigué nos sociétés en de tels volumes, nous n’avons eu autant de temps libre. Cela aurait dû nous permettre d’atteindre un sommet dans notre capacité à communiquer, à coopérer et à nous éduquer. Mais nous avons délégué aux réseaux sociaux la charge d’organiser notre vie sociale, politique et culturelle. La guerre de l’attention exploite nos pulsions, déchaîne les passions et éclipse la raison. Nul déterminisme technologique ne nous condamne au pire. Bâtir une démocratie de l’information est vital et la clé d’un formidable progrès humain ».
Thierry HOQUET, Les Presque-Humains. Mutants, cyborgs, robots, zombies… et nous (Seuil, 2021).
« Ni transhumain, ni posthumain ou inhumain, le « presque-humain » désigne un nouveau domaine : celui qui se dessine en deçà ou au-delà de l’humain, là où notre condition devient une question plutôt qu’une évidence. Que nous disent-ils de ce que nous sommes devenus, ces êtres (zombies, mutants, robots, cyborgs, goules, etc.) qui, sans être nos semblables, nous ressemblent cependant, au point parfois de devenir des caricatures de nous-mêmes ? Qu’ils soient amis ou ennemis, ces êtres fictifs hantent notre imagination, nous promettent un avenir souvent inquiétant, remettant en cause notre autonomie. Ils nous rappellent qu’être humain, c’est toujours être susceptible de faillir ».
Yuk HUI, La Question de la technique en Chine (Editions Divergences, 2021).
« S’il y a un domaine où la Chine s’impose au XXIe siècle, c’est bien celui de la technique. Conquête de l’espace, déploiement de la 5G, construction d’un Internet «national» avec ses propres géants numériques, nouvelles technologies de surveillance et de contrôle. Pourtant rien ne semblait prédestiner la Chine à accepter ni à intégrer ce système, encore moins à en être à la pointe. Contre les penseurs européens qui présentent toujours la technique comme une donnée universelle, le philosophe propose de réinsérer les techniques dans leur contexte local et cosmologique, à la lumière d’une relecture de l’histoire des philosophies de la technique en Occident et en Asie ».
Celia IZOARD, Merci de changer de métier. Lettres aux humains qui robotisent le monde (Editions de la dernière lettre, 2020).
« Interpeller directement des chercheurs, ingénieurs et startuppers sur les implications politiques de leur activité, tel est l’objet de ce livre, composé de lettres ouvertes rédigées dans un style piquant, qui mêle la satire et l’analyse. Celia Izoard ouvre ici un dialogue avec les concepteurs des nouvelles technologies pour les interroger sur le sens de leur travail et analyser l’impact social et écologique des grands projets industriels de la décennie, dans un monde en proie à la crise climatique et à l’exploitation au travail ».
Pablo JENSEN, Deep earnings. Le néolibéralisme au cœur des réseaux de neurones (C&F éditions, 2021).
Après avoir découvert que Frank Rosenblatt, l’inventeur des réseaux de neurones en 1958, « fait de l’économiste Friedrich von Hayek, l’idéologue du néolibéralisme, la source majeure de son inspiration », Pablo Jensen, physicien, spécialiste des systèmes complexes, a mené une enquête sur les accointances entre politique et informatique en matière de modélisation des activités humaines et sociales.
Zahar KORETSKY, Peter STEGMAIER, Bruno TURNHEIM, Harro VAN LENTE, Technologies in Decline Socio-Technical Approaches to Discontinuation and Destabilisation (Routledge, 2022).
« Les questions centrales de cet ouvrage sont les suivantes : comment les technologies déclinent-elles, comment les sociétés gèrent-elles les technologies en déclin et comment la gouvernance peut-elle être explicitement orientée vers l’abandon des technologies “indésirables” ? ».
Céline LAFONTAINE, Bio-objets. Les nouvelles frontières du vivant (Seuil, 2021).
« À l’heure où l’on s’inquiète de l’avenir de la biodiversité, de nouvelles formes de vie éclosent chaque jour dans les laboratoires du monde globalisé. À partir d’exemples tirés de la médecine reproductive, du génie génétique et d’une enquête menée auprès de chercheurs en bio-impression, ce livre fascinant analyse les imaginaires scientifiques, les pratiques et les espoirs mirobolants que soulève la production d’objets-vivants. Il rend visibles les ressorts épistémologiques, industriels et éthiques de ce qui est devenu une véritable économie de la promesse. Les frontières entre vivant et non-vivant, sont de moins en moins opérantes pour comprendre un monde où la matière biologique est transformée en objet biotechnologique. Les frontières du corps humain et les barrières entre espèces, qu’on croyait immuables, deviennent malléables ».
Julia LAINAE, Nicolas ALEP, Contre l’alternumérisme (La Lenteur, 2020).
L’ouvrage interroge la croyance en un autre numérique possible. Il appelle à s’extraire de l’utopie numérique et à refuser radicalement la numérisation du monde.
Fanny LOPEZ, A bout de flux (Editions Divergences, 2022).
« Le rapport immédiat aux objets connectés invisibilise le continuum infernal d’infrastructures qui se cachent derrière : data centers, câbles sous-marins, réseaux de transmission et de distribution d’électricité. Alors que le numérique accompagne une électrification massive des usages, le système électrique dépend lui-même de plus en plus du numérique pour fonctionner. Pour comprendre ce grand système et imaginer comment le transformer, il nous faut aller au bout des flux, là où se révèle la matérialité des machines et des câbles ».
James LOVELOCK, Novacene: The Coming Age of Hyperintelligence (MIT Press, 2019).
« L’auteur de la théorie Gaia propose la vision d’une époque future dans laquelle les humains et l’intelligence artificielle aideront ensemble la Terre à survivre ».
Quentin MATEUS, Gauthier ROUSSILHE, Perspectives low-tech. Comment vivre, faire et s’organiser autrement ? (Editions Divergences, 2023).
« Plus nous avançons dans un siècle incertain, plus nous prenons la mesure de la fragilité des systèmes techniques qui structurent nos modes de vie. La low-tech, qu’on oppose généralement à la high-tech, interroge nos besoins dans un monde contraint. S’il n’est pas dépourvu d’ambiguïtés, ce mouvement dynamique pourrait bien participer à reconstituer des cultures techniques et conviviales, d’autres manières de vivre et de s’organiser. Qu’il soit rattrapé par des logiques marchandes et autoritaires, ou qu’il constitue un levier d’émancipation, la question que pose en creux le mouvement low-tech est celle des chemins techniques à prendre pour refonder nos sociétés sur des bases viables, justes et désirables ».
Pierre MUSSO, L’imaginaire du réseau (Manucius, 2022).
Une exploration du concept de réseau, ce nouveau paradigme technologique qui « domine l’imaginaire contemporain ». « Tout devient réseau : la planète, le territoire, les institutions, l’entreprise, l’Etat… et les individus ». Son imaginaire est ambivalent, entre communication et fluidité d’une part et surveillance et contrôle d’autre part.
Nicolas NOVA, Smartphones. Une enquête anthropologique (Metispresses, 2020).
Le chercheur a mené une enquête anthropologique méticuleuse sur le smartphone, cet objet ambivalent, cet appareil technologique, qui nous accompagne dans nos tâches quotidiennes et nous suit à la trace, qui fascine autant qu’il inquiète. L’ouvrage se distancie d’une vision alarmiste et s’intéresse à la pluralité des usages (Le Temps, 19/06/2020).
Guillaume PITRON, L’enfer numérique. Voyage au bout d’un like (Les Liens qui Libèrent, 2021).
« Quelles sont les conséquences physiques de la dématérialisation ? Comment les données impalpables pèsent elles sur l’environnement ? Quel est le bilan carbone du numérique ? ». Une enquête sur « le coût matériel du virtuel ».
Olivier TESQUET, À la trace. Enquête sur les nouveaux territoires de la surveillance (Premier Parallèle, 2020).
Une enquête qui livre une cartographie des nouveaux territoires de la surveillance et décrit sans les fantasmer les mécanismes des systèmes opaques qui exploitent notre vie privée avec notre consentement.
Eric VIDALENC, Pour une écologie numérique (Editions Les Petits Matins, 2019).
Une illustration de l’ambivalence du numérique : à la fois un atout et un frein de la transition écologique. L’ouvrage invite à remettre le numérique à sa place en prônant la «sobriété numérique» qui revient à éliminer le numérique des espaces où il est inutile, transformant ainsi les usages et les politiques.
Nathanaël WALLENHORST, Mutation. L’aventure humaine ne fait que commencer (Editions Le Pommier, 2021).
« Depuis quelques années, des groupuscules transhumanistes fantasment une mutation humaine. Or, si elle est bel et bien le défi du siècle, une mutation humaine doit nécessairement prendre acte des limites de la Terre. Elle procédera non d’une amélioration ou d’une augmentation de l’individu, mais d’un changement radical de la façon dont nous coexistons, entre humains, et entre humains et non-humains. Elle portera sur cet espace qui est « entre ». Bref, elle sera politique ».
Shoshana ZUBOFF, L’Âge du capitalisme de surveillance (Zulma, 2020). Traduction par Bee Formentelli et Anne-Sylvie Homassel.
La sociologue, professeure émérite à Harvard, livre une enquête de plus de 20 ans sur le pouvoir des machines intelligentes et la menace que ce pouvoir représente pour la liberté humaine. Elle révèle les choix bien humains, et non technologiques, qui ont présidé à la mise en place de ce qu’elle appelle un « capitalisme de surveillance », ce modèle qui monétise nos données personnelles et comportementales et produit des algorithmes censés prédire et influencer nos choix (Philosophie magazine, 28/09/2020).