Pourquoi Bergame ? Analyser le nombre de testés positifs au COVID 19 à l’aide de la cartographie. De la géolocalisation du phénomène à l’importance de sa dimension territoriale.

Coordination scientifique : Emanuela Casti et Fulvio Adobati. Chercheurs impliqués : Andrea Azzini, Andrea Brambilla, Francesca Cristina Cappennani, Emanuele Comi, Elisa Consolandi, Marta Rodeschini, Maria Rosa Ronzoni, Anna Maria Variato

École Urbaine de Lyon
Anthropocene 2050
6 min readMar 30, 2020

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Voir légende infra

Traduction de l’italien réalisée avec l’aimable autorisation d’Emanuela Casti à l’aide du traducteur automatique en ligne Deepl.com (révisée par Lucas Tiphine avec l’aide d’Alfonso Pinto). Les légendes de cartes n’ont pas été traduites (merci de contacter lucas.tiphine(at)universite(tiret)lyon(point)fr pour toute demande complémentaire concernant la traduction).

Pourquoi Bergame ? Pour contribuer à répondre à la question de savoir pourquoi le nombre de testés positifs à la maladie COVID 19 a pris de telles proportions dans cette région — une question que le monde entier se pose — un groupe de chercheurs de l’Université de Bergame a entrepris des recherches qui, à l’aide d’une réflexion fondée sur la cartographie, étudient l’augmentation du nombre de testés positifs en la mettant en relation avec les aspects sociaux et environnementaux du territoire (population, mobilité, travail, pollution) à différentes échelles : celle de l’Italie dans son ensemble, celle de la Lombardie et celle de la province de Bergame.

En partant des recherches scientifiques récentes sur le rôle de la spatialité et de la cartographie dans la représentation des phénomènes sociaux, les objectifs sont : i) d’analyser l’évolution du nombre de testés positifs en relation avec les spécificités socio-territoriales des lieux où la propagation se fait avec le plus de virulence ; ii) de construire des cartes analytiques qui, au-delà du message alarmiste que la plupart des cartes produites par différentes institutions officielles ou non officielles véhiculent sur le nombre de testés positifs, contribuent plutôt à la compréhension du phénomène dans sa complexité.

En ce qui concerne le premier point, il est maintenant établi que pour comprendre et interpréter le présent, la prise en compte de la dimension spatiale des phénomènes sociaux est d’une importance fondamentale. En d’autres termes, le lieu où les choses se produisent est crucial pour comprendre comment et pourquoi elles se produisent. Inclure la manière dont les territoires sont habités dans l’analyse s’applique similairement en ce qui concerne l’augmentation du nombre de testés positifs Covid-19, puisque tant le temps de diffusion accéléré que la propagation réticulaire initiale s’expliquent spatialement.

Les manières d’habiter dans le monde contemporain sont mobiles et urbanisées. Dans le cas de la maladie COVID 19, la mobilité permet d’expliquer que le début de l’épidémie, telle qu’appréhendée par le nombre de testés positifs, est corrélée spatialement à la connexion des lieux. Elle se propage ensuite en fonction de logiques de proximité. L’urbanisation amplifie alors l’épidémie en raison des assemblages inévitables qu’elle implique. Dans la vallée du Pô, bien que les foyers de contagion se soient produits dans des centres périphériques (Codogno, Vo’ Euganeo, Alzano lombardo et Nembro), ils appartiennent toujours à l’agglomération polycentrique généralisée qui caractérise cette région.

Le deuxième objectif, à savoir la construction d’une cartographie réflexive pour contrecarrer la banalisation des cartes et leur pouvoir médiatique dévastateur dans la création de l’inquiétude collective, découle de la fonction innovante que l’on peut attribuer à la cybercartographie. Celle-ci a la capacité à créer une information spécifique autoréférentielle capable de produire d’autres logiques de compréhension des phénomènes, et ce en se détachant de leurs représentations habituelles. En fait, les outils d’information géographique en réseau (WebGIS), s’ils sont bien utilisés, sont capables non seulement de géolocaliser les phénomènes, mais aussi de créer des connaissances en croisant les informations sur le nombre de testés positifs avec des données socioterritoriales concernant les espaces étudiés. La plupart des cartes actuellement en circulation sur l’épidémie de COVID 19 cachent cette potentialité des systèmes cartographiques numériques. L’utilisation des moyens informatiques pour produire des cartes sans raisonnement cartographique et territorial laisse en effet à la “machine” le choix de l’information sans la gérer et la rendre intelligible.

Contexte scientifique :

Au fil des ans, le Centro Studi del Territorio de l’Université de Bergame (Centre d’études sur le territoire) a expérimenté de nouvelles formes de cybercartographie dans le domaine du diagnostic territorial à l’échelle locale, nationale et internationale. Les recherches ont notamment porté sur l’aménagement territorial et paysager ainsi que sur la gouvernance urbaine et environnementale. Celles-ci se sont concrétisées par l’application d’approches théoriques innovantes (Casti, 1998 ; Id. 2013) et de méthodologies qui utilisent des données de terrain (Casti, 2006), provenant de sources multiples (statistiques, archives, médias sociaux, données importantes), ainsi que des plateformes numériques pour leur collecte, leur traitement, leur interprétation et leur diffusion (www.unibg.it/diathesis). Plus spécifiquement, le groupe de recherche interdisciplinaire du Centro Studi sul Territorio a mené des recherches dans la région de Bergame, notamment sur le Val Seriana, qui visait à mettre l’accent sur les dynamiques socioterritoriales liées à l’intégration scolaire, aux déplacements domicile-travail et au monde du travail. Le Centre a également mené une recherche pluriannuelle sur les méthodes et la cartographie dynamique pour la gestion des big data dans le cadre du projet “Excellence Initiative Urban Nexus”, qui a produit une cartographie du “rythme urbain” de Bergame grâce aux données recueillies dans les hotspots de la municipalité.

La présente recherche a été réalisée sur la base du volontariat par des chercheurs de l’Université de Bergame ainsi que par des étudiants et des collaborateurs externes. Elle est coordonnée par le professeur Emanuela Casti, directeur du Centro Studi del Territorio de Bergame, et par le professeur Fulvio Adobati — en utilisant les bases de données du CST et du DiathesisLab sur les différents aspects territoriaux de la ville et de la province de Bergame (sur la répartition de la population, sa composition par tranches d’âge, les différentes formes de mobilité, l’organisation spatiale du territoire, la pollution) et en les croisant avec les données rendues publiques par le Ministère de la Santé et l’Istituto Superiore di Sanità (Institut supérieur de santé).

Les premières cartes présentées dans ce document mettent en évidence des aspects inédits de l’épidémie de COVID-19 appréhendée par le nombre de testés positifs : différents groupes d’âge touchés par l’épidémie selon les régions ; des vues d’ensemble qui ne sont pas les mêmes selon le type de données retenues (réelles ou en pourcentage) ; des implications socioterritoriales différenciées si le pourcentage de l’épidémie est rapporté au nombre total d’habitants : elles offrent de premières réflexions pour contribuer à la construction de l’environnement scientifique qui œuvre à la connaissance du virus tant au niveau national qu’international.

Prochainement, les résultats obtenus par l’Université de Bergame et visualisés grâce à un WebGIS dynamique seront diffusés sur Internet en open source afin de mettre en évidence les caractéristiques socioterritoriales dans la propagation de l’épidémie de COVID 19 et d’encourager leur prise en compte dans sa gestion présente et future. Une communication in itinere est prévue sur la base du suivi de la tendance épidémique et sera publiée sur le site du CST de l’Université de Bergame (www.unibg.it/cst), le site de l’AGeI (Association des géographes italiens) (www.ageiweb.it), ainsi que par le biais des médias sociaux.

Territoire national

La carte ne montre pas la progression du nombre de testés positifs au COVID 19 mais offre une photographie de la situation en date du 23 mars.
Les deux représentations cartographiques montrent le nombre de testés positifs avec des dégradés chromatiques mais la carte (a) la montre par rapport à la superficie des provinces ; dans la carte (b) cette superficie a été déformée par rapport au nombre de cas de testés positifs. Si la carte (a) unifie les différences entre les provinces, la carte (b) met en relief la différence entre l’Italie du Nord et une partie de l’Italie centrale par rapport au reste du territoire national. En fait, le nombre de testés positifs apparaît élevée dans les trois provinces lombardes de Milan, Bergame et Brescia, suivies de Lodi, Crémone, Plaisance et Turin et du reste des provinces du nord identifiées par le rose foncé, auxquelles appartiennent également Rimini, Pesaro-Urbino et Rome.
Outre la répartition des personnes testées positives au COVID-19 dans les différentes régions, identifiées par le chromatisme du gris clair au gris le plus foncé, la carte illustre les conséquences de l‘épidémie en distinguant l’issue négative (personnes décédées, personnes en soins intensifs, hospitalisées avec des symptômes et personnes isolées à domicile) de l’issue positive (c’est-à-dire les sorties de l’hôpital et les guérison). Il est possible de constater que dans la plupart des régions, le nombre de personnes infectées en isolement à domicile est plus élevé que celui des personnes hospitalisées avec des symptômes : les régions qui comptent le plus grand nombre de patients hospitalisés sont la Lombardie, le Piémont, la Ligurie, le Latium et le Molise. Le pourcentage le plus élevé de décès se trouve en Lombardie (13%), en Émilie-Romagne et Ligurie (11%) et dans les Marches (8%). En ce qui concerne l’issue positive de l’infection, on note qu’en Lombardie, 21 % des personnes testées positives sont sorties de l’hôpital ou ont guéri de la maladie COVID-19, suivies — à distance — par le Molise et le Frioul-Vénétie Julienne.
Le fond de carte, avec différents niveaux de gris, indique le nombre de personnes testées positives au COVID 19 par rapport aux groupes d’âge de la population, indiqués par les pyramides. Bien que les pyramides montrent uniformément l’incidence sur la population adulte de 40 ans et plus, elles diffèrent les unes des autres, du moins pour les régions où le nombre de personnes testées positives est le plus élevé : pour la Lombardie et l’Émilie-Romagne, on note un pourcentage élevé pour les tranches d’âge de 50 à 59 ans et de 60 à 69 ans, atteignant un pic pour la tranche d’âge de 70 à 79 ans et une diminution progressive évidente pour les plus de 80 ans compte tenu de leur nombre limité dans la pyramide des âges ; pour la Vénétie, en revanche, la tranche d’âge la plus touchée est celle des 50 à 59 ans avec une contagion plus contenue tant pour les tranches d’âge supérieures que pour la tranche d’âge de 40 à 49 ans. Les autres régions, en raison de la faible incidence du faible nombre de testés positifs, ne présentent pas de pics significatifs. Le Piémont a la même projection que la Lombardie et l’Émilie-Romagne ; les Marches, le Latium, la Toscane et le Trentin-Haut-Adige, qui appartiennent au même ensemble en ce qui concerne le nombre de personnes testées positives, présentent une incidence homogène de la contagion, de 40 à plus de 80 ans, avec une légère augmentation dans la tranche d’âge de 50 à 59 ans.

Région Lombardie

La répartition et l’évolution du nombre de testés positifs entre le 24 février et le 23 mars montrent que les grandes villes sont les plus touchées par rapport aux communes plus petites. Milan se distingue avec plus de 2000 cas de testés positifs, suivie de Brescia, Bergame, Crémone et — à distance — Codogno et Crémone. La carte montre également la forte augmentation du nombre de personnes testées positives dans les grands centres urbains de Lombardie : en effet, le nombre de personnes testées positives à Milan est passé de 813, enregistré le 16 mars, à 2171, enregistré le 23 du même mois. Les villes de Bergame et de Brescia ont également vu le nombre de personnes testées positives doubler : en ce qui concerne Bergame, le nombre de personnes testées positives est passé de 496 à 834 ; Brescia a un nombre de personnes testées positives égal à 891 (presque le double de celui de la semaine précédente, qui en comptait 478). Enfin, Crémone a également enregistré une forte augmentation — bien que moindre que les trois villes précédemment mentionnées — passant de 556 à 829 testées positives, à l’image d’autres centres urbains secondaires.
Sur la carte (a), le pourcentage de personnes testées positives en Lombardie est indiqué par rapport à la surface de la commune. Sur la carte (b), le même pourcentage est comparé au nombre de résidents par municipalité. Les deux cartes montrent que le pourcentage le plus élevé de testés positifs (de 2 à 4 %) ne concerne pas les grandes agglomérations mais les communes appartenant à l’agglomération polycentrique régionale. Si l’on se concentre sur la première carte (a), les communes ayant le pourcentage de testés positifs le plus élevé— à part quelques petites communes — sont situées dans la bande centrale de la Région qui va du Sud au Nord avec, au premier plan, Crémone, Lodi, quelques communes de la région de Brescia, Bergame et la majeure partie de la vallée de la Seriana. Le reste de la région est touché de manière différente, avec une incidence nulle ou peu significative dans la zone alpine et, inversement, une propagation de la contagion dans le reste de la plaine. L’interprétation de la deuxième carte, c’est-à-dire le rapport entre le nombre d’habitants et le pourcentage de testés positifs, fait apparaître deux aspects : le premier est que — si l’on exclut Mantoue — le pourcentage le plus élevé concerne la partie sud-est, tandis que la zone métropolitaine milanaise jusqu’aux territoires de Côme et de Varèse présente un pourcentage limité et continu, à l’exception de quelques communes. Le deuxième aspect qui ressort est qu’aucune ville de Lombardie ne présente un pourcentage de testés positifs supérieur à 0,9%, en fait Milan présente un pourcentage inférieur à 0,3%, tandis que Bergame, Brescia et Lodi présentent un pourcentage inférieur à 0,9%

Province de Bergame

La répartition du nombre de testés positifs dans la province de Bergame le 23 mars montre que la commune de Bergame même est la plus touchée (du 16 au 23 mars, elle passe de 496 à 834 personnes infectées), suivie par quelques communes plus petites, à savoir Nembro (186), Albino (168), Seriate (162) Alzano Lombardo (159) et Dalmine (127). Dans l’ensemble, il apparaît qu’au-delà de la commune Bergame, les communes les plus touchées sont Nembro, Albino et Alzano Lombardo dans la partie basse du Val Seriana, qui représentent également le premier foyer épidémique de la province. En outre, les centres urbains adjacents à la ville de Bergame, c’est-à-dire Dalmine et Seriate, comptent un nombre plus élevé de personnes infectées que ceux de Treviglio, Caravaggio, Romano di Lombardia et Clusone dans la partie haute du Val Seriana, qui connaissent également une contagion soutenue.
Sur la carte (a), le pourcentage de personnes testées positives dans la province de Bergame est indiqué par rapport à la surface de la commune. Sur la carte (b), le même pourcentage est comparé au nombre de résidents par commune. Globalement, la situation dans la province de Bergame nous permet d’identifier l’apparition du virus à Alzano Lombardo-Nembro et sa propagation aux communes environnantes par proximité. Sur la première carte, Bergame et les communes voisines du sud, le reste du Val Seriana, le Val Brembana et le Val Imagna, présentent un pourcentage uniforme de testés positifs, à l’exception de la commune de Valbondione qui compte un nombre plus élevé d’infectés. La deuxième carte (b), qui compare le pourcentage de testés positifs avec le nombre d’habitants, montre le Val Seriana comme la zone où la contagion est la plus forte, même si le faible nombre d’habitants la représente contractée sur l’anamorphose, surtout dans la partie supérieure où Valbondione disparaît presque. La partie de la province élargie sur l’anamorphose, qui comprend la commune de Bergame, est celle la plus peuplée de la province. Le pourcentage de contagion est élevé mais n’atteint pas celui du Val Seriana. Enfin, la région de la Basse-Bergame présente un pourcentage plus faible.
De la carte émerge la conurbation de la Vallée Basse (Zone 8 composée de 18 municipalités qui contiennent 71,7% de la population totale) composée de centres peuplés, tels que Albino (plus de 18 000 habitants), Alzano Lombardo (environ 14 000 habitants) et Nembro (environ 12 000 habitants) ainsi que Gazzaniga, situés au fond de la vallée et qui ont le plus grand nombre de testés positifs ; il y a aussi les municipalités de la vallée latérale de Gandino, du plateau de Selvino où le nombre de testés positifs est élevé ; A l’inverse, la Haute Vallée (zone 9 composée de 20 communes) est moins peuplée (28,3% de la population de la Vallée), à l’exception de la ville de Clusone et des centres de Castione della Presolana et Rovetta où les contagions, bien qu’avec une incidence moindre, sont également élevées.

Communiqué de presse original en italien :

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Anthropocene 2050

L’École Urbaine de Lyon (EUL) est un programme scientifique « Institut Convergences » créé en juin 2017 dans le cadre du Plan d’Investissement d’Avenir.