VEILLE ANTHROPOCENE #29

berenice gagne
Anthropocene 2050
Published in
10 min readMay 15, 2020

Semaine du 8 au 14 mai 2020

Le coronavirus SARS-CoV-2 et le Covid-19 faisant désormais partie du paysage pour un temps indéterminé, je reviens à une unique veille intégrant tous les aspects de notre monde urbain anthropocène, dont le fameux virus et ses multiples conséquences. Deux menaces sont particulièrement pointées cette semaine : celle d’un « screen new deal » au profit des entreprises de la high tech et celle d’une crise alimentaire tant au niveau mondial qu’aux différents niveaux locaux. Pendant ce temps en ville, le timide déconfinement est l’occasion d’interroger nos relations spatiales, si essentielles dans nos vies urbaines.

© Dominique Bigelow

Si vous avez des suggestions pour enrichir cette veille, n’hésitez pas à les partager : berenice.gagne@universite-lyon.fr

Retrouvez la veille au fil de l’eau sur twitter : @BereniceGagne

📣 🎶 Nouveauté 🌈 : afin de faciliter une lecture rapide, pour certains articles, j’ai identifié quelques temps forts du texte vers lesquels je renvoie.

URBAIN

- Le géographe Michel Lussault propose une série de 10 courtes vidéos pour penser le monde anthropocène depuis et avec le virus (Anthropocene 2050).

- Une réflexion sur les nouvelles formes d’inégalités urbaines de la ville post-Covid : « le futur de la gentrification et des espaces publics, à l’heure de la distanciation sociale, de l’effondrement du tourisme et du renforcement probable du rôle des plateformes en ligne » (métropolitiques, 14/05/2020).

- Le déterminisme des territoires sur l’émergence de la solidarité et de l’entraide : réflexion sur l’autonomie des « grands espaces périphériques, éloignés des grandes agglomérations et de leurs banlieues » (The Conversation, 13/05/2020).

- « La mondialisation du confinement » : l’urbanisation planétaire, la propagation du SARS-CoV-2 et l’impossible gouvernement des flux mondiaux (la vie des idées, 12/05/2020).

- Les fab labs, des lieux de proximité ouverts et équipés d’imprimantes 3D et de machines-outils, invitent à penser « un modèle urbain localement productif en s’appuyant sur l’implication citoyenne » (Le Monde, 11/05/2020).

- Une réflexion du géographe Michel Lussault sur ce que le confinement dit de nos relations spatiales (de nos interspatialités), du rôle considérable qu’elles jouent dans nos vie et des enjeux “géopolitiques” du moment (AOC, 11/05/2020).

- Données urbaines : la chercheuse en sciences de l’information et de la communication Julia Bonaccorsi interroge le modèle de relations sociales que nous voulons en ville, notamment à travers le projet d’application StopCovid (Le Monde, 09/05/2020).

- Crise sanitaire et crise du logement : l’appauvrissement des populations modestes expose particulièrement les locataires (France culture, 09/05/2020).

- A écouter : la vie quotidienne à Shanghai (Chine) et la nouvelle « vie normale » pendant la pandémie, un podcast exclusif avec 12 personnes résidant à Shanghai (Anthropocene 2050, 08/05/2020).

- La société Sidewalk Labs, filiale de la maison mère de Google, Alphabet, abandonne le projet de smart city dans un quartier de Toronto (Canada) qui était « devenu l’emblème d’une volonté de mainmise des GAFA sur les biens publics » (Le Monde, 08/05/2020).

- Parution : Pierre GRAS, Mettre en récit l’urbanité des métropoles portuaires. Architecture et mondialisation des formes urbaines: Gênes, Le Havre, New York (1945–2015) (PUR, 2020). L’historien décrypte les grands récits qui rendent plus attractives les métropoles portuaires historiques de Gênes, du Havre et de Brooklyn à New York : après avoir été écartées des grandes routes de la mondialisation, elles y reviennent de manière singulière et contrastée.

- Parution : Ariella MASBOUNGI (dir.), Un urbanisme de l’inattendu ; Patrick Bouchain grand prix de l’urbanisme 2019 (Parentheses, 2020). Patrick Bouchain est un architecte, urbaniste, maître d’œuvre et scénographe français. C’est un pionnier du réaménagement de lieux industriels en espaces culturels. Partisan d’une méthode collaborative avec les habitant·es, permettant de définir une stratégie collective pour aborder les questions urbaines, son travail vise à sortir des standards pour que le temporaire débloque des situations figées, en jonglant, si nécessaire, avec la législation. Et toujours conserver une forme d’inachèvement qui accueille l’imprévu. A écouter : un entretien avec Patrick Bouchain (France inter, 13/05/2020).

Distanciation physique à la terrasse du Café Rothe à Schwerin (Allemagne) © @LillyBlaudszun

POLITIQUE

- Démonstration : comment contenir l’épidémie de Covid-19 de manière démocratique dans un Etat pauvre (le Kerala, dans le sud de l’Inde) ? Tester, pister, isoler et accompagner chaque cas (The Guardian, 14/05/2020).

- Les promesses technologiques pour lutter contre la catastrophe climatique ne font que retarder les actions pour une véritable transformation des comportements et des économies (Carbon Brief, 13/05/2020).

DROIT

- A écouter : un entretien avec la juriste Mireille Delmas Marty qui invite à débattre sur « la bifurcation de toute la société » suite à la pandémie : « les libertés s’effacent devant le droit à la vie ; le droit à la vie c’est au fond le culte de la sécurité » (France inter, 12/05/2020).

- A écouter : un entretien avec le juriste Jedediah Britton-Purdy, professeur de droit à la Columbia Law School (Etats-Unis), qui s’interroge sur l’établissement d’un pouvoir collectif et démocratique sur les aspects matériels de notre vie commune, sur la transformation de nos infrastructures physiques et politiques et sur la possibilité de construire un écosocialisme victorieux (Dissent, 07/05/2020).

- Parution : Mireille DELMAS MARTY, Une boussole des possibles. Gouvernance mondiale et humanismes juridiques (Éditions du Collège de France, 2020). Disponible ici. La juriste et professeure au Collège de France relit une leçon de clôture prononcée en 2011 qui se révèle d’une actualité saisissante : dans un contexte de mondialisation qui ouvre des possibilités inédites, mais suscite aussi des menaces pour l’être humain et l’ensemble de l’écosystème, provoquant ainsi un repli souverainiste, elle confronte au récit de l’effondrement celui de la mondialité, communauté de destin unie et solidaire dans sa pluralité. Quelle place pour un humanisme juridique au sein de la gouvernance mondiale ? Au croisement des droits nationaux et du droit international, elle revisite trois voies qu’elle avait explorées près de dix ans auparavant : résister à la déshumanisation, responsabiliser les acteurs globaux et anticiper les risques à venir.

SOCIETE

- A écouter : « Y-aura-t-il une “génération coronavirus”? » (France culture, 13/05/2020).

- A écouter : entretien avec la philosophe Cynthia Fleury sur les changements induits par la pandémie dans les relations humaines : peur de l’autre et sociabilité à distance ou nouvelles solidarités et besoin d’humanité ? (France culture, 12/05/2020).

- Un entretien avec l’anthropologue Fabienne Martin-Juchat sur la nouvelle socialité troublée par l’absence de contact et le port du masque : « La perte du contact tactile mais aussi visuel engendrée par le port du masque perturbe la manière dont on communique nos émotions avec l’autre. L’évaluation de la juste distance physique est subjective et dépendante de la culture. Pour éviter les malentendus, les flottements ou encore le sentiment de malaise généré par une appréciation différente de ce fameux mètre, il va falloir être conciliant et bienveillant » (Libération, 12/05/2020).

- « Prendre soin du vivant, des morts et des vivants » : l’association d’éducation populaire L’Escargot Migrateur réfléchit à la place des rituels, notamment funéraires, dans notre société et la manière de se les réapproprier sans se reposer sur l’Eglise ou l’Etat (L’Escargot Migrateur, 11/05/2020).

- A voir : toutes les conférences du colloque international sur les changements pour des modes de vie bas carbone (ICTA-UAB International Virtual Conference, 06–08/05/2020).

SANTE

- S’inspirer des guides de prévention élaborés par et pour les communautés gays au début de l’épidémie de SIDA pour concevoir un guide de réduction des risques contre le coronavirus (The Atlantic, 11/05/2020).

AGRICULTURE

- Un point sur l’agriculture urbaine qui invite au développement de coopérations nouvelles entre mondes urbains, périurbains et ruraux (métropolitiques, 11/05/2020).

ALIMENTATION

- A écouter : un podcast sur la résilience alimentaire des territoires (Rue89Lyon, 13/05/2020).

- Un point sur la crise alimentaire mondiale en cours et à venir, par Olivier De Schutter, coprésident du Panel international d’experts sur les systèmes alimentaires durables (IPES-Food) et rapporteur spécial des Nations unies pour l’extrême pauvreté et les droits de l’homme : « L’efficience, c’est l’uniformisation, la spécialisation, les grandes monocultures où les machines remplacent les hommes et les femmes et où on produit en masse. La résilience, c’est une production beaucoup plus diversifiée, et des circuits courts de commercialisation. On est en train de prendre conscience de la fragilité des systèmes de production mondialisés sur lesquels on reposait et qui ont été encouragés depuis soixante ans » (Le Monde, 12/05/2020).

- Comme la crise sanitaire et le dérèglement climatique, « la crise alimentaire qui sévit appelle une réponse globale et coordonnée » (Le Monde, 12/05/2020).

- Une tribune pour que les politiques publiques soutiennent l’agriculture paysanne afin de « servir l’intérêt commun, en rendant accessible à toutes et tous une alimentation de qualité » (Libération, 12/05/2020).

- « Coronavirus et risques de pénuries : de la nécessité d’une relocalisation des systèmes alimentaires » : « outre ses externalités négatives au niveau environnemental et les faiblesses soulignées par les diverses crises dont celle du COVID-19, l’agriculture industrielle et la mondialisation des systèmes alimentaires ont conduit à une forte déconnexion entre agriculture et alimentation, entre système alimentaire et territoire (Le Grand Continent, 10/05/2020).

- « Comment transformer notre système alimentaire pour le rendre durable et sûr face aux chocs à venir ? Les réponses de Félix Lallemand et Arthur Grimonpont, co-fondateurs des Greniers d’abondance, association dédiée aux questions de résilience alimentaire » (Usbek & Rica, 08/05/2020).

- A écouter : fermeture des frontières, transports ralentis, l’épidémie de coronavirus révèle les failles de nos systèmes alimentaires. Comment construire des systèmes alimentaires plus résilients ? (rfi, 06/05/2020).

HUMAIN/VIVANT/NON-VIVANT

- Un entretien avec la philosophe Virginie Maris qui appelle au développement de territoires autonomes, résilients et solidaires, à l’invention d’« un enchevêtrement d’autonomie à l’échelle des territoires et de solidarité entre les territoires et entre les communautés » (Médiapart, 24/04/2020). Quelques temps forts du texte à retrouver ici.

PLANETE TERRE

- Risque de sècheresse cet été sur la moitié du territoire métropolitain français et les Antilles et des tensions pour l’alimentation en eau de certains territoires (Le Monde, 14/05/2020).

- Une étude des données de nombreuses stations météorologiques dans le monde analyse à la fois les températures et le niveau d’humidité : des « températures humides » que le corps humain est incapable de supporter ont déjà été atteintes alors que les climatologues n’attendaient pas leur émergence avant 2050 (Usbek & Rica, 12/05/2020).

- Une analyse des dommages collatéraux engendrés par le réseau de milliers de satellites en cours de constitution par la société SpaceX (The Conversation, 10/05/2020).

- Planter des arbres contribue à améliorer le bien-être écologique et humain, mais cette pratique pose problème lorsqu’elle est promue comme une solution simple et efficace par les gouvernements et les associations à travers le monde et qu’elle éclipse d’autres actions plus susceptibles de s’attaquer aux causes des problèmes environnementaux, telles que des mesures pour réduire la déforestation et les émissions de gaz à effet de serre (Science, 08/05/2020).

ECONOMIE

- A écouter : une série d’émissions consacrée aux enjeux de la logistique, dans le contexte de la crise du coronavirus : théorie de l’encombrement, circuits courts, coûts de stockage et rôle des plate-formes numériques de commerce et de livraison (France culture, 11–14/05/2020).

ENERGIE

- A écouter : un entretien sur les conditions de la transition énergétique avec Jean-Marc Jancovici, enseignant à Mines ParisTech et président du think tank The Shift Project (France culture, 14/05/2020).

MIGRATIONS

- Cartographier, comprendre les migrations au temps du Covid-19 (Le Grand Continent, 11/05/2020).

31 mars 2020, Villefranche, Hôpital Nord-Ouest © Romain Etienne, Collectif item

ENJEUX POST- ET DECOLONIAUX / PEUPLES AUTOCHTONES

- Marée noire dans l’Amazonie équatorienne : les populations autochtones affectées ne peuvent pas être soignées en raison de la pandémie de Covid-19 (The Telegraph, 13/05/2020).

- Une tribune contre l’industrialisation de la filière aurifère et de la déforestation en Guyane (Libération, 13/05/2020).

- En Centrafrique, l’immense réserve naturelle de Chinko, un business model de la conservation en guerre contre les humains qui vivent dans et par la forêt (Le Monde, 08/05/2020).

ARTS ET CULTURES

- « Décentrer l’humain ? Notes pour des scènes post-anthropocentriques » : « Si le modèle dramatique traditionnel — ses déroulés, les formes scéniques qui le soutiennent, les représentations du monde qu’il structure — sont désormais intenables, comment alors inventer une dramaturgie élargie aux formes de vie humaines et non-humaines qui réclament notre attention, pour que puissent s’élaborer des mondes viables et vivables ? » (Anthropocene 2050, 13/05/2020).

- Un entretien avec Candela Sotos, photographe et artiste espagnole, résidant à Buenos Aires (Argentine), qui a créé une “performance” végétale en proposant d’observer la floraison nocturne de la fleur d’Yrupé, une plante amazonienne autochtone originaire du nord de l’Argentine : « Se rassembler pour voir la floraison de cette plante, sans offrir la possibilité de la posséder ou de la consommer, permet de créer un lien avec elle et entre ceux qui partagent ce moment. On pourrait penser que les futures pratiques artistiques au sein de l’Anthropocène urbain seront proposées pour créer des relations inter-espèces de cet ordre-là » (Anthropocene 2050, 07/05/2020).

- « Critical Zones » (du 23 mai 2020 au 28 février 2021 au ZKM Centre d’Art et des Médias à Karlsruhe, Allemagne), à la fois projet d’exposition et de recherche est le résultat d’une vaste coopération d’artistes, designers, scientifiques et militants pour « établir ensemble une cartographie de la multitude des Terres » : « En tant qu’observatoire des zones critiques, l’exposition vise à orienter le débat vers une nouvelle politique pour la planète » afin que la Terre reste habitable pour nous (Urbain, trop urbain, 29/04/2020).

- A voir : un collectif de photojournalistes propose 11 regards intimement liés à la manière de vivre le confinement et la pandémie pour chacun·e : #2020anneezero (2020 année zéro, mai 2020).

- A voir : « Voyage en Virusland », un feuilleton composé d’épisodes textes et films, par Pierre Cassou-Noguès et Gwenola Wagon : ça parle de guerre, d’ennemi invisible, de soignant·es, de police et d’épiceries, de machines, d’hélicoptères, de drones, de robots, de tracking, de bracelets électroniques (Voyage en virusland)

NUMERIQUE

- Naomi Klein dessine une « théorie du choc pandémique » sous la forme d’un « screen new deal » qui utilise le confinement comme un laboratoire pour expérimenter un avenir sans contact très rentable pour les entreprises de la high tech (The Intercept, 08/05/2020).

IDEES

- Une tribune du philosophe Pierre Charbonnier qui appelle à accepter le trouble que l’écologie « impose à nos représentations politiques et à notre façon de nous unir et de nous désunir. L’écologie ne nous rassemble pas, elle nous divise. Tant mieux, car c’est de cette division que naîtra une clarification de nos objectifs » (Le Monde, 14/05/2020).

- Un entretien avec le philosophe Bruno Latour qui appelle à la création de «classes géo-sociales» qui positionnent les individus « selon les territoires dont ils dépendent pour satisfaire leurs besoins vitaux » (Libération, 13/05/2020). Quelques temps forts du texte à retrouver ici.

- Le care spatial, nouveau concept développé par le géographe Michel Lussault, qui se décline en « attention à » et en un « prendre soin » généralisé qui reconnaisse notre vulnérabilité et celle du Monde, mais également l’interdépendance à la fois entre humains et entre vivants et non-vivants (Socialter, 11/05/2020). Quelques temps forts du texte à retrouver ici.

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